Le 4 novembre, nous présentions une pièce de théâtre intitulée De la dope, du fric et des putes, l’histoire de deux jeunes mecs de banlieue parisienne, un peu paumés, invités on ne sait comment dans une soirée bourgeoise avec de la dope du fric et des putes.
Les seules femmes de la soirée sont des prostituées, mi-déesses mi-viandes. Racisées en permanence, elles ont du pouvoir dans les fantasmes exotiques des mecs et dans leur savoir-faire uniquement sexuel. Le narrateur et son pote sont les dindons de la farce. La distraction. Le joujou des bourgeois. Ceux qui se prennent pour des héros mais qui ne sont que les bouffons d’une farce sordide. L’auteur, avec cette histoire, plonge dans les bas fonds obscurs de mecs ordinaires : que ce soit deux gars (que rien ne garantit qu’ils ne puissent pas être chacun de nous) attirés comme des pies par tout ce qui brille, par le plaisir possessif ; ou que ce soit ces grands bourgeois qui ont tout le loisir, l’argent et la suffisance propre à leur classe pour se payer des femmes, cette tranche de vie n’a pas pour vocation à ménager les sensibilités, pas plus que la société marchande, tous les jours, ne ménage chacun de nous. C’est trash. Ça fout la nausée et donne envie de gerber ? Tant mieux. Vous auriez préféré que ça donne envie d’y être ? Donner à voir ne veut pas dire cautionner. Il nous a même semblé au contraire que rendre visible l’invisible, exacerber la cruauté ordinaire, était un moyen de la dénoncer.
Au risque d’avoir une lecture un peu poussive de la pièce, au-delà de l’extrémité de la situation présentée, n’y a-t-il pas quelque chose de plus quotidien qui transpire de cette pièce ? Tout n’a-t-il pas vocation à être consommé, échangé, acheté, monnayé, et ce jusqu’à nos corps, notre intimité et nos désirs sexuels mis en spectacle par les industries de la bagnole ou du yaourt ? La pièce montre bien comment, sans discours misogynes assumés et conscients, les femmes sont une marchandise comme les autres. De ce fait, ne résonne-t-elle pas en chacun de nous à l’heure où assouvir nos désirs relève toujours de l’appropriation ? Car nous restons humains, la pièce présente des gens tels que nous, dans leur beaufferie, avec leurs clichés racistes et sexistes, leurs fantasmes... C’est vrai qu’on aurait pu choisir un spectacle qui parle de la presse « alternative » et des clichés qui y perdurent, comme on aurait pris moins de risque à organiser une pièce de théâtre conceptuelle et abstraite.
La Brique aurait du organiser une discussion pour que les personnes mal à l’aise puissent s’exprimer, et plus simplement pour échanger. On y pensera pour la prochaine fois et on est sincèrement désolé-es pour celles qui n’ont pas pu rester dans la soirée tant elles étaient gênées. Nous avons été informé-es pendant la soirée que le spectacle n’avait pas plu à certaines personnes qui l’avaient trouvé sexiste. On a essayé de les chercher pour discuter avec elles, on a récolté des avis positifs et négatifs, une personne saoulée d’entendre encore parler de sexualité du point de vue des mecs. On a discuté, entre personnes souvent pas d’accord, mais qui pensent néanmoins avoir quelque chose à discuter. Si c’était difficile pendant la soirée, on a toujours un mail, une adresse et un téléphone. On refuse rarement la discussion, on est largement prêts à reconnaître nos limites, et toujours content-es d’avoir des retours sur ce qu’on fait.
Mais si les questions sont légitimes, et c’est pour cela qu’on y répond, l’attaque de l’article d’Indymédia, nous semble à vrai dire, assez caricaturale et gratuite.
L.H & tomjo pour La Brique