Dès le début, la mobilisation a été massive. Pour la seule ville de Lille, les commentaires des manifestant.es les plus âgé.es étaient sans appel : avec plus de 30 000 personnes dans les rues le 19 janvier 2023 (1), iels ne se souvenaient pas ou plus d’une telle affluence en manif un jour de grève. D’autant que dans de nombreuses villes (Calais, Saint-Omer, Beauvais, Maubeuge, Boulogne, Valenciennes…), des cortèges rassemblant plusieurs milliers de personnes avaient pris la rue pour protester le même jour. Pourtant, au milieu de la foule qui répondait à l’appel et malgré la joie de se retrouver, on avait le sentiment d’une forme d’hébétude, un manque de souffle et d’humeur. Comme si tout le monde attendait le printemps et ses inévitables giboulées.
Jeudi 16 Mars
« 49-3 raisons de se révolter »
Fin d’après-midi en terrasse, on entend parler d’un appel à rassemblement Place de la République à 18h. Plus tôt dans la journée, face au risque d’un revers à l’Assemblée nationale, et après de multiples tractations au sein de la majorité macronienne, Boorne avait dégainé le 49-3 , cet article de la Constitution qui permet de faire passer les lois sans vote. Pressentant une forte réaction de la population, le gouvernement avait déjà tout fait pour réduire le processus démocratique à peau de chagrin en passant par une loi de finance, il le piétine désormais.
Pas mal de jeunes (que dis-je, des dizaines !) passent avec des pancartes, leurs visages expriment autant l’indignation qu’une certaine allégresse. Il doit y avoir des étudiants qui bloquent leur campus et qui se sont motivés.
Avec un.e pote, on se décide à aller faire un saut au rassemblement, sans trop y croire non plus. On finit les bières et on se met en route aux alentours de 19h. En arrivant sur la place de la République, on constate qu’une bonne foule plutôt dense est déjà présente, largement plus de 1000 personnes. Malgré des drapeaux et la présence de syndicalistes, on remarque que ce sont surtout des jeunes qui, spontanément, sont venu.es exprimer leur mécontentement, leur colère.
On se doute bien du rôle qu’ont pu jouer les réseaux sociaux dans cette mobilisation. On se dit aussi que ces jeunes qui se sont fait amputer une partie de leur jeunesse par l’épidémie de covid et les confinements, sont en train cette fois de se faire voler leur vieillesse, même si vieillir semble une perspective dérisoire dans un monde en train de partir façon cocotte minute.
Au cœur du rassemblement, on chante, on reprend les slogans, on affiche sa détermination. Soudain, il y a un mouvement, une énergie, comme une vague lente et intense qui glisse sur nos têtes. Là-bas, on veut partir en manif. Un cortège s’organise rapidement, il se lance rue Inkermann en direction du Sébasto et les gens sur la place convergent à sa suite. Devant, il y a une fourgonnette, la CGT assume la manif improvisée. On attend un peu avant de se mettre en marche et de se mêler aux autres manifestant.es. Tout le monde à l’air très motivé, ça s’entend et ça se voit, on avance compact.es et bruyant.es.
De chaque côté de la rue, une quarantaine de flics en mode BACqueux (2) nous encadrent, équipes mobiles et violentes qui opèrent au contact de la foule, prêtes à frapper et à gazer comme à leur habitude. En se retournant, on aperçoit des gens qui continuent d’arriver, comme directement sortis du métro ou de la rue de Béthune pour nous rejoindre. Devant, il y a des hésitations. Personne ne veut suivre le parcours imposé par la police, on refuse d’obéir.
Pour échapper à la nasse qui se met en place, la manif contourne le théâtre Sébastopol et parvient à se faufiler rue des Postes. Pourtant, tout le monde sait que ça les arrange de nous éloigner du centre-ville. Alors, très vite, on tourne à droite dans les petites rues et la tête de cortège s’élance à nouveau vers la place du théâtre, par derrière cette fois.
