Héritier.e, dur métier, mais qui sont les cinq enfants de Bernard ?
N°1, c’est Delphine, 46 ans, Directrice adjointe de LVMH : elle est mariée à Xavier Niel, patron de Free, magnat des télécoms, 13ème fortune française (8,8 milliards d’euros estimés).
N°2, Antoine, 44 ans, Président de Loro Piana (vêtements en cachemire, filiale LVMH) et directeur général de Berluti (habits et maroquinerie, filiale LVMH).
N°3, Alexandre, jeune beau gosse requin, 29 ans, directeur général de Rimowa (bagages haut de gamme, filiale LVMH), tout nouveau directeur de Tiffany and Co, joyau de la joaillerie, la dernière acquisition du groupe LVMH (pour la coquette somme de 16,2 milliards de dollars).
Vient ensuite, N°4, Fréderic, déjà directeur des montres suisses TAG Heuer à 26 ans.
Reste N°5, le tout frais Jean, 22 ans, encore en études.
Bernard a tout prévu, 75 % de ses actions LVMH sont artificiellement aux mains de ses enfants, Arnault conserve 25 % et l’usufruit en attendant… sa mort ?
Des enfants, portraits crachés de leur père, qu’on fait passer pour talentueux et prodigieux, quasi-divins. Ces oies blanches, déjà milliardaires par destination, que le sublime de l’Art avec un grand A semble nettoyer pour de bon. Un peu comme cette soirée de 2017, si étrange, où, devant un parterre de 2000 personnes, Bernard Arnault, Hélène Mercier (sa femme) et Frédéric (N°4) ont joué du piano tous les trois avec l’orchestre philharmonique de Moscou, pas de fausse note, dans les lointaines arcades feutrées russes.
Loin des laissé.es pour compte qui composaient le groupe Boussac, se levant tous les matins, sans rien demander que de vivre de leur travail. Car pour Bernard Arnault, « ce sont les entreprises et les entrepreneurs privés qui peuvent permettre de lutter contre le chômage et eux-seuls1 ». Sous-entendu, qu’il n’y aurait pas de travailleur.ses qui produisent la richesse, seuls des entrepreneurs, la servitude dépendant seule de la volonté individuelle d’entreprendre.
La Part Maudite
Bernard Arnault, comme tous les grands capitalistes, profite d’une accumulation infinie des richesses. Au delà de la rentabilité, des seuils de conforts, la quantité de richesses est toujours insuffisante quitte à toucher l’absurde tant les montants sont stratosphériques. La différence entre l’autosuffisance matérielle et la domination sur plusieurs générations d’enfants milliardaires est l’effet d’une échelle de valeurs bien propre à notre système. Cela vient même toucher à l’anthropologie. Bernard Arnault n’a-t-il pas été quelques temps l’homme le plus riche de la terre (sur neuf milliards), le premier homme de l’humanité, la projection la plus avancée de notre civilisation ? Ça doit forcément chatouiller un peu philosophiquement aux dîners de famille.
Entre l’accumulation de la force de travail (de ses employé.es) et la vente au prix fort en boutique, il y la spéculation en tant que telle, abreuvée par la croyance que le système entretient en lui-même, tout cette sueur volée aux partages équitables pour sa convenance personnelle. Cette part, on la retrouve entre le prix coûtant et le prix clinquant des vitrines Louis Vuitton, c’est la même qu’accumule Bernard Arnault dans les classements.
Bernard Arnault, se retrouve au sommet de la chaîne alimentaire. Il est le riche qui fournit les « signes ostentatoires de la réussite » aux riches et la longue file des fétichistes du luxe. Jamais il n’y a eu autant de riches et autant d’inégalités, ce qui prouve bien que la prédation se fait sur le dos d’une dette sociale (et écologique) aussi énorme.
De ces excès peuvent découler d’autres expansions : l’espace pour Jeff Bezos et Elon Musk. La faillite et la guerre pour d’autres, comme Marcel Boussac en son temps. Mais pour Bernard Arnault, c’est dans le temps qu’il se déploie à travers ses enfants. Mais attention si lux il y a, il comporte aussi son contraire sur lequel il est fondé, la multitude des esclaves qui n’ont plus le droit de cité mais aussi des autres Bernard Arnault dans son genre prêts à ne faire qu’une bouchée de sa progéniture. Voilà le drôle d’héritage que papa donne à ses bambins.
Harry Cover
Illustration : Vigue
1. B. Arnault sur Europe 1, février 2012.