« Soutenez la presse libre ! Demandez La Brique ! Faites comme les marchands de canon, achetez votre journal ! Faites comme les bourgeois, lisez la presse ! »
Plus de deux ans qu’on gueule nos slogans lors des ventes à la criée, à Wazemmes, à la gare et ailleurs. On va les chercher dans la rue, nos lecteurs et lectrices. Mais par deux fois, ce sont les miliciens de la BAC qui nous ont trouvé. Menace de garde à vue, contrôle d’identité, questions inquisitrices. Leur vision des choses : pas d’autorisation municipale, pas de criée possible. Dégagez.
Ça nous a pas arrêtés le moins du monde. Seulement on s’est dit : « Les socialos cachés sous leur beffroi, on pourrait pas les emmerder un peu là-dessus ? » On leur a donc passé quelques coups de fil, quelques mails, puis une lettre en bonne et due forme en août 2008. Après quelques mois, on s’est bien marrés en recevant un arrêté municipal rien que pour nous, signé par l’adjoint droitier d’Aubry, Jacques Richir. Le papelard expédiait l’autorisation de ventes à la criée sur quelques endroits déserts de la commune. Et devinez quoi ? Il nous était facturé une dizaine d’euros ! En mai 2009, pour continuer ce dialogue de sourds plutôt comique, on envoyait une nouvelle lettre à Richir, bien longue, très sérieuse et pleine d’arguments béton. Au passage, on en profitait pour leur préciser qu’on lâcherait pas les dix euros. Quelques extraits :
« Nous tenons tout d’abord à souligner qu’en aucun cas le but de notre démarche n’a été de « quémander » une autorisation administrative de nos criées auprès de la mairie de Lille. Nous n’avons pas attendu cela pour commencer ces ventes et elles continueront quelles que soient les suites. En effet, nous estimons que la liberté de la presse est un principe fondamental, et qu’aucune loi ou arrêté ne peut la contraindre. […]
Par ailleurs, nous vous transmettons en pièce jointe la plaidoirie de Me Nadège MAGNON, avocate au Barreau de Paris, du 18 février 2009. Elle défendait M. Ibadioune, poursuivi pour avoir vendu L’Humanité sur la commune de Paris. Celle-ci affirmait devant le juge : « Aucune autorisation n’est nécessaire pour vendre la presse sur la voie publique ».
Et cela en vertu de l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme (« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement »), de l’article 20 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (la distribution et le colportage occasionnels - ou non professionnels - ne sont assujettis à aucune déclaration), de la loi du 9 décembre 2004 venue amender la loi de 1881, signifiant qu’aujourd’hui, les colporteurs et distributeurs de presse professionnels n’ont même plus besoin de se déclarer, et de l’article 1 de la Loi Bichet du 2 avril 1947 (« La diffusion de la presse imprimée est libre. Toute entreprise de presse est libre d’assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu’elle jugera les plus convenables à cet effet »).
Au terme du procès, M. Ibadioune a été relaxé. [...] Elle ajoutait : « En application de la hiérarchie des normes, des dispositions réglementaires ne peuvent être contraires aux lois », signifiant qu’aucun arrêté municipal ne pouvait réglementer ou interdire la diffusion ou la vente de presse ».
Nous pourrions donc attaquer la mairie en justice pour des arrêtés municipaux illégaux, au regard des lois sur la liberté de la presse. Sauf que là... De une on commence à fatiguer, de deux on s’en foutait déjà à moitié. La prochaine fois que la BAC viendra nous titiller, on pourra prendre le risque de leur rire au nez. Merci Bichet.