En trois mois, Martine Aubry a quadrillé et verrouillé son PS à tour de bras. 2008 était l’année de la résurrection, 2009 est celle de la mise au pas. La patronne ne veut voir aucune tête qui dépasse.
Paris, c’est mission impossible avec cette Ségolène Royal qui bouge toujours, et cette majorité bancale et artificielle, ces fabiusiens, ces delanoïstes, ces strauss-khaniens et tous les autres qui guettent le moindre faux-pas et reniflent la curée. Bref le PS plus vrai que nature, aux allures de fronde permanente. Et l’épisode des listes européennes dressées à la baguette n’a pas dérogé à la règle. Mais ici à Lille, on ne moufte pas et on claque des talons.
Premier acte. C’est le fidèle Pierre de Saintignon, le bras droit et le bras gauche de la maire de Lille, qui dégaine le premier et laisse courir le bruit en décembre dernier qu’il prendrait bien la place de Bernard Roman au conseil régional l’année prochaine.
Deuxième acte : pour les européennes de juin, justement, le picard Vincent Peillon est prié de s’effacer devant Gilles Pargneaux, le nouveau guide de la fédération socialiste du Nord téléguidé par Martine Aubry et dont il est devenu le bras armé.
Troisième acte : le lillois Patrick Kanner, également vice-président du conseil général du Nord, qui se confondait avec la section socialiste lilloise, est proprement bouté hors cette forteresse militante et remplacé par Audrey Linkenheld, clone de sa patronne de maire et promise aux plus brillants honneurs.
Les prochains épisodes porteront-ils les noms des députés Bernard Derosier et Alain Cacheux, de quelques autres, et même, peut-être, du président du conseil régional, Daniel Percheron, dont l’itinéraire a commencé dans les années 70, mais qui sait jouer de son influence dans le parti comme d’une assurance-vie.
L’épilogue n’est pas encore joué mais il y a fort à parier que les socialistes du coin vont nous servir « Petits meurtres en amis » jusqu’à la fin de l’année. « Tout ce qui est à moi est à moi, tout ce qui est à toi est négociable ». On ne peut mieux faire dans la volonté de puissance.
Avec Martine Aubry, l’art de la négociation ressemble à celui de Jules César matant les tribus germaniques. Elle qui a eu tant de mal à s’imposer dans l’univers militant nordiste depuis son arrivée à Lille il y a quinze ans tient là une éclatante revanche et prend à revers ce qui fut pour elle un nid de guêpes. C’est qu’il y en a des fiefs et des sinécures à se faire octroyer : circonscriptions, places en position éligible, collectivités,…Le petit monde de Pierre Mauroy, fait de paternalisme protecteur et bonhomme, est en voie de disparition. Avec lui, on faisait carrière à table autour d’un gigot-fayots arrosé d’une bonne bière, ou dans les couloirs reposants d’une association subventionnée avant de s’en aller pantoufler chez un de ses vassaux : la tribu était tellement accueillante. Le nouveau clan Aubry, dominateur et sûr de lui, imprime son style froid et techno sur un univers socialiste désemparé.
La vieille génération Mauroy, comme les dinosaures du Crétacé, appartient déjà aux sables de l’histoire.
M.P