Dans la région, la réponse de la rue à l’agression militaire israélienne à Gaza a été immédiate. De nombreuses manifestations ont eu lieu, rassemblant des milliers de personnes. Beaucoup de détermination, beaucoup de femmes et de jeunes des quartiers, révoltés par l’impunité de ces bombardements. La situation des Palestinien-nes est depuis longtemps intolérable. Cette nouvelle offensive contre un peuple opprimé a provoqué la colère.
La Brique exprime une solidarité sans faille au peuple palestinien qui subit la faim, la misère, l’humiliation. Notre soutien va à toutes les initiatives de gauche, ici et là-bas, qu’elles proviennent de mouvements réformistes, révolutionnaires, progressistes. De même, il va de soi que nous nous écartons des courants réactionnaires, intégristes ou antisémites qui tenteraient d’en profiter, ici et là-bas. En janvier, certaines manifs en France ont vu des mouvements religieux extrémistes ou des personnes au discours haineux envers les juifs s’afficher ouvertement. C’est à ce propos que nous avons rencontré Mohand, un militant lillois d’origine algérienne.
À Lille moins qu’ailleurs
À Lille, c’est peut-être un des endroits où cela s’est le mieux passé selon lui. « Elles n’ont pas été récupérées, à la différence de manifs à Lyon, Paris, etc. Ici, il n’y a pas de mouvement comme le Parti des Musulmans de France (PMF) qui s’est montré en tant que tel ». Mais Mohand a son histoire, son combat en Kabylie contre les islamistes et le pouvoir dans les années 90, les armes à la main, dans les comités d’autodéfense villageois. On comprend que pour lui, « tout ce qui est islamiste, tout ce qui touche à la religion, ça me chauffe les nerfs ». C’est pourquoi il n’a pas été de toutes les manifs. « Il y en a où j’ai été, et dès que je suis arrivé sur place, j’entendais des slogans carrément extrémistes, des slogans anti-juifs. Ça me dérangeait vachement donc je me suis cassé ».
Suiveurs ou intégristes ?
« Imagine une manif quelconque où tu trouves par exemple des gens du FN côte à côte avec des gens de l’extrême gauche : pour moi ça me fait à peu près ça et c’est inacceptable [...]. D’accord je suis venu pour soutenir la Palestine, contre l’État d’Israël, mais pas pour soutenir les musulmans palestiniens contre les juifs d’Israël en tant que tels [...]. Bien sûr il y a peut-être des gens qui ne voient pas la portée de leurs actes, mais il y a ceux qui savent très bien ce qu’ils font, avec un Coran dans la main, en gueulant « Allah akbar » [Dieu est grand] ou « Moute li el Yahoud » [À mort les juifs]. [...] Pour eux, ce n’est pas contre l’État d’Israël, c’est de l’anti-juif de base ». Il pense que les organisateurs ne se rendent pas forcément compte de ce qui se dit : « Pour eux c’est des gens qui soutiennent la Palestine, c’est pas des discours religieux extrêmes. [...] C’est pas écrit, moi c’est parce que je parle arabe... Et c’est pas la première fois que je vois ça... »
Le Hamas... et la gauche palestinienne
Il tient aussi à préciser que d’après lui, « le Hamas n’est pas un mouvement terroriste, c’est un mouvement de résistance. C’est comme le FLN en 1962, l’État français les qualifiait de terroristes... Le Hamas a une légitimité pour le peuple de Palestine. [...] Tout ce qui est religion ça me dérange, je ne suis pas d’accord avec eux car c’est un mouvement islamiste, mais ça reste quand même un mouvement pour la libération de la Palestine. » Mais d’un autre côté, il déplore « qu’on oublie la gauche palestinienne, ceux qui sont « progressistes », les mouvement de gauche israéliens qui disent qu’il faut arrêter ce massacre et passer à la paix » [1]. S’ils sont minoritaires, et même s’ils ne sont pas exempts de critiques, c’est bien de là que pourra naître une paix juste et durable entre les peuples...
S.G
Article publié en février 2009 - La Brique 12
[1] On peut citer les organisations qui ont signé la « Déclaration de la gauche palestinienne » le 1er janvier 2009 : le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP), le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine (FDPLP) et le Parti du Peuple Palestinien (PPP). Côté israélien, il y a le mouvement des « Anarchistes contre le mur » ( très actifs ces derniers temps, en multipliant les manifs en Israël comme en Cisjordanie), les « Refuzniks » (déserteurs et militaires qui refusent de servir dans les territoires occupés) et les mouvements constitués pour les soutenir, ainsi que d’autres organisations de gauche...