Entre temps, les BACqueux.ses semblent avoir disparu aux abords de la rue Henri Kolb, peut-être mal à l’aise dans les rues étroites ou, plus sûrement, en train d’attendre des consignes pour décourager les manifestant.es et mettre fin à cette manif spontanée. La nuit, quant à elle, est venue et des personnes ont allumé des flambeaux.
Dès que les premier.ères manifestant.es débouchent sur la place, positionnés de l’autre côté au niveau de la rue Solfé, des flics balancent de la lacrymo au mortier, copieusement et sans sommations. Puis ils approchent au pas de course et forment une ligne de bouclier à l’entrée de la rue, rapidement rejoints par des collègues en civil déposés par une voiture banalisée. Pendant un moment, c’est le statu quo semble-t-il.
Avec l’obscurité de la nuit et la brume laissée par les lacrymos et les fumigènes, la situation est confuse. Resté.es sur la place en esquivant la charge, on a du mal à savoir ce qu’ils se passe pour les autres. On apprendra le lendemain qu’au même instant, deux militants des Jeunesses Communistes se faisaient salement matraquer par des keufs pendant une charge. Une photo, prise aux urgences et circulant le soir-même sur Facebook, montrait le crâne ouvert d’un des 2 militants agressés.
Finalement, on fait le tour pour s’apercevoir que la manif s’est dispersée en plusieurs paquets. Mais on est à Wazemmes et on connaît le terrain. Juste après la caserne des pompiers, on aperçoit une sale troupe de BACqueux.ses à côté de l’école primaire, au moins une trentaine d’individus belliqueux qui ont un peu l’air de zoner.
On reste à bonne distance et on observe, on les suit de loin, jusqu’à ce qu’un crochet nous permettent de nous éclipser rue du Marché, puis de rejoindre le rond-point Serpent et la manif qui s’est reconstituée entre temps. C’est un nouveau cortège qui marche rue de Iéna au milieu des klaxons de soutien et d’encouragement de la part des automobilistes qu’on empêche pourtant provisoirement d’avancer. Les sourires sont sur les visages et les regards échangés plein de complicité. On se sent regonflés, un peu euphoriques, même si on aperçoit déjà les flics qui nous attendent sur le boulevard Montebello.
Une fois encore, on esquive, on prend vers Cormontaigne. C’est calme, un peu tendu, il y a plus d’espace pour circuler. C’est aussi le moment où l’on relève la tête. On reconnaît quelqu’un juste à côté, on se salue et on échange des infos en avançant et quelques commentaires, jusqu’à ce qu’une nouvelle ration de gaz renvoie tout le monde vers la rue Gambetta.
Les flic.ques continuent leur progression systématique, silhouettes en formation serrée qui sortent du gaz, les manifestant.es reculent et se demandent quoi faire. On s’arrête quelques instants à la place Casquette, on souffle, ça regaze, on prend le large. Sur la place du Marché, on ne sait plus trop quoi faire, alors on se dit au revoir, il est 21h30. On verra bien demain, ça a l’air d’être parti pour durer.
Lundi 20 Mars
« Le mouvement plie mais ne rompt pas »
Le rassemblement place de la Rèp (on devrait renommer la station de métro Répression-Beaux Arts) est devenu un rendez-vous quotidien. Quatre jours après le 49.3 de trop, beaucoup de gens continuent de se mobiliser (3), conscient.es du rapport de force que le gouvernement souhaite imposer, d’abord par la menace et la violence, mais aussi par le discrédit lancé sur les organisations syndicales et les personnes de tous âges qui se mobilisent.
Vu le mépris constant affiché par celleux qui pensent nous diriger, et ce sentiment d’urgence à reprendre la main sur nos destins collectifs et individuels, pas étonnant qu’on soit si nombreux.ses ! Peut-être plus d’un millier, et toujours beaucoup de jeunes bien remonté.es sous leurs airs tranquilles. Tout autour de la place, la police a pris position, ça scintille de gyrophares : gros cordon de CRS dissuasif côté rue de Béthune, véhicules de toutes sortes qui bloquent ostensiblement chacune des rues et troupes en boucliers, équipes de BACqueux qui rôdent aux quatre coins. Une jolie nasse en perspective !
