Les poissons se font rares ? Les fonds marins défoncés par les chaluts ? Qu’à cela ne tienne. Scientifiques et écologistes ont les solutions que l’agro-industrie attendait pour continuer de marcher sur la tête. Plongée dans l’aquaculture et les mutations génétiques. Miam.
Au rayon frais des stratégies économiques régionales, la reconversion de la pêche boulonnaise dans l’aquaculture est en marche [1]. Après les porcs et les hommes, voici les poissons en batterie. Une fois finie la dépollution des sols, l’ancien site de production de ferromanganèse de Boulogne se convertira aux poissons d’élevage.
La pêche sans se mouiller
Le littoral est contaminé chimiquement au cuivre et au nickel ? Faisons des bassins artificiels. Les aléas climatiques rendent la pêche aléatoire ? Plus besoin de sortir en mer par gros temps. La production aquacole, c’est tout bénèf’. Elle produit indépendamment des saisons et des virus, à flux tendus, adaptée en temps réels aux cours du marché, et tournée vers les poissons à forte valeur ajoutée. Elle permet surtout d’échapper aux quotas de pêche et au coût du gasoil de plus en plus prohibitif. Qui s’en plaindra ? Les pêcheurs – appelés à disparaître.
2 500 tonnes de chair alimentaire sortent tous les ans de la ferme Aquanord de Gravelines. Pour impulser la filière boulonnaise, tout le monde se sert les coudes. Des diplômes professionnels du second degré jusqu’au troisième cycle préparent la future main d’œuvre. Entreprises, labos, État et Région collaborent dans le pôle de compétitivité Aquimer et sa plate-forme d’innovation « Nouvelles vagues » pour défricher les prochaines niches de la « croissance bleue » : « Maximiser les ressources disponibles et créer de nouvelles ressources », améliorer « la résistance génétique de poissons d’élevage », analyser les « mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans l’efficacité de l’utilisation de protéines et d’acides aminés en considérant les différentes voies métaboliques d’utilisation de l’apport protéique alimentaire. » [2] Tout ça pour des croustibats au ketchup. Le marché mondial n’a qu’à bien se tenir, Aquimer fabriquera des super-poissons d’élevage qui grossiront plus vite que de minables poissons sauvages. On appelle ça : « réduire le cycle de production ». Les patrons de Capécure se frottent les mains.
Frankenfish
La production intensive et la surpopulation de poissons favorisent les maladies et les épidémies. Vivant dans une mare de déchets organiques en décomposition (aliments, excréments) qui appauvrissent l’oxygène des milieux naturels, il est nécessaire d’administrer aux poissons de bonnes doses d’antibiotiques. Le tout jusqu’à ce que les bactéries deviennent résistantes à ces antibiotiques, s’échappent des piscicultures, et déciment les populations naturelles.
Vendue pour protéger les espèces en voie d’extinction, l’aquaculture nécessite de pécher cinq kilos de poisson sauvage pour fabriquer un kilo de bar ou de daurade ; et vingt kilos de poisson fourrage pour un kilo de thon. Le tout administré sous forme de farine. Mais rassurez-vous : des alternatives végétales comme le soja OGM existent. Si à la perfusion de médicaments et aux farines animales vous ajoutez un fort taux de consanguinité, vous observerez une perte de la diversité génétique, un affaiblissement des espèces, et finalement... pour augmenter leur résistance à un environnement pathogène, des firmes commercialisent déjà des poissons génétiquement modifiés.
Vous voyez, on trouve toujours une solution. D’ailleurs, les gogos de l’aménagement écologique ont les fausses solutions aux problèmes. Les Verts du Boulonnais [3] et du Conseil régional [4] proposent une « aquaculture biologique » (Rires). Désolé pour l’oxymore. Plutôt que de remettre en cause la pêche industrielle et la grande distribution, ils se proposent pour une gestion optimale et ravageuse du monde résiduel. Une fuite en avant bio qui permettra aux poissons de continuer à nager sur la tête.