L’académie de Lille et le MEDEF Nord/Pas-de-Calais ont reconduit leur partenariat le 20 mars à la Cité des Echanges à Marcq-en-Baroeul. Bernard Dubreuil, recteur de l’académie, et Jean-Pierre Guillon, président du MEDEF Nord Pas-de-Calais, ont signé une convention de partenariat en matière de relations école-entreprise pour la période 2007–2009. A quand un partenariat de l’éducation nationale avec les syndicats professionnels pour apprendre aux futurs salarié-e-s à se défendre face au patronat ?
Dans l’édition de Nord Eclair du 28 mars 2007, un article de D.Tonnerre nous apprend que le « collège [Sévigné de Roubaix] ouvre ses portes aux entreprises » relatant l’accueil, le 27 mars, de l’entreprise Rabot Dutilleul (BTP) pour aider les élèves à « se projeter dans la vie professionnelle » en évoquant « la formation en apprentissage et en alternance, et de débouchés pour les filles. »
Dans les jours qui suivent, le syndicat SUD Education dénonce les propos du journal et remet les choses à leur place. Comme La Brique enquêtait sur Roubaix, nous en avons profité pour rencontrer S. Effray et R. Lapierre, deux enseignants du collège Sévigné, par ailleurs syndicalistes Sud Education.
Pouvez-vous expliquer brièvement ce qu’est un établissement Ambition Réussite ?
L’Ambition Réussite (AR) ce sont les bahuts de REP-ZEP qui ont eu de la chance, suite à la révolte des quartiers populaires de novembre 2005. Il y a eu un effet d’annonce prétendant répondre à la révolte des jeunes en assurant une meilleure redistribution des moyens (humains et financiers). La réalité, c’est une destruction du service public particulièrement dans les quartiers populaires. Le changement d’étiquette permet de déclasser à court ou moyen terme un grand nombre d’établissements REP et de faire des économies. Quant aux bahuts AR, ils ne sont pas pour autant épargnés par les drastiques suppressions de postes (4,5 postes en moins pour le collège Sévigné cette année).
Pourquoi avez-vous réagi à l’article de Nord Eclair ?
L’article prétendait que l’accueil d’une entreprise était le fait de l’ensemble de l’équipe éducative alors que ce n’était la décision que d’un seul prof soutenu par la direction. Pour nous, toute intrusion de l’entreprise dans l’école est inacceptable. De plus, une des mesures phares de l’Ambition Réussite était de créer une nouvelle sorte de profs (accompagné-es de nouveaux précaires aux ordres : les Assistant-e-s Pédagogiques) multipliant les projets para-scolaires bien souvent fumeux voire débiles. C’est dans ce cadre flou qu’un de nos super prof AR s’est permis d’inviter des patrons au collège.
C’est la première fois que la presse dénature ce qui se passe dans vos collèges ?
De plus en plus souvent l’administration des bahuts organise des opérations de pub dans la presse locale dans une logique de mise en concurrence digne des bahuts privés. La journaliste n’a pas fait la différence entre l’arrivée d’une entreprise et les résultats d’un cross. C’est différent de ce qui c’était passé en 2005 où nous avions fait la une d’une presse charognarde avide d’incidents (jets de bouteilles à l’acide) dans les quartiers populaires en se faisant le relais du discours sécuritaire. A l’époque, deux élèves ont été interpellés et menotés en pleine classe.
Depuis combien de temps le MEDEF intervient-il dans les collèges ?
Des accords ont été signés en 2004 sous Fillon entre l’Éducation nationale et une organisation patronale : le MEDEF, ce qui donne lieu à la semaine « École et entreprise ». L’entreprise est donc présentée comme une réponse aux maux de la société.
Pour quelles raisons dénoncez-vous l’intervention de ces dernières dans l’école publique ?
Alors que les moyens qui pourraient permettre de lutter contre l’échec scolaire sont en constante régression, on nous fait l’apologie de l’entreprise qui résoudrait tout. Cela a conduit à multiplier les contrats d’apprentissage dès 14 ans ! On nous pousse donc clairement à fournir une main-d’oeuvre corvéable à merci pour les entreprises locales (en écartant au passage les élèves les plus « turbulents »). Que peut signifier le fait de sortir de L’École des enfants sans le bagage scolaire minimal pour les mettre dans les mains des patronsNEs ? Enfin l’entreprise trouve là un moyen de se faire de la pub pour pas cher. La Redoute (groupe Pinault) sponsorise déjà le collège Anne Franck de Roubaix.
C.G