Du 26 septembre au 3 octobre se tenait à Bruxelles un camp No Border. Près de 600 à 700 personnes ont fluctué sur le terrain en friche de Tour&Taxi. Retour sur les péripéties de la semaine.
Les camps No Border rassemblent des militants de toute l’Europe qui veulent en finir avec l’absurdité des États et de leurs frontières, insultes à la liberté de vivre où l’on veut. Ils sont l’occasion de rencontres, discussions et actions contre les symboles et les responsables publics ou privés de l’Europe Forteresse. L’organisation du camp était basée sur les principes d’une autogestion sans hiérarchies, anti-sexiste, végétarienne, etc : ces camps sont déjà une contestation en soi dans leur fonctionnement.
Répression ou le pré-crime qui devient réalité
Le camp de Bruxelles n’a pas échappé à son lot de répression, l’équipe juridique a recensé plus de 500 arrestations ! Elles étaient en majeure partie « préventives », permises grâce à une sorte de ’’délit d’intention’’ inventé pour l’occasion... Comme à Calais un an plus tôt c’est à grand renfort de mesures administratives (dont la légalité est mise en cause par plusieurs plaintes) que l’État belge a lancé sa force armée. Pour exemple, l’arrêt du bourgmestre publié le 1er octobre interdisant la constitution de groupes de plus de cinq personnes, le jour d’une manifestation non déclarée contre l’État, ses frontières et toutes les prisons. Il s’en est suivi une véritable rafle dans plusieurs quartiers de Bruxelles donnant lieu à plus de 150 arrestations. Racisme et misogynie étaient de mise parmi les forces de l’ordre : « Ferme ta gueule ! », « On va faire du sexe avec lui avec ma matraque », « ça fait longtemps qu’elles n’ont pas vu une bite » (aux filles), « Dis au bougnoule de contourner le camion » (à propos d’un passant), « Tu ressembles à un clochard », « Je hais les gens qui ne travaillent pas ». De la grande poésie qu’ils ont dû apprendre auprès de la BAC française.
De même la participation des militant-es No Border à la grande manifestation contre le sommet des ministres des finances de l’Union Européenne (ECOFIN) n’était pas souhaitée. 70 personnes ont été arrêtées en se rendant au rassemblement, les autres ont été bloqué-es dans le cortège et pour une grosse partie arrêté-es malgré le soutien des syndicalistes polonais de Solidarnosc. Autant dire qu’une contestation plus vivante, qui montre les crocs, sans drapeaux ni cortèges séparés, n’est pas souhaitée. En ces temps austères, faudrait quand même pas que ça fleurisse...
Des actions réussies !
Malgré la hargne que l’État belge a mise en oeuvre contre les gens de No Border, plusieurs actions de groupes affinitaires ont réussi : blocage d’une réunion de Frontex dont l’ordre du jour était « l’amélioration du contrôle des frontières européennes » ; 40 litres d’huile rance déversés dans le hall de Sodexho, l’entreprise qui fournit les repas dans les centres de rétention français. Le communiqué justifiait l’action en ces termes : « Alors, aujourd’hui Sodexho, c’est à mon tour de déverser mon huile rance sur ton parquet ciré. Parce que ta raison d’être est conditionnée par mon enfermement. Parce que tu te remplis la panse sur l’exploitation de la misère, l’existence des frontières, et le fantasme d’une société totalitaire. Prends cette huile, Sodexho, et va te faire cuire un oeuf ! ». Une distribution de tracts et des banderoles énormes ont été déployées dans l’aéroport de Bruxelles contre la présence de Frontex. Certaines vitrines d’entreprises collabos de la machine à expulser (Air france, Sodexho, Accor, Karlson Wagonlit travel, etc...) ont été taguées, dégradées ou brisées. De plus, en réaction aux arrestations du vendredi soir, une cinquantaine de personnes ont attaqué le commissariat de Marolles, dans la banlieue de Bruxelles. On dénombre une cinquantaine d’impacts. Quant au rassemblement du samedi, il a satisfait les militant-es No Border et les sans-papiers qui y ont participé.
De l’utilité des camps
Les camps No Border, et d’autres comme celui d’action-climat par exemple, répondent à une logique de réappropriation de la temporalité de la contestation, en dehors des contre-sommets (OTAN, G8-G20...). Mais ils souffrent du même problème que les contre-sommets. Ils sont trop attendus par les autorités qui préparent de manière militaire la neutralisation de toute contestation. Si les camps permettent rencontres,
débats, discussions entre les militant-es, ils sont soumis à une telle répression policière que certain-es ne les envisagent désormais plus comme un lieu d’expression de la riposte face au système capitaliste. Le camp de Bruxelles n’a pas échappé à ce travers : celui-ci est resté dans l’entre-soi militant, et a souffert d’un manque de visibilité dans la ville (peu d’affiches dans la ville, tournée d’information cloisonnée aux milieux militants et peu de bruxellois-es Bruxellois-es au courant de la tenue du camp). Que ce soit à Calais, à Copenhague en 2009 ou à Bruxelles aujourd’hui, les États veulent faire la démonstration que des centaines voire des milliers d’insoumis-es ne sont et ne seront pas en mesure d’exprimer une position radicale face au système en place. Partie remise.