Pourtant, sur la place, on compte bien partir en sauvage, ça n’a aucun intérêt de rester là, on veut manifester. Il y a une première tentative plutôt conciliante, rue Inkermann, mais on avait dû donner l’ordre aux flics de nous interdire l’accès au reste de la ville. Les BACqueux postés là se mettent à gazer rapidement, dès que les manifestant.es les plus déterminé.es sont à une dizaine de mètres de l’entré de la rue. Aussitôt, tout le monde recule calmement et prend ses distances avec les gaz.
On finit par se regrouper et à lorgner de nouveau vers la rue Inkermann mais une seconde rasade de lacrymo, plus généreuse vient contrecarrer cette ambition et repousser les gens bien loin.
Pas grave, ça tente de passer ailleurs, sur le côté du palais des beaux-arts. Là encore, une autre équipe de BACqueux lâchent des gaz et s’approchent, laissant à leur collègues en bouclier le soin de cadenasser la sortie. Ça regaze du côté d’Inkermann quand les gens qui fuient la lacrymo s’approchent de trop près.
Entre temps, les BACqueux de la seconde équipe est montée au contact des manifestant.es et commence à matraquer des gens, un peu au hasard vu qu’il commence à faire nuit. La plupart essaie de se mettre hors de portée des coups de tonfa, certain.es galèrent et s’empêtrent dans les buissons en essayant de fuir, alors que celleux qui tentent de tenir face à la violence ou de protester se ramassent d’autres coups.
C’est un spectacle désolant. Les gens qui ont voulu participer à ce rassemblement se font balader sur toute la longueur de la place par les salves de lacrymo à répétition. A deux reprises, les flics balancent une grenade de désencerclement nouveau modèle (4) (grosse détonation) lorsque des jeunes ne se replient pas assez vite à leur goût. Le but évident de ce funeste exercice de police grandeur nature était d’intimider, de blesser, de décourager. Pourtant, ça finit surtout de convaincre celleux qui doutaient encore des intentions du pouvoir, qu’il est important de résister.
Mardi 21 Mars
« la réalité rencontre la fiction »
Suite à la frustration du rassemblement de la veille, certain.es refusent de servir de joujou aux flics qui verrouillent la place de la République et se donnent un autre rendez-vous. L’info circule parmi celleux qui se mobilisent et ce sont quelques centaines de personnes qui se retrouvent au Nouveau Siècle, à deux pas de la Grand Place, pour perturber le festival Série Mania. Les manifestant.es veulent faire entendre leur colère, rendre visible leurs revendications sur les retraites. Quoi de mieux alors que cet évènement hors-sol qui participe totalement au cirque médiatique de la culture dominante ? Il faut dire que depuis des décennies, on nous abreuve de programmes en tout genre et dès le plus jeune âge (5), élevant le personnage du flic au rang de quasi-héros, bien loin de la sordide besogne qu’il accomplit le plus souvent.
A l’arrivée d’une « star américaine », on crie des slogans, on chahute, galvanisé.es par le rythme entraînant d’une batucada militante… Malgré les vigiles dépassés du festival qui s’accrochent désespérément aux barrières, elles sont soulevées de terre et flottent quelques instant au-dessus de la foule motivée et joyeuse. Lorsque des CRS finissent par arriver, des objets volent dans leur direction, bouteilles et canettes, comme autant d’acomptes d’un règlement prochain. Privilégiant les gazeuses à main et forts de leur carapace, les keufs montent à l’assaut et finissent par faire place nette autour du Nouveau Siècle, repoussant les manifestant.es vers le Vieux-Lille.
Loin d’être dispersés, ce sont désormais plusieurs groupes d’une dizaine de personnes qui s’éparpillent dans les rues et continuent le tumulte. Les flics sont dépassés et ne savent plus où donner de la matraque.
