Comme son nom ne l’indique pas, le salon Eurobio au Grand Palais regroupe des chercheurs, des industriels et des start-up qui jouent aux Lego avec notre génome, notre ADN ou nos neurones pour faire du profit. Le 24 septembre, Aubry inaugure ce salon des nécrotechnologies1 et bave devant tous ces cadres qui peuvent re-dynamiser notre région.
Ils sont l’avenir du futur. A la pointe de la technologie, ils vont nous sortir du marasme gris et froid de la désindustrialisation pour relancer la Croissance Verte et Responsable de la nouvelle économie de l’information et des hautes technologies, bla bla...
La fabrication d’une Technopole
Après la Métropole et l’Eurorégion, voici la Technopole. Prenez des collectivités locales qui disent veiller à la cohésion sociale. Ajoutez-y des chercheurs qui croient œuvrer au Progrès de l’Humanité. Et filez le tout à des industriels qui veulent sans cesse dynamiser le territoire. Ils travailleront ensuite en toute humilité pour notre Bien dans des Pôles de Compétitivité.
En entrant dans Lille Grand Palais, on est accueilli par un stand de l’Office du Tourisme tenu par une jeune femme qui s’emmerde. Le ton est donné. Eurobio, c’est du marketing municipal. « J’espère que vous aurez envie de revenir dans notre ville pour y vivre et y développer vos activités » lance Aubry à une flopée de costards-cravates. « Profitez bien de la ville de Lille. Sachez qu’il pleut pour la première fois depuis un mois ».
Des recherches qui tuent
Lille accueille déjà le siège de l’industrie pharmaceutique Bayer France, la multinationale de la biopharmacie Genfit, un leader mondial des vaccins GSK Biological, ou encore LFB, 3ème laboratoire pharmaceutique à l’hôpital en France. Une vraie fuite en avant techno-scientifique pour survivre à la société industrielle.
« Lille est en tête du baromètre français des entrepreneurs et 11ème en Europe » se gargarise la patronne de la ville.« Dans notre région, les biotechnologies sont importantes. Lille a le 3ème pôle sur la santé et les biotechnologies. C’est 22 000 emplois et 800 entreprises dans ces domaines ». Mais ces « bons résultats » ont un prix : plus de 2 millions d’euros offerts par LMCU à des projets de Recherche et Développement en collaboration avec Lille 1, et 517 000 € sur des projets encore secrets.
Avec Euratechnologies et Eurasanté, Lille mise gros sur les « nécros ». Sur son site, Eurasanté se définit comme « l’agence pour le développement économique du secteur santé de Lille » : biotechnologies, informatique appliquée à la santé, industrie biomédicale... un condensé de vie artificielle, de vaccins pour riches européens et de bricolage du génome. Mais surtout, Eurasanté c’est « stratégie d’entreprise, ingénierie financière, développement commercial ». La « santé », ça développe commercialement.
La parole aux nuisibles
A la suite d’Aubry, le président de Sanofi Aventis prend la parole : « Le secteur économique doit comprendre l’intérêt des avancées industrielles. D’où l’importance des pôles de compétitivité. Eurobio est une excellente opportunité pour créer ces nouveaux partenariats entre secteurs économique, industriel et politique ». La Recherche sera en ordre de marche vers les applications commerciales.
Le mot de la fin revient à Philippe Pouletty, représentant de France Bioteks : « Il faut travailler sur la convergence entre électronique, nanos et biotechnologies. On doit lancer des études sur les cellules souches et arrêter avec le populisme démagogique sur les OGM. Et je vois plein de maladies où il faut innover [sic]. » En conclusion, il se dévoile : « J’ai accepté une mission de la part de Xavier Bertrand. Mais les biotechs ne sont ni de droite ni de gauche, elle sont l’avenir de notre pays et de notre santé ». Clin d’œil à l’ancienne cadre de Péchiney [1] qui s’en sort pourtant bien à donner la becquée aux industries de la mort.
1. Dans son bouquin La Guerre au vivant, Jean-Pierre Berlan renomme ainsi les biotechnologies : bidouillages sur le génome pour créer des sur-hommes ou de nouvelles espèces, dissémination des OGM, privatisation des semences par les industriels qui brevetent le vivant, etc. Voir ici.
[1] Avant de vivre de la « politique », Martine Aubry bossait pour l’industriel Péchiney, fabricant d’aluminium ou de combustible nucléaire.