L’hibernation n’en finit plus sauf pour l’association « La chaîne des terrils », qui reprend à partir de février ses visites guidées des « jumeaux du 11/19 », les deux terrils surnommés ainsi par les mineurs de Loos-en-Gohelle.
Voici une occasion rêvée pour les amateurs et amatrices de panoramas et d’histoire régionale. Du haut de leurs 187 mètres (ce qui en fait les plus hauts d’Europe), les deux géants de Loos-en-Gohelle nous racontent une partie des 270 ans d’histoire minière de la région. C’est en 1720 qu’est trouvée une veine de charbon dans le bois de Fresnes, sur les bords de l’Escaut, en un emplacement que plus rien, aujourd’hui, ne signale à l’attention. La légende de la houille rapporte que ces précurseurs prédirent : « Un jour viendra où, braves gens, vous ne mourrez plus de froid. Les voitures marcheront sans chevaux et les vaisseaux sans voile… ». La légende ne dit pas si elle prédisait les galères du travail à la mine...
Tout in haut d’min terril
Un terril, c’est une sorte de décharge industrielle que les Houillères utilisaient pour se débarrasser des roches « stériles » (d’où le mot « terril ») qu’elles devaient extraire en même temps que le charbon. Cette accumulation de matières à proximité des puits d’extraction marque nos paysages d’aujourd’hui. Ce sont les « montagnes » du plat pays (environ 600 dans la région sous différentes formes), témoins et vestiges d’une longue histoire que nous ferions bien de ne pas oublier, à la manière d’un Luc Moullet qui posait la question en 1991 : y-a-t-il un complot ourdi contre les terrils du Nord-Pas-de-Calais1 ? Aujourd’hui ils deviennent des supports de découverte, de nouvelles activités tournées vers l’avenir2.
Sur les pas des mineurs
Rendez-vous aux terrils du 11/19. La fosse 11 date des années 1890. Son chevalement ancien tourne le dos à la tour de béton armé du 19, haute de 66 mètres. C’est en 1955 que fut décidée sa construction sur le territoire de Loos, le siège étant mis en service en 1960. Le puits permettait de retirer 8000 tonnes de produits bruts par jour. Le siège 19 a fermé ses portes en 1986.
En partant de l’usine proprement dite, vous apprendrez les détails d’une industrie qui a fait vivre et mourir des milliers de personnes jusqu’à nos jours (25 000 décès officiellement). Au gré de votre cheminement, le ou la guide vous fera partager la grande et la petite histoire de ce bout de terre. Vous apprendrez que la silicose3 n’est pas LA maladie du mineur, mais, contrairement à l’anthracose - maladie dûe à l’inhalation des poussières de charbon et qui faisait recracher du noir au mineur de fond – le traitement de la silicose était remboursé.
Guerre et botanique
Pour celles et ceux qui s’intéressent moins à l’histoire, vous pouvez toujours écouter parler la flore et la faune, voire vous livrer à certaines expériences botaniques... 205 espèces et 82 espèces (oiseaux, batraciens et reptiles, mammifères, libellules et papillons de jour et de nuit ) ont été inventoriées sur ce site. Il faut dire que la composition de certains terrils se prête bien aux expériences horticoles. Les déchets n’ont pas toujours été traités chimiquement. Les ouvriers s’en chargaient, ce qui fait que certains terrils sont encore chargés en charbon, et donnent une chaleur propice à des plantes « exotiques », tel un figuier...
Arrivé au sommet, si vous prêtez l’oeil vers la plaine environnante, vous verrez des traces blanches couvrant les champs. Rien à voir avec l’écologie, rassurez-vous, ce ne sont que des traces de craie - remises en surface par les labours agricoles - qui marquent l’emplacement des tranchées de la Grande Guerre, autre stigmate de cette terre qui en aura vu passer plus d’une (de guerres). Rien d’étonnant, dès lors, que ce soit dans la presse relatant la catastrophe de Courrières (1906) que l’on trouverait pour la première fois l’orthographe "terril". Les journalistes parisiens, qui demandaient aux gens du secteur comment le mot s’écrivait, auraient reçu cette réponse : "comme fusil".
1 : Luc Moullet, La Cabale des oursins. Film français en couleur, 1991, tout public.
2 : Par exemple la candidature du Bassin Minier au patrimoine mondial de l’UNESCO illustre bien la volonté de valoriser ces territoires trop souvent considérés comme "tâches" dans le paysage de la région.
3 : La silicose ne touchait qu’une mince partie des mineurs en contact avec la silyce.
NB : Vous pouvez y aller seul-e, mais la procédure légale veut que vous demandiez autorisation à la mairie pour la simple raison qu’un accident survenu sur le site obligerait les pompiers à vous secourir en hélico... à vos frais !
Sinon, il faut réserver les places pour les visites soit par internet (chaine.des.terrilsATwanadoo.fr) soit par téléphone (03.21.28.17.28). 4 € /personne.
Pour y aller, prenez l’A21, chopez la sortie 8 Lens Ouest et hop hop Direction Béthune. Arrivé-e-s au rond-point, c’est à gauche rue Léon Blum (!). Suivez le site du 11/19.