Quelques instants plus tard, à l’entré de la rue Faidherbe, un prof qui se trouvait là témoigne de son accrochage avec des keufs. Estimant qu’il ne se poussait pas assez vite pour laisser passer une vingtaine de policiers équipés, il se fait coller au mur par l’un d’eux et mettre à terre où il est ensuite rudement malmené. Sur le moment, il ne s’en rend pas vraiment compte mais un ami présent, choqué par la violence de la scène, lui expliquera qu’il s’est fait frapper à 4 ou 5 reprises avec des coups de pied pendant qu’il était au sol, ce que lui confirment les douleurs et les bleus qu’il découvre le lendemain matin.
Pourtant ce qui retient le plus l’attention, c’est ce qu’un des lascars en uniforme lui a dit : « T’as tordu le doigt à mon collègue ! On va t’embarquer ! » Alors que c’est lui qui se fait violenter, la menace à son encontre est explicite. Dans une logique de répression, accuser un militant de violence sur un représentant de l’ordre présente de nombreux avantages. Mise à part la garde-à-vue (6) qui est déjà une sale expérience, un éventuel procès peut donner lieu à des condamnations (prison, amendes, contrôle judiciaire, bracelet…), voire à des dommages et intérêts qui viennent gentiment compléter le salaire du fonctionnaire plaignant.
Au final, en plus des coups reçus lors de l’intervention, cette personne s’en sortira avec un contrôle d’identité et quelques propos humiliants. On peut imaginer que la présence d’ami.es à proximité de la scène et leur soutien ostensible, lui ont permis de ne pas rester isolé face à cette violence injustifiée et cette logique d’intimidation. Côté gouvernement, on affirme que les comportements « déviants » des policiers (mensonges, provocations, brutalité, racisme...) sont anecdotiques, et que le corps répressif fait globalement preuve de professionnalisme. Pourtant, ce type de témoignage se multiplie à chaque mouvement social, alors que dans certains quartiers, les pratiques policières abusives sont si répandues qu’elles suscitent malheureusement bien peu de réactions. Pour ce qui est des flics intègres et altruistes que les séries aimeraient promouvoir, on repassera !
Jeudi 23 Mars
« Alors, ça gaze ? »
C’est le jour de la manif intersyndicale. Après la semaine de mobilisations quotidiennes que nous avons vécue, c’est clairement le nombre qui est l’enjeu. On se demande aussi quel sera l’état d’esprit des manifestant.es : défaitisme, passivité ou détermination ? En arrivant au croisement de la rue Mauroy et de l’avenue Kennedy, la première impression est trompeuse.
La foule paraît moins compacte que les fois précédentes où, depuis la Porte de Paris, on se pressait les uns contre les autres dans l’atmosphère gouailleuse et colorée des débuts de manifs. Pourtant, alors que le cortège s’est déjà élancé depuis une demi-heure, des manifestant.es arrivent en flux continu des rues adjacentes, toujours plus nombreux.ses pour venir grossir nos rangs.
Dans le cortège, on sent que le ton a changé, les syndicats ont l’air plus chauds, les gens aussi. Il y a des manières de vider ses poumons sur un « ça va péter ! » qui ne trompent pas. Sur les pancartes, les messages se sont adaptés à la situation de bras-de-fer imposée par le gouvernement, ils dénoncent l’attitude cynique et autoritaire dont il fait preuve.
En approchant de l’avant du cortège, ça commence à piquer dans l’air, signe que les flics viennent de gazer. Une foule hétéroclite et bruyante ouvre la marche devant le cordon syndical, cadenassée au quatre coins par des BACqueux. En tout, une centaine de molosses matossés tiennent les trottoirs de chaque côté, toujours menaçants et prêts à attaquer la manif.
