Par Sayed Kashua, traduit de l’hébreu par Katherine Werchowski. Collection 10/18, « Domaine étranger », dirigé par Jean-Claude Zyberstein.
Né en 1975 à Tira, village galliléen qui passa sous la domination de l’Etat hébreu en 1948, Sayed Kaschua, Arabe de nationalité israélienne, est un jeune homme qui éclaire un douloureux et dramatique problème, lequel demeure d’actualité et qui semble largement ignoré du public occidental : il s’agit du sort réservé à ces palestiniens devenus par la force des choses « israéliens ». Comment peut-on être à la fois arabe et israélien ?
Résonnant comme un puissant oxymore, cette association ne peut que nous surprendre ; elle ne peut qu’épouser les allures d’une « farce tragique », poignante, comme s’en fait ici l’écho le premier roman de Kashua, Les Arabes dansent aussi, livre de l’écartèlement où nous voyons cheminer un jeune homme arabe au sein de cette société israélienne qui lui offre l’’instruction et une certaine liberté mais qui en même temps le relègue au second plan, dans le moindre-être, parce qu’ « un arabe restera toujours un arabe. » La souffrance du jeune homme deviendra plus intense quand celui-ci découvrira, la mort dans l’âme, que la possession de cette nationalité israélienne de pacotille le fait passer pour traître et renégat aux yeux de la résistance palestinienne. Éclate ainsi dans Les Arabes dansent aussi une terrible fracture, un malaise qui nous permet de comprendre comment un drame social et politique se transforme dans la chair et l’âme de celles et ceux qui vivent la chose, en un drame existentiel où brûlent la jeunesse et la santé morale d’une partie de l’Humanité prise en otage par l’Histoire.
Meb