Hadopi : Le Net dans les filets

Le Web est en pleine émulation. Industriels de la culture, médias et politiques, se donnent la main pour le transformer à leur image. À cet effet, la loi HADOPI n’est qu’un maillon de plus dans une série de mesures visant à contrôler Internet et les internautes.

Sur le Net, quelque chose échappe délicieusement aux industriels de la culture et de l’information. Les pressions « amicales » de ces derniers, affolés par leurs « pertes » d’influence ou financières, ont fini d’imposer la maîtrise de la toile comme fondamentalement nécessaire. Pour le chevelu Lefebvre (député UMP), aucun doute : « L’absence de régulation du Net provoque chaque jour des victimes ! Combien faudra-t-il de jeunes filles violées pour que les autorités réagissent ? […] Combien faudra-t-il de créateurs ruinés par le pillage de leurs œuvres ? » [1] Devant cette « débauche », il faut « civiliser » les réseaux, «  élargissant encore le champ sécuritaire lié aux nouvelles technologies » [2].

Tour d’horizon

2006. Afin de lutter contre le « téléchargement illégal » et les contrefaçons, la DADVSI [3] établit le principe de « réponses graduées » (avertissement puis coupure de la connexion) et des sanctions allant jusqu’à 30 000 euros d’amende et cinq ans de prison. Les tribunaux ne pouvant assumer cette charge supplémentaire de travail, elle s’est retrouvée inapplicable. C’est donc par le projet de loi « HADOPI » [4], que l’UMP et quelques artistes plus ou moins moribonds reviennent à la charge. Cette loi instaure une « haute autorité », indépendante, chargée de mettre en œuvre les sanctions.

Elle incite fortement au filtrage des données à travers l’installation de « logiciels de sécurisation » (des mouchards/spyware). «  Dans les textes, de simples présomptions de culpabilité suffisent à enclencher la procédure », explique Charles, membre d’une association de promotion des logiciels libres dans la région, Ch’tinux. Du coup, pour être innocenté, il faudra le prouver. Et pour ça, s’équiper d’un mouchard privé.Retour ligne automatique
Retour ligne automatique
Le premier volet de la loi a été censuré par le Conseil constitutionnel. L’accès à Internet est considéré comme « une liberté fondamentale » ne pouvant être remise en question que sur décision de justice. Mais avec une prochaine présentation du texte - amendé - et la LOPPSI [5], la marche pour un Internet « civilisé » se poursuit.

Another list on the wall

Cette autre loi lutte contre la « cyber-criminalité » (pédophilie, terrorisme). Elle devrait être votée à la dérobade cet été ou en 2010. Il s’agit toujours d’une mise sous contrôle par « la captation à distance de données numériques par des logiciels mouchards ». Sans garantie de réussite, d’ailleurs, puisqu’il sera toujours possible de se dissimuler en « chiffrant » ses flux ou même, comme ça s’est vu aux États-Unis, en détournant ces mouchards.

Charles développe : « Le filtrage va empirer la traque des pédophiles et des terroristes. Il y a déjà énormément de données qui sont chiffrées, mais on va rendre méfiant une partie de la population, qui va commencer à chiffrer aussi ses communications. Ce sera encore plus dur de faire la différence entre ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Aux Etats-Unis, la NSA a refusé que soient utilisés la riposte graduée et le filtrage pour éviter une explosion de flux chiffrés. »Retour ligne automatique
Une initiative presque contre-productive donc, sauf si on lui donne un autre sens. Car cette fois, l’Etat attaque à la source. Il pourra « imposer aux fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher sans délai l’accès aux contenus illicites dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l’Intérieur. » À peu de choses près, comme en Chine. Sur la liste noire australienne, par exemple, figurent des sites sur l’euthanasie et certaines pages Wikipédia [6]. En France, elle vient déjà de s’ouvrir aux sites de paris en ligne. À qui le tour ?

Paremski

Notes

[1Déclaration à l’Assemblée nationale, 15/12/08.

[2Le Monde, 18/05/09.

[3Loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information.

[4Projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, surnommée Hadopi pour la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des Droits sur Internet (Hadoepi) qu’elle institue.

[5Loi d’Orientation et de Programmation et de performance pour la Sécurité Intérieure.

[6« La blacklist australienne ne contiendrait pas que des sites pédophiles », Numerama.com.

Rechercher

logo jemabonne

En brèves

  • Brèves locales

    Voici 3 brèves du numéro 65 : article sur les salles de Shoot, une recension d'un bouquin sur Marat (édité par la Fabrique), et sur la rénovation urbaine à Lille.

    Lire la suite...

  • Brèves industrielles

    Tropicalia, un projet Berck Berck ! Dans le genre projet inutile, la serre gigantesque de Tropicalia se pose là. À deux pas de la station balnéaire et hospitalière de Berck sur la Côte d’Opale dans le Pas-de-Calais, le projet de la plus grande serre tropicale du monde est prévu sur les communes de...

    Lire la suite...

  • Le bruit et l'odeur de l'industrie

    L'été 2020 avec La Brique, on a fait un tour de la région pour observer ceux qu’on assimilait au monde d’avant : les ouvrier.es ! On ne finit pas de les enterrer et pourtant ils existent. Baladez-vous le long de L’Aa, la Lys, la Deûle, la Scarpe, l’Escaut (dans cet ordre-là), pour faire un grand tour...

    Lire la suite...

  • L'US Café de Steenwerck

    Derrière ce nom qui sent le far-west se cache un bar éphémère installé sur un terrain au bord de l’A25. Des sièges et tables en palettes, un bar plein-air, des toilettes sèches : à mi-chemin entre le tiers-lieux et la ZAD, l’US Café apparaît depuis 2 ans pendant la période estivale grâce à un...

    Lire la suite...

  • Cargill : fleuron de l'industrie française ?

    Cargill, premier producteur agro-alimentaire mondial a une usine d’amidon à Haubourdin. Pour rappel, en automne 2019, la direction annonce une importante vague de licenciement (ou Plan de sauvegarde de l’emploi, PSE), au moins 180 emplois sur 330 sont concernés. Dès janvier, les ouvrier.es se...

    Lire la suite...