Certes, la situation est tendue mais les manifestant.es demeurent attentif.ves aux autres et à ce qui les entoure. On apprend qu’il vient d’y avoir une interpellation, d’où la nervosité, et qu’« ils ont réussi à choper quelqu’un ». Au croisement de la rue Masséna et de la rue Nationale, quelques projectiles volent en direction des keufs, lesquels répliquent aussitôt. Personne n’est surpris quand ça gaze, chacun.e s’éloigne calmement. On se couvre au mieux les voies respiratoires et on apporte de l’aide à celleux qui ont l’air d’en avoir le plus besoin à proximité, on improvise une séance collective de gouttes dans les yeux. Quand on a repris nos esprits, et après quelques « tout le monde déteste la police ! » histoire d’expectorer les derniers résidus de lacrymo des poumons, on redémarre comme si de rien n’était.
Ça se poursuit plutôt sans accrochages jusqu’au théâtre Sébastopol où deux groupes bien connus nous attendent : la ligne de CRS droit devant pour nous barrer l’accès au reste de la rue Solférino, et la fanfare de lutte sur le côté pour nous galvaniser. Alors que certain.es se pressent autour des musicien.nes pour partager avec elleux leurs plus belles danses, d’autres en profitent pour régler quelques comptes avec les représentants de l’ordre présents à portée d’injures et de canettes.
La réponse policière ne se fait pas attendre avec plusieurs grenades lacrymogènes balancées à l’arrache, dont une qui atterrit quasiment sur la fanfare (Flûte alors !). Y avait-il une volonté de leur clouer le bec (7) à ces fanfaron.nes ? Peine perdue. Les gaz se dissipent et, malgré les yeux rougis et les gorges irritées, c’est une volée de notes conquérantes et enragées qui électrisent les manifestant.es dispersé.es sur la place du théâtre. Tous.tes ensemble, on s’élance comme une seule personne pour reprendre possession du carrefour.
Enfin, la manif parvient tant bien que mal à s’engouffrer rue Inkerman où quelques feux de poubelle sont allumés, dernière ligne droite du parcours. Au bout, plus nombreux et avec l’équipement des grands jours, les flics ont encerclé la place de la République comme il l’ont fait les jours précédents, foutant la pression aux manifestant.es qui décident de rester pour occuper la place. Il faut dire que les esprits sont échauffés, par cette réforme des retraites pour morts-vivants, par la fausse démocratie, par la répression.
Bloqué derrière la massive barrière déployée à l’angle de la rue façon checkpoint, le canon à eau tente bien quelques salves pour refroidir les ardeurs mais la foule se replie facilement hors de portée. Dans l’intervalle, CRS et BACqueux se sont déployés et bloquent toutes les issues, la nasse se referme sur plusieurs centaines de récalcitrante.es à la dispersion.
L’ordre donné, gazage massif et sans retenue, grenades ou mortiers, tous les moyens sont bons. Pendant de longues secondes, on ne sait plus ce qui se passe sur la place de la République qui disparaît totalement sous un brouillard blanc et opaque. On s’inquiète pour celleux qui étaient au milieu, c’est même un peu l’angoisse.
Lorsque le voile se lève, il n’y a plus personne, comme après un tour de magie. Suivant de loin l’équipe de BACqueux qui tenait l’entrée de la rue Inkerman, on se rend compte que la majeure partie des manifestants qui se sont faits gazer, ont trouvé un échappatoire par la rue qui longe le palais des Beaux-Arts. Plus loin, les mêmes BACqueux en manque de lacrymo, se jettent comme des crevards sur un collègue à moto pour récupérer les grenades lacrymo dont les mallettes sont pleines à craquer. De fait, les keufs, se retrouvent avec une manif sauvage qu’ils ont eux-même provoquée et commencent à montrer des signes de fébrilité.
Alors qu’en temps normal, leur comportement est plus que discutable, les flics se surpassent en terme de violences et d’actions stupides dès qu’une situation qu’ils ont créée leur échappe. Pour preuve, l’incident qui s’est déroulé quelques minutes plus tard au café l’Écart, identifié comme un bar de militant.es.
