Le 25 mai, deux des 53 personnes arrêtées lors de notre soirée de soutien au Centre Culturel Libertaire passaient devant le juge. Malgré des témoignages policiers surréalistes, le tribunal ne pouvait pas laisser pisser. Il nous a montré ce qu’il fait trop souvent : enfermer.
Quelques jours avant le procès, on apprenait que les flics qui avaient coursé Zyed et Bouna jusqu’à un transformateur électrique de Clichy-sous-Bois étaient mis hors de cause par la cour d’appel de Paris. On n’était pas serein.
Si tu veux la paix...
Dans la 7ème chambre correctionnelle du TGI de Lille, derrière l’autel des petits juges en soutane, trône une tenture immense qui impose La paix dans l’espérance. On dirait la bible, en image. La hauteur de plafond, les missels Dalloz [1], l’architecture grandiloquente et les flics nous donnent la gerbe direct. On n’est pas là pour se marrer. L’ambiance est pesante. Les flics avancent à la barre. Ils nous la jouent héros et victimes. « Traumatisés », « choqués », et un bleu à la cheville, ils affirment qu’on les aurait brutalisés, traînés par terre et roués de coups ; qu’ils s’en sont sortis de justesse grâce à leurs super-pouvoirs de super-flicards. Le procureur leur dit : « Vous savez ce qu’elle veut dire votre déposition ? Que les gens en face de vous risquent la prison. Vous êtes bien sûrs que c’est eux ? ». « Je suis formel », répètent nos deux dépositaires de l’autorité publique. Sauf que du début à la fin, le dossier est bourré de contradictions, de confusions, de faits susceptibles de faire annuler la procédure et les aveux récoltés au bout d’une quinzaine d’heures de garde à vue sous pression. La « détention arbitraire » par exemple... Mais qu’à cela ne tienne, la juge tranchera, c’est son boulot.
...prépare la geôle
C’est au « bénéfice du doute » que le premier prévenu pour « violences » est relaxé. On est soulagé. Le deuxième prend quatre mois ferme pour « jet de projectile ». Quatre mois d’une vie volés par le glaive vengeur de l’ordre et la justice. Quatre mois pour rejoindre le troupeau. Quatre mois pour se repentir et apprendre à baisser les yeux. La taule, c’est pédagogique, qu’ils disent. Le juge d’application des peines peut encore la transformer en travaux forcés d’intérêt général ou en laisse électronique. En attendant, une quinzaine de personnes ont porté plainte pour les violences et humiliations qu’elles ont subies lors de leur arrestation. Elles sont pour l’instant sans nouvelles. Le Défenseur des Droits (ancienne Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité) s’est emparé du dossier. On n’en attend rien.
[1] Dalloz, c’est la marque des bouquins rouges - codes civils, pénaux, du commerce, etc. – qui ont justifié de mettre les 65 000 personnes actuellement au trou.