Entr’actes est un lieu d’accueil des « personnes prostituées » situé à côté de l’avenue du Peuple belge, principal lieu de la prostitution féminine à Lille. Les éducateurs travaillent à l’amélioration des conditions de vie des prostituées. Lyla Itoumaine, responsable de l’équipe nous parle de l’association et de sa vision des personnes qui y sont accueillies.
A Lille, Entr’actes est une action du GPAL (Groupement de Prévention et Accueil Lillois) avec et pour les personnes prostituées. Lyla Itoumaine résume : « notre intervention première porte sur la prévention et la réduction des risques liés aux maladies sexuellement transmissibles, et sur la mise en place d’accompagnements médicaux et médico-sociaux pour les personnes qui le souhaitent. »
Vers « la santé communautaire » à Lille
Ne remplissant pas dans la pratique tous les principes de la santé communautaire [1], c’est un « objectif » de l’association. Entr’actes est « une action dite de « bas seuil » d’exigence. Rien n’est exigé de la personne qui s’y rend sauf le respect d’autrui et de l’accueil proposé ». Elle précise : « cela ne veut pas dire qu’Entr’actes ne travaille pas à la réinsertion des personnes qui le souhaitent. Mais cette volonté de réinsertion n’est pas exigée. Pour autant Entr’actes observe une augmentation des demandes de formations. Les éducateurs aident à effectuer leurs démarches, à travailler leur CV grâce à un ordinateur au local. » L’idée n’est pas de favoriser la prostitution ni d’entrer dans le débat entre les différents abolitionnismes et le règlementarisme. Simplement en tant que travailleurs sociaux « de ne porter aucun jugement sur l’activité de la personne qui vient au local »
Un lieu pour les personnes prostituées
L’entrée du local est destinée au matériel de prévention. Elle permet aux femmes qui n’ont pas envie de se poser ou de s’exposer de prendre ce dont elles ont besoin sans réellement entrer. La seconde pièce est l’accueil à proprement parler. Un canapé, des revues, une table avec café, thé, biscuits. Ici on discute. Derrière, la pièce confidentielle, réservée aux consultations médicales et aux entretiens personnels. Une douche, des toilettes, et en bas une laverie et une salle d’activités. En dehors des temps d’accueil, il y a des permanences. Santé avec les présences d’une infirmière et de médecins. Juridique pour inciter les femmes à porter plainte en cas d’agression et les aider à connaître leurs droits. Un atelier cuisine et un atelier « look » qui « vise à restaurer l’estime de soi »
Des actions en dehors du local
La journée « on va dans la rue pour créer ou consolider le « lien ». établir une relation de confiance pour qu’ensuite, ou en cas de problème elles n’aient pas peur de venir nous voir » explique Lyla Itoumaine. Et la nuit avec le bus mobile de prévention et de distribution de matériel de réduction des risques et de nourriture. « La présence du GPAL dans les cellules de veille1 permet d’alerter les pouvoirs publics sur la situation des personnes prostituées. En contrepartie, le GPAL Entr’actes est averti des plaintes des riverains, et peut intervenir pour trouver des solutions avec les femmes, avant que les choses ne prennent trop d’ampleur ». A la brique on considère que derrière le versant « prévention » que l’association peut prétendre apporter, les cellules de veille restent avant tout une instance de contrôle social et policier.
Peu de macs, mais toutes précaires
Pour Lyla Itoumaine, « la prostitution est un univers hétérogène ». A Lille « c’est majoritairement une prostitution de rue. Caractérisée par une forte précarité, et la présence des communautés étrangères : africaines-anglophones, équatoriennes, et depuis quelques temps des femmes des pays de l’est . Elle est avant tout marquée par la répression policière et la violence des clients. Il peut exister des tensions (climat pesant, agressions verbales ou physiques, racket) entre les prostituées « françaises » et « étrangères » mais elles ne reflètent que partiellement la réalité de terrain ». Derrière la concurrence, « une solidarité apparente entre les femmes tente de persister. Apparente ne veut pas dire qu’elle n’est pas sincère mais la grande précarité sociale, économique et sanitaire de l’activité fait qu’aucune solidarité ne résiste dans le temps. Il y a toujours une urgence individuelle qui la met à l’épreuve. » Contrairement à ce qui est parfois véhiculé, malgré la présence de communautés étrangères « il n’y a pas beaucoup de proxénétisme, de « chasse gardée ». Cela existe - surtout sachant que selon la loi un réseau ça peut être une personne, un conjoint qui vit avec les revenus de la prostitution - mais ça ne structure pas la prostitution lilloise. [...] A chaque changement de contexte politique la prostitution revient au devant de l’actualité et on parle de l’évacuation de l’activité du Vieux-Lille. Mais ce « cheval de bataille » des riverains, électeurs ... retombe aux oubliettes une fois les élections passées. Malgré quelques tentatives pour les emmener au bois de Boulogne, les personnes prostituées sont toujours dans le Vieux-Lille. »
[1] Prostitution et santé communautaire, Essai critique sur la parité, Sous la direction de Daniel Welzer-Lang et Martine Schutz Samson 1999 - Le Dragon Lune Editions Cabiria