Les habitant.es de la résidence Trévise, rue Jean Jaurès dans le quartier de Moulins, vivent dans des conditions indignes depuis plusieurs années. En septembre dernier, les résident.es ont subi une coupure de chauffage qui a mis en évidence l'ensemble des dégradations de la résidence. Un collectif d’habitant.es s'est constitué pour qu’enfin LMH réagisse.
S’il y a de nombreux problèmes dans la résidence, l’hiver a mis au centre des préoccupations les défaillances du chauffage, qui durent depuis plusieurs années, sans que l’on puisse les dater précisément. Solliciter les services du plus gros bailleur social de la métropole relève en effet du parcours du combattant. Avant, les locataires devaient braver le mépris des employé.es en agence, jusqu’à ce que LMH finisse par supprimer tous ses guichets de proximité. À présent, les locataires doivent passer par des plateformes téléphoniques pour se faire entendre. LMH justifie la mise en place de cet outil de « gestion locative » par le fait que le téléphone constitue une meilleure façon de tracer les appels. Le temps d’attente est extrêmement long, les personnes ne se font jamais rappeler. Mais ce dispositif a surtout permis de réduire les coûts et les solidarités. Chacun.e se retrouve seul.e face à son problème, LMH ne traite que des cas singuliers. Face à cette inaction, les habitant.es se résignent, finissent par minimiser les problèmes rencontrés et renoncent à passer par LMH pour s’en sortir.
LMH souffle le chaud et le froid
Dans certains logements, la température descend à 10 degrés ! Les résident.es doivent eux-mêmes investir dans des chauffages d’appoint, tandis qu’à contrario, dans d’autres logements, la température peut monter jusqu’à 35 degrés et les locataires doivent vivre les fenêtres ouvertes ! La vétusté du chauffage n’est pas le seul problème auquel sont confronté.es les habitant.es de la résidence Trévise. Leur lieu de vie est sinistré : ascenseurs HS, revêtement extérieur défoncé, trafic de stup’, toit terrasse noyé sous les eaux pluviales, inondation qui ruisselle du dernier étage sur tous les paliers, invasion de rats et de cafards...
Face au constat de l’inefficacité des recours individuels, les habitant.es ont décidé de s’unir. Ils et elles choisissent le nom de « collectif Jean Jaurès » (plutôt que le nom de la résidence Trévise). Se réapproprier le nom de Jaurès, c’est une façon de se donner de la fierté, en revendiquant une figure qui fédère unanimement dans l’imaginaire collectif. Car au-delà des problèmes de chauffage, les habitant.es revendiquent leur dignité. De plus, si la discrimination raciale et sociale n’est pas explicitement nomée par les habitant.es, elle n’en est pas moins dénoncée, mais en off. Bruno, habitant de la résidence, qi nous explique qu’il n’a pas voulu en être le porte-parole : « Je ne suis pas d’origine immigrée, donc pas très représentatif, bien que je sois locataire ». La violence ne réside pas dans le seul fait de vivre dans un habitat dégradé mais dans l’indifférence totale des pouvoirs publics et du bailleur. Dans cette affaire, personne n’a l’air d’y être pour rien, ni pour quelque chose…
Jaurès contre Goliath
On en aura la preuve lors de réunions publiques. Une pétition réunit plus d’une centaine de signatures. Elle est envoyée à Didier Manier, Président de LMH, et à Amélie Debrabandère, Directrice Générale. Le 29 novembre 2019, une première réunion publique est organisée, et réunit près d’une centaine d’habitant.es. Estelle Rodes, adjointe à la mairie de Lille au logement et maire du quartier de Moulins est présente. Elle montre patte blanche et fait tout pour faire porter la responsabilité au bailleur… Sans doute avait-elle passagèrement oublié qu’elle fait partie du conseil d’administration de LMH.
Quant à Amélie Debrabandere, sa réponse à la pétition est méprisante. Elle reproche aux locataires de dégrader sciemment leur logement ou bien accuse les prestataires extérieurs, puisque le bailleur n’effectue plus lui-même les travaux. Pourtant, selon Bruno « nous ne fantasmons pas le problème, nous le vivons. » Face aux caméras de Grand-Lille TV, LMH tente un mea culpa qui sonne creux. Lors de la deuxième réunion publique du 10 janvier dernier, Debrabandere ne prend pas la peine de se présenter et envoie au charbon ses sous-fifres de l’agence de Moulins.
Chauffage pourri, charges démentielles, la double peine
Si le bailleur promet un chantier terminé à la fin mai, il n’y a toujours pas de prise de position claire concernant les charges. LMH fait l’anguille lorsqu’il s’agit de parler du nerf de sa guerre : l’argent. LMH est passé depuis quelques années d’un système individualisé à un système forfaitaire. Un coût global est déterminé sur toute la résidence, puis réparti entre chaque habitant.e en fonction de la typologie du logement et du nombre d’occupant.es. LMH communique à chaque habitant.e le montant global des charges de l’année précédente. Mais tout est fait pour que ces informations passent inaperçues : le courrier relatif aux charges de l’année n-1 est communiqué en juin, période où le coût du chauffage importe très peu. Et les prélèvements interviennent beaucoup plus tard dans l’année. Autrement dit, difficile de justifier de la consommation réelle de chaque locataire et des différences aberrantes de consommation.
Les habitant.es ont subi, en une année, une augmentation de 44,57% de leurs charges de chauffage ! Pour LMH, rien d’anormal. Debrabandère va jusqu’à écrire que cette augmentation démentielle serait la conséquence d’une hausse du Mwh. On marche sur la tête. Comme le résume Bruno, les locataires payent trois fois. La première, pour un service de location qui ne tient pas compte du préjudice de jouissance. à cela s’ajoutent les dépenses des locataires qui se sont procuré des chauffages électriques. Enfin, LMH contraint les habitant.es à payer la surconsommation dont il est responsable. La loi accorde un délai de six mois pour contester les charges et demander des justificatifs (article 23 de la Loi du 6 juillet 1989). Ce délai était dépassé au moment où la mobilisation a commencé. Mais tant pis, LMH devra quand même se justifier.
Une résidente interpelle le Président de LMH devant Grand Lille TV, en citant Jaurès : « le courage c’est de chercher la vérité, et de la dire ». LMH et les pouvoirs publics doivent répondre, non seulement pour avoir laissé les habitant.es vivre entre des murs pourris, mais aussi pour les avoir stigmatisé.es et avoir participé à leur stigmatisation. Le message envoyé à LMH est on ne peut plus clair : « vous ne pouvez pas continuer à nous traiter comme des personnes qui n’ont aucun mot à dire. Nous voulons pouvoir vivre dignement, être respectées et considérées. »
Camo et Louise