Il était une fois, un beau matin d’avril 2017, sept boucher.ères des Hauts-de-France qui se réveillèrent avec leurs vitrines aspergées de faux sang. L'année suivante, des bouchers du Vieux-Lille dégustèrent au petit-déj’ un avertissement sur leur vitrine légendé « stop spécisme ». Les jours qui suivent, une poissonnerie, rue Gambetta, un restaurant rue de Béthune et un autre rue Gambetta furent à leur tour persécutés par des « extrémistes-végans-cagoulés-habillés-en-noir ».
Un fléau nommé Courgette
La confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie et traiteurs (CFBCT) exige du gouvernement qu’il place une protection policière devant ces établissements, contre « la barbarie » anti-spéciste1. Retournement dramatique dans l’histoire de l’humanité : le bourreau devient victime, sa vitrine quotidiennement parée de cadavres se change soudainement en monstruosité quand deux ou trois débris de verre viennent la faire briller. Courant septembre, on apprend dans tous les médias de France et de Navarre que six personnes sont interpellées à Lille. Portes brisées telles des vitrines par des agents de police et garde à vue matinale pour les « activistes » identifié.es en tant que tel.le.s par la police. Quatre seront relâché.es car il n’y a ni preuve ni accusation concrète. Les dernier.es sortent du commissariat avec un contrôle judiciaire en attendant leur procès le 14 décembre.
Parmi les éléments l’inculpant, l’ADN retrouvée sur des pierres et un « travail de téléphonie ». La reconquête républicaine de l’alimentation est en marche et la criminalisation des anti-spécistes ne fait que commencer... jusqu’à atteindre récemment un degré d’absurdité notable.
La rép(ub)lique des saucisses
Il faut croire que la tension était à son comble au début du mois quand un Vegan festival annonce sa première édition à Calais. Il attire immédiatement les foudres de la branche radicale de la diaspora carnassière : « Bouffe un Vegan, sauve un paysan » devient leur mot d’ordre. Les associations de chasse de pêche et de boucherie du Pas-de-Calais se joignent à la cause et prévoient de venir manifester « pacifiquement » devant le Cours Gambetta où se tiendra le festoche. Barbecue et grillades au programme, ça pue la mort et la provoc. La mairie craint un match en direct de steak versus tofu. Elle tente de s’épargner un trouble à l’ordre public en annulant le festival, mais les conseiller.es juridiques de L2142 réagissent aussitôt. Un recours est déposé : Steak KO par décision juridique en faveur du Tofu.
Le deuxième round est serré, la communauté carnassière menace de se ramener à 400 à l’événement. *suspense* .Ils sont finalement une dizaine devant la mairie. La Brique décide d’aller tâter la température dans l’opposition vegan.
Le Cours Gambetta est bien vide, plusieurs exposant.es ont renoncé à venir avec toutes ces péripéties. On comprend qu’il y a eu méprise, pas l’ombre d’un extrémiste-brise-vitre-cagoulé bien au contraire, on se vante d’être des activistes dans les rangs « Quand on écoute les boucher.ères, on a l’impression que tout le monde est dans le même bateau : une pierre dans une vitre ou une vidéo, l’effet semble le même » témoigne un.e exposant ; « C’est parce qu’on montre des images violentes que les gens pensent que nous sommes violents » poursuit un.e membre de L214, « la réalité, c’est celle des abattoirs, des conditions d’élevage, de la pêche intensive. »
Le festival s’avère surtout un lieu d’exposition d’artisan.es spécialisé.es : pas de lance-pierre mais des croquettes pour chat à la carotte ! Pas de kit d’offensive vegan mais une conférence format empowered à la Little Miss Sunshine sur les bienfaits de la vitamine B12 ! Une grande majorité de stands de produits revêt tous les apparats du marketing traditionnel. Le véganisme est un secteur économique prometteur, qui redore l’image d’un capitalisme capable d’être « alternatif ». Serait-ce la suite logique des chasseurs « premiers écolos de france » ?
Lud, Mikette, Sam, Oliv
1. Spécisme : hiérarchiser les espèces d'animaux, qui place souvent l'être humain en haut de la pyramide des ayant-droit d'exister. Les anti-spécistes accompagnent souvent leurs valeurs d'un mode de vie en dehors de toute forme d'exploitation animale.
2. L214 est une association qui cherche à protéger les animaux en mettant en lumière des contextes qui restent dans l'ombre comme la réalité des abattoirs. Ils sont porteurs d’une critique de l'industrialisation de l'agriculture animale mais cette critique passe par des moyens qui sont très pacifistes.