Gaston a la trentaine à peine entamée. Il y a plusieurs mois de ça, il s’est infiltré en douce chez nos ennemis de la Vlaams Huis, à Lambersart, histoire de voir à quoi ressemblait l’envers du décor de la maison faf. Entre folklore culinaire et militantisme d’extrême droite, La Brique a voulu y voir plus clair. Alors Gaston, ces fefas, vrais méchants ou fausse menace ?
La Brique : Brièvement, comment s’est passée ton entrée ?
Gaston : Dans le milieu ils font pas trop gaffe. La plupart traînent dans les matchs de foot, c’est de notoriété publique. Là-bas on s’habitue à les côtoyer chaque semaine. Je les ai abordé et s’en est suivie une période où j’allais boire des verres de temps en temps avec eux. A la fin, c’est venu naturellement, je me suis retrouvé à la maison flamande pour prendre un café.
C’est quoi leurs références idéologiques ?
Dans les mecs tu as de tout. Tu as les crétins de base pour qui le héros c’est Ayoub [1]. Puis tu as les mecs un peu plus calés qui se réclament d’Hitler ou des grands penseurs [sic] du Vlaams Belang en Belgique. Tu as des poujadistes, tu as des royalistes, d’autres qui se réclament de De Villiers.
Ils s’entendent bien tout ces gens là ?
Les royalistes et les mecs qui se réclament de De Villiers (les « natios ») sont assez soudés par exemple. Mais tu as aussi les séparatistes flamands, proches du Vlaams Belang, et ce sont eux qui font un peu la loi. Bien sûr si il y a cette haine des minorités qui est valable pour tout le monde là-bas. Mais quand le grand chef [Claude Hermant [2]]] parle, ça tu ne l’entends pas trop. Lui, quand il te parle de la maison flamande on dirait un truc folklorique avec dégustation de bière flamande machin.
Y’a une ligne officielle ? Un engagement à rester respectable ?
En gros la ligne c’est, « tu croises les flics dans la rue, tu viens de taper des babs [3], c’est les babs qui t’ont agressé. Tu montres pas que les néo-nazis sont des mecs ultra violents, tu te défends toujours, t’attaques jamais ».
Quel rôle ont les nanas là-dedans ?
Les nanas essaient d’éviter de traîner les soirs de beuverie parce que boire de la bière ou prendre des cours de self-défense c’est pas trop ce qu’elles préfèrent. Et puis les blagues sexistes fusent assez rapidement aussi. Pour avoir parlé avec une ou deux d’entre elles, elles sont souvent bien dans le délire flamand. Il y en a une qui a pris deux trois responsabilités mais il n’y a pas de trip féministe. Ça peut se comprendre vu l’endroit où l’on est. Des bouquins sur le féminisme il n’y en a aucun, des bouquins avec des nanas sur la couverture tu n’en as aucun, et pourtant il y en a des bouquins là-bas ! Mais si tu n’as aucune fille à la tête de l’organisation, celles qui restent là-bas sont des grandes gueules quand même et savent qu’elles ne vont pas se faire taper.
Et si il n’y a pas de bouquins sur le féminisme dans leur biblio, qu’est-ce qu’il y a ?
Tu dois avoir Mein Kampf en quatre exemplaires, pas mal de trucs sur la vie des généraux nazis, des bouquins sur Hitler, Goering, quelques bouquins sur la Commune de Paris aussi, c’est plutôt bizarre. Et plein de bouquins d’Histoire : tu as trois bouquins sur les sièges de la citadelle de Lille par exemple, ou des trucs qui exacerbent l’amour de la patrie. Ça tourne autour de l’Histoire, de la nation ou des Flandres.
Il y a des noirs et des arabes à la Maison Flamande ?
J’ai vu passer un hooligan noir. Il doit avoir quelques responsabilités au sein du Vlaams Belang ce qui fait que les mecs le respectent. Et puis j’ai oublié de le dire mais s’ils croisent un mec typé dans la rue, la plupart du temps ils lui demandent s’il est français. Si le mec répond sans accent qu’il est français, ils le laissent tranquille. S’il a un accent ça peut chauffer. Mais sinon, à la limite ils lui demandent s’ il est fier d’être français et il est tranquille s’il répond que oui. Parce qu’ils reprennent souvent les slogans de l’UMP [4] « La France tu l’aimes ou tu la quittes », des choses comme ça. Ils parlent de nettoyage au karcher de temps en temps aussi.
