La traite des êtres humains est la seconde activité la plus lucrative au monde, au coude à coude avec la drogue et après les armes. Elle alimente à 79 % les réseaux de prostitution. Une marchandisation des corps qui repose sur une exploitation de la misère des classes les plus défavorisées. Quand on sait que 70 % des populations les plus pauvres sont des femmes...
Ancrée dans les structures économiques et mentales du capitalisme [1] et de la domination masculine, la traite s’impose par la violence et par l’argent. Organisée à l’échelle mondiale ou à l’intérieur des États, elle concernerait quatre millions de personnes, dont 80% de femmes et d’enfants (50% de mineurs) [2]. Dans l’espace Schengen on recense entre 26 000 et 35 000 entrées par an pour le « travail du sexe ».
Depuis la loi sur la sécurité intérieure (2003), entre 4 000 et 5 000 personnes (dont 90 % de migrants) ont fait objet d’interpellation ou d’expulsion [3]. La prostitution en France est désormais majoritairement étrangère (femmes de l’est et africaines), mais on retrouve toutes nationalités, au gré d’événements dans les pays d’origine. On estime à 120 000 le nombre de passes effectuées chaque jour. En 2000, un homme sur six déclarait avoir déjà eu recours à un-e prostitué-e.
Mondialisation
Si historiquement « les institutions militaires et coloniales ont été de grandes organisatrices de l’exploitation prostitutionnelle », les grands trafics mondiaux de femmes débutent à la fin du XIXe siècle. Les réseaux de prostitution se sont organisés en suivant les migrations des travailleurs européens à travers le monde. La traite est devenue peu à peu « un simple corollaire du trafic officiellement toléré. Grande traite internationale et recrutement pour les maisons closes constituent des activités inextricablement liées. » Cette amorce de mondialisation, accrue au XXe siècle, ira de pair avec un développement des réseaux de proxénétisme. La traite est
à son apogée dans les années 1990. Elle se rattache aux mouvements migratoires de populations fuyant la pauvreté ou la guerre, suivant les canaux des rapports de domination entre États ou continents.
Chosification
Le capitalisme cantonne la jouissance dans des actes de consommation, fait de la sexualité et du corps de l’autre, une marchandise à consommer comme les autres. Le développement de l’industrie du sexe est là pour y pourvoir. De pornographie en strip-club, de peepshow en sex-tour, la marchandisation des corps investit tous les champs de la société pour devenir un loisir, une toile de fond. À ce titre, Internet est « le premier vecteur de l’industrie
du sexe […] Il dope la prostitution et le tourisme sexuel, encourage les trafics et développe la clientèle. »
Cagnotte des États
Si les États s’engraissent avec la traite (taxes, tourisme), certains en ont fait un pilier de leur économie (Philippines, Thaïlande). Les politiques du Fonds monétaire international (FMI) ont engendré un tarissement des budgets de l’éducation, de la santé, des servicespublics de nombreux pays en ruinant des économies et en y renforçant la pauvreté. Devant la manne financière que la prostitution représente, certains de ces pays sont aujourd’hui désireux d’intégrer ce marché des corps à leur PIB [4]. Cela concerne également des pays comme l’Allemagne ou les Pays- Bas. Par libéralisme, l’Europe pourrait être tentée de réglementer la prostitution et de la reconnaître en tant que métier comme un autre. Une aubaine pour les États et les réseaux criminels. Un enfer pour leur victime.