Nouvelle exploration dans la faune des patrons du Nord. Derrière les Mulliez et Bonduelle, se cachent leurs futurs remplaçants. Cumulard, pantouflard, le patron du Comité Grand Lille en est. Une belle espèce de...
Toute sa carrière, Philippe Vasseur se l’est jouée homme du Ternois et de la Côte d’Opale. France rurale, quoi. Mais il est né au Touquet-Paris-Plage, repaire de friqués, et a bien plus suivi le tracé des fils de bourges, justement. Posons le personnage : tenez-vous bien ! Élève de l’ESJ, Vasseur est en tête de régiment et marche au pas. À 33 ans, après avoir géré les pages « économie régionale », il passe rédacteur en chef du mensuel d’économie patronale Les Echos. Il crée ensuite le Figaro éco (les pages saumon au milieu du journal) et finit son petit tour des médias-MEDEF au poste de responsable des informations économiques et sociales à TF1. Grand pote de Jean-Pierre Pernaut, il participe activement au formatage de la bouillie quotidienne du 13h. En toute loyauté, il revient alors vers « son » école de formatage des larves du sous-journalisme : il préside le conseil d’administration de l’ESJ de 1978 à 1981.
De l’autre côté de la caméra
Après l’élection de Mitterrand en 1981, il déclare : « Quand j’ai vu
toutes les pressions qui s’exerçaient à l’époque sur les journalistes de
l’audiovisuel, j’ai décidé de franchir le pas qui me séparait de la politique. » Logique ! Ni une, ni deux, à 43 ans, il mène ses premières
campagnes électorales pour l’UDF aux côtés de Bayrou. Il devient alors député, conseiller régional et patron du Parti Républicain. En 1995, il revient aux affaires comme ministre de l’Agriculture sous le gouvernement Juppé et est élu maire de Saint- Pol-sur-Ternoise. Vasseur ne fait pas trop de vagues, en bon « gestionnaire ». Sauf lors des régionales de 1998. Pendant que tous les candidats de droite cherchent à cacher leurs arrangements avec le FN, « en bon paysan », il prévient qu’il ira chercher toutes les voix, « même celles du Front national » [1]. Pendant ce temps, Vasseur continue à écrire. Soulignons parmi d’autres ses incroyables entretiens avec des Patrons de gauche !
Au plus près de l’argent
A l’aube de l’an 2000, à 56 ans, il est toujours à l’affût des bons coups. Son carnet d’adresses bien rempli, il bascule cette fois dans la finance pour s’installer à la présidence du Crédit Mutuel Nord Europe qu’il occupe encore aujourd’hui. En plus de son job de banquier, il est aussi président d’Alliance, une association de coaching entrepreneurial « responsable » avec laquelle il a créé le World Forum Lille où il a pu,
en décembre, servir la soupe au patriarche Mulliez [2]. Depuis 2008, il est également patron à la tête du cercle patronal Comité Grand Lille, ce coûteux machin informel sans base juridique, où les patrons invitent des élus de tous bords et des universitaires pour bétonner l’avenir de la métropole et de la Région [3]. Puis, il redevient à nouveau grand chef de l’ESJ. Quelques postes qu’il cumule avec les juteux jetons de présence aux conseils d’administration des écoles de la reproduction sociale, l’EDHEC et Sciences Po Lille, ainsi que ses sièges « d’administrateur indépendant » dans les usines à précariser Paul et les fabriques de bouffe en boîte Bonduelle.
Le 30 novembre dernier, dans la grande salle de la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI), Philippe Vasseur a été pris en flag’. Il a reçu la Légion d’honneur « pour récompenser [sa] vie d’engagements » [4]. Tous ses amis sont venus le féliciter : Jacques Delors et sa fille Martine Aubry, Gérard Mulliez et son fils Arnaud, Bruno Bonduelle [5] et le fils Holder président de l’entreprise Paul [6], et 600 autres « personnalités » de « l’élite » locale. Quand il s’agit de parler affaires, tout le monde se retrouve. Là-bas, près des petits-fours.
A.D