Des militant.es en lien avec des exilé.es incarcéré.es au CRA (Centre de Rétention Administrative) de Coquelles, situé à cinq kilomètres de Calais, dénoncent les situations intolérables et atteintes graves aux droits des personnes. Selon le jargon politico-juridique, les personnes placées en CRA sont « retenues dans un lieu fermé le temps nécessaire à leur éloignement ». La Brique n'emploie pas cette terminologie hypocrite : ces personnes privées de liberté dans l'attente d'une possible déportation vers un autre pays sont incarcérées dans des prisons.
Des mineurs dans des prisons pour majeurs
Dans certains CRA, il existe des « zones famille » où des mineur.es peuvent être enfermé.es avec un.e membre de leur famille. Tel n'est pas le cas à Coquelles, où seuls des hommes majeurs peuvent être incarcérés. Pourtant, de plus en plus de mineurs y sont emprisonnés, en toute illégalité. Les militant.es dénombrent déjà 21 personnes concernées depuis début 2022. La combine : les flics arrêtent un jeune et falsifient sa date de naissance pour le rendre majeur, avec la complicité des interprètes. Déjà, en février 2021, la défenseure des droits dénonçait cette pratique très utilisée dans le Pas-de-Calais. Les autorités sont informées mais ferment les yeux sur le comportement abjects des condés. Rien qu'en janvier 2022, trois jeunes ont été incarcérés à Coquelles alors qu'ils avaient présenté aux policiers leurs papiers d'identité attestant de leur minorité. Ce n'est qu'après être passés devant le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) qu'ils ont pu être libérés.
Déni de justice et expulsion à la lacrymo.
Fin 2020, un homme albanais d'environ 55 ans enclenche une procédure de demande d'asile : il a de très grosses craintes pour sa sécurité dans son pays d'origine et toute sa famille réside en France. Par la suite emprisonné au CRA, sa demande de réexamen est rejetée. Il enclenche alors une procédure devant le Tribunal administratif, qui est normalement suspensive. Il était donc impossible de l'expulser pendant la durée de la procédure, surtout qu'une date d'audience était prévue. Pourtant, la préfecture décide de le renvoyer de force en Albanie, en dehors de tout cadre légal. Il panique quand les keufs viennent le chercher et, dans son désespoir, tente de se réfugier dans les toilettes. Pour l'en déloger, les flics du CRA s'acharnent sur la porte à coups de poings et finissent par le gazer à grands renforts de lacrymo. Ce renvoi parfaitement illégal, couplé à une contrainte physique et morale inouïe, sont un exemple de plus du mépris des pouvoirs publics à l'égard des exilés détenus dans les CRA.
« Ici, c'est pire que la prison ! »
Les exilés confient que leurs conditions de vie en « rétention administrative » sont encore pires qu'en taule « classique ». Au CRA de Coquelles, il y a très peu d'occupations : aucune activité n'est organisée, à part quelques loisirs sortis en fonction du bon vouloir des keufs et deux consoles de jeux à utiliser dans le réfectoire. La salle télé n'est pas du tout accueillante avec son banc en fer et les flics qui gèrent la zapette... S'il existe une petite bibliothèque, seule la psychologue en a les clés, l'accès y est donc très limité. En prison, contrairement au CRA, il est parfois possible de travailler, faire la cuisine. Ici, l'ennui et l'absence d'activités se font encore plus sentir et rajoutent au stress de l'enfermement.
Dans ces prisons pour exilé.es, il est très difficile d'avoir accès à de l'argent pour acheter des choses du quotidien (notamment des vêtements, produits d'hygiène, cigarettes), pour améliorer le pauvre confort de la taule. Et pour les proches et soutiens, impossible d'alimenter un compte par virement : tout apport de fonds doit se faire en liquide alors qu'il est complexe et peu sûr d'en expédier par voie postale. C'est l'OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration) qui a la main sur le porte-monnaie et fait les courses. Seuls les produits figurant sur une liste qui se restreint sans cesse peuvent être achetés. En tous cas, pas grand chose pour améliorer le pauvre confort de la taule et atténuer le processus de déshumanisation qui s'y opère, en plus de l'injustice de cet enfermement.