Ils se pensent comme des vrais militants ou bien quoi ?
Moi je suis rentré un peu par hasard mais c’est quand même un truc assez militant. Même s’ils ramassent pas mal de gros paumés, faut que les mecs qui entrent aient en tête que c’est un truc d’extrême droite. Ils testent un petit peu, en formation notamment, et après un ou deux mois, ils savent très bien. Il y a des taupes comme ça qui se sont fait prendre. Il y a un gars issu d’un groupuscule red lillois, issu du SHARP [5], je crois qu’il s’est fait balancer du haut du mur d’enceinte du parc Matisse. Ils lui ont donné rendez-vous pour une ratonnade et ils lui ont fait comprendre.
Et après ils l’ont laissé tranquille ?
Ouais pour eux c’est une histoire d’honneur et après c’est tout quoi.
Combien y a t-il de flics et de conseillers municipaux qui sont potes avec la maison flamande ?
Déjà Hermant et Daubresse sont potes. Il me semble qu’ils étaient étudiants à Lille I ensemble. Je dis pas que Daubresse partage les idées d’Hermant, parce qu’Hermant le prend bien pour un con aussi. Après, les conseillers municipaux, tu en as deux trois qui sont en contact de temps en temps mais la plupart préfère faire genre « il ne se passe rien là-dedans ». En ce qui concerne les keufs par contre, déjà tu as la plupart des mecs de la BAC lilloise qui connaissent de près ou de loin le lieu. Ils s’investissent rarement de par leur fonction, ils se contentent de soutenir les gens là-bas [6].
Comment ils se situent par rapport aux anti-fascistes et à l’extrême gauche
Ils parlent rarement des libertaires, des punks ou même du NPA. Ils en parlent plus comme des crasseux avec qui il n’y a rien à faire. Mais en ce qui concerne tout le Front de gauche, le PC par exemple, il y a des formations qui sont faites sur « Pourquoi c’était une erreur l’union soviétique, comment ne pas renouveler les erreurs de l’union soviétique ? » etc. C’est des formations auxquelles ils invitent tous les nouveaux pour être sûr qu’ils ne virent pas rouge à la fin.
Finalement, ils se pensent « révolutionnaires » ou ils participent aux élections ?
C’est Hermant qui nous a expliqué ça : pour la cause séparatiste, il y a quelques années une révolution par les armes était envisageable. Mais depuis qu’il y a une ouverture pour Marine Le Pen... Eux ils attendent que l’UMP se scinde. Ils voudraient qu’il y ait un second tour entre Martine Aubry et Marine Le Pen parce que selon eux, l’UMP voterait Marine Le Pen. Et donc ils pourraient se retrouver avec une Marine Le Pen plus ou moins sympathique aux causes traditionalistes au pouvoir. Ils chargent un peu tous les fronts, légaux et illégaux et en ce moment, ils sentent que le vent tourne...
[1] Surnommé Batskin et passé par les Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires (à moins que ce ne soit les « Jeunes Nervis Réactionnaires »), Ayoub est un vétéran du mouvement skinhead nationaliste toujours en circulation.
[2] Ancien mercenaire au Congo et ex-membre du service d’ordre du Front National, La Brique lui consacrait déjà une biographie dans son numéro 8 de l’été 2008.
[3] Le terme de « babs » désigne ici baba-cools, bourgeois-bohème et autre figures généralement chevelues.
[4] Eux mêmes empruntés aux formules de la droite extrême ou de Le Pen.
[5] Le mouvement SHARP (pour « Skinheads Against Racial Prejudice ») désigne un mouvement de skinheads né aux États-Unis qui se positionne contre le racisme (contrairement aux skinheads nationalistes).
[6] Ce « soutien » policier aux membres de la Vlaams Huis a notamment pu être vérifié lors des évènements du 23 mai 2009, alors qu’une manifestation contre la répression d’Etat se termine devant les locaux de la Vlaams Huis. 26 personnes sont alors interpellées. Dans les jours qui suivent, le prénom, la première lettre du nom de famille, ainsi que le lieu de résidence de chaque personne interpellé-e (information que seule la police possède), sont diffusés sur internet par les groupuscules d’extrême droite Jeunesse Identitaire et Terre Celtique, ceux là mêmes qui gèrent la maison flamande. Conséquence directe de cette drôle de fuite, une des manifestantes du 23 mai sera par ailleurs agressée au couteau devant chez elle par des néo-nazis.