Une élue lilloise contre un hebdo médiatique, y’avait de quoi réveiller les journalistes préposés aux chroniques judiciaires. Las des procès soporifiques qui rythment leur vie, c’est avec un grand engouement qu’ils ont couvert « L’affaire » du mois [1].
Y’avait foule. France Roi, La Voix du Mort éclair, 20 biloutes, l’AFP… Tous là pour assister au procès intenté par Brigitte Mauroy contre Charlie Hebdo pour diffamation. Dans un article publié en mars 2008, Antonio Fischetti taxait l’élue UMP de se rendre « complice » des mutilations génitales féminines (MGF), à travers certains de ses écrits parus en 2004. Notamment que le prépuce du clitoris, « ce repli, peu développé chez les Occidentales est beaucoup plus long chez certaines Asiatiques ou Africaines, ce qui fait procéder à une circoncision ». Propos aux échos phallocratiques, qui ne reposent sur aucun fondement scientifique, et que les coupeuses de clito avancent régulièrement pour justifier leurs actes.
Dans le hall du TGI, le journaliste de Charlie se fait photographier, filmer. Les confrères du coin ont mis en œuvre un important dispositif pour couvrir l’événement. Impatients, ils frétillent autour de leur grand frère parisien. Pendant ce temps, un jeune pauvre prend de la « zonz’ » avec sursis. Le soir ou le lendemain, aucune image de Fischetti, ni aucun de ses propos hors procès ne sera diffusé par la presse.
15h. On commence sans Mauroy [2]. Les journalistes gratouillent leurs carnets mais très vite les paupières se font lourdes. Arrive Sabreen Al’Rassace, témoignant pour l’hebdo. Les confrères sursautent : « Sabrine quoi ?! » Les yeux brillants, ils s’approchent de la jeune femme : « Excusez-moi, vous pourriez épeler votre nom ? » Son nom n’apparaîtra dans aucun média [3]. Les pauses clopes pour certain-es, les appels pour d’autres, les font fuir définitivement la torpeur de la salle. Peu d’entre eux demeurent.
A 18h, l’avocat de Charlie termine sa (très) longue plaidoirie. C’est la fin. 2000 euros pour chaque prévenu (Val et Fischetti) ont été requis par le proc’. Les confrères se réveillent… et « informent » :
A 18h11, sur Nordeclair.fr « en direct du tribunal », on peut lire que le proc’ a requis une amende sans « en préciser le quantum » et que l’avocat de Charlie « a fait une très courte plaidoirie » (!). A 18h50, la locale de France 3 titre son reportage constitué d’images d’archive (!) « Polémique gynécologique », plagiant ainsi le Nord éclair du matin [4]. A 19h, la régionale ne compte que « 2000 euros contre le journal ». A 20h45, l’AFP se souvient de « 1.000 euros chacun ». Le lendemain, Nord éclair qui parle de « presque sept heures de débat » (!), doute : « de l’ordre de 1000 ou 2000 euros ». Pour La Voix, c’est seulement « 2000 euros ». Pareil pour 20 min…
Un carnet, un stylo, un GSM, deux heures à tuer… Pourquoi pas faire journaliste ?
J. de l’E.
[1] Pour un récit plus complet voir « Brigitte Mauroy attaque un journaliste » et « Le récit d’un procès de presse », www.lille43000.com.
[2] Le soir, les JT de France 3 NPDC diffuseront des images d’archive de Mme Mauroy.
[3] Nord éclair ajoutera le lendemain : « Le défilé des témoins n’apportent pas grand-chose ». En réalité les témoignages ont tenu une place centrale dans le procès. Ils ont permis de comprendre toute la dangerosité des écrits de Mauroy.
[4] Fischetti avait titré son second article consacré à Mauroy « Polémique clitoridienne ».