Guerre au vivant : Quand Martine Aubry inaugure le salon des nanotechnologies

Comme son nom ne l’indique pas, le salon Eurobio au Grand Palais regroupe des chercheurs, des industriels et des start-up qui jouent aux Lego avec notre génome, notre ADN ou nos neurones pour faire du profit. Le 24 septembre, Aubry inaugure ce salon des nécrotechnologies1 et bave devant tous ces cadres qui peuvent re-dynamiser notre région.

Ils sont l’avenir du futur. A la pointe de la technologie, ils vont nous sortir du marasme gris et froid de la désindustrialisation pour relancer la Croissance Verte et Responsable de la nouvelle économie de l’information et des hautes technologies, bla bla...

La fabrication d’une Technopole

Après la Métropole et l’Eurorégion, voici la Technopole. Prenez des collectivités locales qui disent veiller à la cohésion sociale. Ajoutez-y des chercheurs qui croient œuvrer au Progrès de l’Humanité. Et filez le tout à des industriels qui veulent sans cesse dynamiser le territoire. Ils travailleront ensuite en toute humilité pour notre Bien dans des Pôles de Compétitivité.

En entrant dans Lille Grand Palais, on est accueilli par un stand de l’Office du Tourisme tenu par une jeune femme qui s’emmerde. Le ton est donné. Eurobio, c’est du marketing municipal. «  J’espère que vous aurez envie de revenir dans notre ville pour y vivre et y développer vos activités » lance Aubry à une flopée de costards-cravates. « Profitez bien de la ville de Lille. Sachez qu’il pleut pour la première fois depuis un mois ».

Des recherches qui tuent

Lille accueille déjà le siège de l’industrie pharmaceutique Bayer France, la multinationale de la biopharmacie Genfit, un leader mondial des vaccins GSK Biological, ou encore LFB, 3ème laboratoire pharmaceutique à l’hôpital en France. Une vraie fuite en avant techno-scientifique pour survivre à la société industrielle.

« Lille est en tête du baromètre français des entrepreneurs et 11ème en Europe » se gargarise la patronne de la ville.«  Dans notre région, les biotechnologies sont importantes. Lille a le 3ème pôle sur la santé et les biotechnologies. C’est 22 000 emplois et 800 entreprises dans ces domaines  ». Mais ces «  bons résultats  » ont un prix : plus de 2 millions d’euros offerts par LMCU à des projets de Recherche et Développement en collaboration avec Lille 1, et 517 000 € sur des projets encore secrets.

Avec Euratechnologies et Eurasanté, Lille mise gros sur les « nécros ». Sur son site, Eurasanté se définit comme «  l’agence pour le développement économique du secteur santé de Lille  » : biotechnologies, informatique appliquée à la santé, industrie biomédicale... un condensé de vie artificielle, de vaccins pour riches européens et de bricolage du génome. Mais surtout, Eurasanté c’est «  stratégie d’entreprise, ingénierie financière, développement commercial  ». La « santé », ça développe commercialement.

La parole aux nuisibles

A la suite d’Aubry, le président de Sanofi Aventis prend la parole : « Le secteur économique doit comprendre l’intérêt des avancées industrielles. D’où l’importance des pôles de compétitivité. Eurobio est une excellente opportunité pour créer ces nouveaux partenariats entre secteurs économique, industriel et politique ». La Recherche sera en ordre de marche vers les applications commerciales.

Le mot de la fin revient à Philippe Pouletty, représentant de France Bioteks : « Il faut travailler sur la convergence entre électronique, nanos et biotechnologies. On doit lancer des études sur les cellules souches et arrêter avec le populisme démagogique sur les OGM. Et je vois plein de maladies où il faut innover [sic]. » En conclusion, il se dévoile : « J’ai accepté une mission de la part de Xavier Bertrand. Mais les biotechs ne sont ni de droite ni de gauche, elle sont l’avenir de notre pays et de notre santé ». Clin d’œil à l’ancienne cadre de Péchiney [1] qui s’en sort pourtant bien à donner la becquée aux industries de la mort.

1. Dans son bouquin La Guerre au vivant, Jean-Pierre Berlan renomme ainsi les biotechnologies : bidouillages sur le génome pour créer des sur-hommes ou de nouvelles espèces, dissémination des OGM, privatisation des semences par les industriels qui brevetent le vivant, etc. Voir ici.

Notes

[1Avant de vivre de la « politique », Martine Aubry bossait pour l’industriel Péchiney, fabricant d’aluminium ou de combustible nucléaire.

Rechercher

logo jemabonne

En brèves

  • Brèves locales

    Voici 3 brèves du numéro 65 : article sur les salles de Shoot, une recension d'un bouquin sur Marat (édité par la Fabrique), et sur la rénovation urbaine à Lille.

    Lire la suite...

  • Brèves industrielles

    Tropicalia, un projet Berck Berck ! Dans le genre projet inutile, la serre gigantesque de Tropicalia se pose là. À deux pas de la station balnéaire et hospitalière de Berck sur la Côte d’Opale dans le Pas-de-Calais, le projet de la plus grande serre tropicale du monde est prévu sur les communes de...

    Lire la suite...

  • Le bruit et l'odeur de l'industrie

    L'été 2020 avec La Brique, on a fait un tour de la région pour observer ceux qu’on assimilait au monde d’avant : les ouvrier.es ! On ne finit pas de les enterrer et pourtant ils existent. Baladez-vous le long de L’Aa, la Lys, la Deûle, la Scarpe, l’Escaut (dans cet ordre-là), pour faire un grand tour...

    Lire la suite...

  • L'US Café de Steenwerck

    Derrière ce nom qui sent le far-west se cache un bar éphémère installé sur un terrain au bord de l’A25. Des sièges et tables en palettes, un bar plein-air, des toilettes sèches : à mi-chemin entre le tiers-lieux et la ZAD, l’US Café apparaît depuis 2 ans pendant la période estivale grâce à un...

    Lire la suite...

  • Cargill : fleuron de l'industrie française ?

    Cargill, premier producteur agro-alimentaire mondial a une usine d’amidon à Haubourdin. Pour rappel, en automne 2019, la direction annonce une importante vague de licenciement (ou Plan de sauvegarde de l’emploi, PSE), au moins 180 emplois sur 330 sont concernés. Dès janvier, les ouvrier.es se...

    Lire la suite...