Coupant l’herbe sous les pieds des cueilleurs de saison, les pouvoirs publics nous servent leur millésime 2009 de prévention sur l’usage de drogues. Radio, affiches, TV, blogs ludiques des douanes, remontent au créneau pour porter le triste miroir à la face de nos « jeunes ». « Guette l’info, traque l’intox », s’intitule la campagne de la Mission Interministérielle conduite par Bachelot. Que de la gueule, la France... Comme d’hab.
Au bureau, c’est la coke, au parc, la fumette, et en soirées, les « prods », ces « smart » drogues, malignes et élégantes (LSD, poppers...). Mais partout, de ces petites tartufferies sur la came, stéréotypées et surjouées par des acteurs « djeunes », qui se font « déglinguer » par le Zorro de l’info « réglo », notre MILDT [1] adorée. La Drogue guette, jeune. Écoute plutôt l’Etat.
Les yeux grands fermés
Seul hic, la campagne bat son plein, mais à l’envers. Depuis sa diffusion, la presse recense les réactions désabusées des associations de prévention et de lutte qui traitent quotidiennement ces questions auprès des premiers concernés, les consommateurs. AsUD, AFRD, CIRC, ANITeA, ActUp*, voire l’ex-Ministre Vaillant ravivent même le débat en réaffirmant les progrès liés à une dépénalisation. Effet « boomerang » de ces campagnes, où l’hypocrisie le dispute tellement au ridicule, qu’elles pousseraient à la conso, tant « l’exagération excessive heurterait le bon sens des jeunes qui connaissent les effets de la substance » [2]. Aussi longtemps qu’elle laissera sa soeur la douane déterminer le prix d’un produit dans ce pays, la MILDT ne s’étouffera pas de rire. Que le shit fasse tousser, que l’alcool rende ivre, et le café nerveux, n’est pas évoqué ici. Pourtant, à ces substances, naturelles ou non, n’est-ce pas ce qu’on leur demande ? Les affres judiciaires de générations vouées à la criminalisation et à la clandestinité, ne sont pas le problème de la MILDT. Sauf à avouer qu’elle est le pendant verbal... de la seule matraque.
Traque l’intox, fume l’info
Quand l’Etat schizophrène aura cessé de laisser la drogue et les profits circuler dans l’upper class et de harceler les consommateurs et petits dealers, on sera peut-être encore dans une société "pharmaco-fliquée", mais au moins il s’agira de santé publique. Aujourd’hui, comme hier, l’alarme tirée par cette MILDT joue son air de pipeau.
Qui peut encore croire, après Easy Rider ou La Haine, Traffic, voire Blow ou même Requiem for a dream, qu’on « saute par la fenêtre en fumant un pet’ » [3] ? Si les flics de la MILDT entendent dégommer les discours commerciaux des dealers, encore faudrait-il commencer par le début, par exemple fouiller un peu mieux les bagages de Mohammed VI, premier dealer de shit du monde, quand il vient skier dans les Alpes. Un peu plus de soucis pour lui que pour le gamin de « tiéquar » qui revendra son produit, estampillé du sceau chérifien.
Petite biblio contre-propagandiste sommaire :
Petit dico des drogues, collectif, éd. Dagorno
Lettre au législateur, JP. Galland / CIRC, Dagorno
Droit de la drogue, F. Caballero, Dalloz
Le toubib des toxicos est en réa’, Daniel Loewenstein, LattèsDossiers Drogues, Maintenant, janvier 1995 à mars 1996.
Des assos, indépendantes ou moins :
AsUD : Autosupport Usagers de Drogues.
AFRD : Association Française de Réduction des Risques.
ANITeA : Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie et Addictologie.
CIRC : Centre d’Infos et de Recherche Cannabiques.
CoRA : Coordination Radicale Antiprohibitionniste.
Spiritek : Association de prévention, et de « testing »
[1] Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie, croisade menée en fait dès 1982.
[2] (tous produits confondus) selon une étude texane, citée in « L’arroseur enfumé », A. Aubron, Rue89, 21.10.09.
[3] « Et si ton dealer te disait la vérité », l’un des clips les plus drôles, sur le site de la MILDT. Et si ton Etat disait la vérité ? Y aurait plus d’Etat !