Des flics courent dans tous les sens, un motard roule à toute vitesse dans la rue (certaines versions parlent du trottoir), frôlant les piéton.nes. nombreux.ses à ce moment-là, puisque la plupart venaient de quitter la manif. Quelqu’un lui crache dessus en passant et s’enfuit aussitôt.
Outragé, d’accord, mais surtout inconséquent, le flic s’arrête et descend de sa moto pour régler ses comptes (apparemment, il dira plus tard à ses collègues qu’on a essayé de le faire tomber…). Dans son élan, il rentre directement dans le café l’Écart, bondé et festif car on a l’habitude de s’y retrouver pour boire un verre après la manif, où il pense que l’individu qu’il recherche s’est réfugié. Il se retrouve dans un lieu privé où il n’a légalement aucun droit de pénétrer, seul au milieu de personnes plutôt choquées et hostiles à cette intrusion.
Rapidement, l’un des gérants présent sur les lieux se porte à la rencontre du policier et se présente, il réussit à raccompagner le fonctionnaire (qui se permet un tête à tête avec un client au passage !) vers la porte et à le convaincre de sortir. Devant l’établissement, où d’autres motards sont arrivés et malgré les nombreuses tentatives d’apaisement alentours, l’explication avec des client.es énervé.es s’envenime et le ton monte.
Les flics sortent les gazeuses et prennent position autour de la terrasse, ce qui ne calme personne. Lorsqu’un des flics se jette sur un type qui se tient sur le pas de la porte (et qui n’est pas la personne recherchée initialement), les autres client.es tentent immédiatement de le retenir et de le ramener en sécurité dans le bar.
Plusieurs jets de lacrymo arrosent tout le monde, « pleine face et à bout portant » (8), alors que d’autres flics attrapent leur bouc émissaire et le traîne vers un fourgon. Pendant l’action, un irresponsable assermenté en a profité pour viser l’intérieur du bar, il gaze volontairement un lieu confiné et toutes les personnes qui s’y trouvent, au risque de créer panique et malaises (9). Peu importe que ce soit de l’indiscipline, de l’incompétence ou le résultat de leurs opinions politiques (sûrement les 3 à la fois), les actes de ces policiers sont une insulte à la bienséance, au droit et au simple bon sens.
Molotok.
Illustrations : je signe ici ?
1. Estimation obtenue par l’observation et le recoupement en fin de manif, relativement confirmée par les chiffres publiés ensuite par les syndicats (50 000) et par la préfecture (16 000)
2. Sans autre signe distinctif que leur équipement (protections diverses et armes de corps à corps) et leur comportement de cowboy, impossible de savoir précisément à quel service de police ils appartiennent, ni s’ils ont reçu une formation spécifique…
3. De la grève, des blocages, des manifs sauvages...
4. Utilisée depuis 2020, la GENL (Grenade à Éclat Non Létale - et néanmoins contondants) reste considérée comme une arme de guerre, potentiellement mortelle. Les forces de l’ordre ne sont sensées l’utiliser qu’en cas de danger extrême et non pour la gestion de foule.
5. Tout le monde déteste Pat Patrouille !
6.La répression passe aussi par des arrestations préventives et arbitraires qui se multiplient avant et après les manifs. De manière totalement illégale, des personne se retrouvent en garde-à-vue sans raison ni preuve, soumis.es au bon vouloir des policiers et à leurs possibles excès
7. Il devait donc s’agir d’une flûte à bec...
8. On m’a dit de citer Frédéric Louchart (sûrement pour donner plus de crédibilité à mon article), cet élu municipal écolo de Lille qui s’est pris de la lacrymo (et pas qu’un peu) pendant l’incident et dont le témoignage à pas mal tourner sur les internets. Mais bon, quand j’ai vu que même le Nouvel Obs l’avait relayé, je me suis demandé si c’était vraiment nécessaire.
9. On rappelle que le gaz lacrimogène« CS » peut être mortel, notamment lorsqu’il est utilisé en intérieur sans possibilité de fuite.