L’APU Moulins, ou comment associer action sociale et militante

Jeff, dans l’association depuis 1996, présente le travail de l’Atelier Populaire d’Urbanisme basé sur le quartier Moulins à Lille.

 

Créée en 1993, l’APU-Moulins a les mêmes principes de fonctionnement sur le volet logement que les autres APU (Wazemmes et Vieux-Lille). « L’accueil des locataires se fait dans une permanence collective en premier ». Il s’agit de « trouver une solution avec les gens, que ce ne soit pas un dispositif d’aide sociale, mais plus un dispositif participatif pour qu’ils soient acteurs de la résolution du problème, afin qu’ils comprennent qu’ils arrivent dans une asso’ militante ». C’est « un moyen de rentrer en contact sans une dimension individuelle, même si les gens ont du mal à comprendre la démarche militante car ils sont dans l’urgence ». Depuis quelques temps, ils font face à « de plus en plus de difficultés très lourdes et très complexes, car ce sont des gens très ancrés dans la précarité. Les gens ne viennent plus pour un problème de règlement d’une caution... ».

« Utiliser la force collective »

Au deuxième rendez-vous, l’accompagnement se fait individuellement avec un salarié, qui « donne des choses à faire aux gens : aller chercher un dossier, aller voir untel, etc : on le fait pas pour eux. (...) C’est aussi un soutien moral et psychologique, c’est important pour beaucoup : être soutenu par un groupe. (....) On propose un sa-Retour ligne automatique
voir-faire de travailleur social et de militant : on cherche à combiner les deux
 ». « Dans les confrontations avec les proprios ou les marchands de sommeil (1), il y a la pression de la mobilisation qui joue. Chaque fois qu’on rencontre un proprio, on va être à plusieurs. Car si on est ensemble, il va forcément la mettre un peu en veilleuse... » Quelques jours après notre entrevue, il est ainsi prévu d’aller voir un immeuble tenu par un marchand de sommeil boulevard Victor Hugo, qui loge des immigrés africains. « Face à un proprio véreux prêt à employer n’importe quelle méthode, il n’y a pas le choix, il faut utiliser la force collective. Lorsqu’on fait appel à la force publique -c’est déjà arrivé-, des fois [les flics] ne se déplacent même pas. La mobilisation collective est donc fondamentale ». L’APU fait parti du réseau militant lillois : « on est aussi bien en contact avec le réseau historique des squatteurs lillois qu’avec des syndicats, le comité des sans-papiers, le forum social des quartiers populaires, etc. On fait aussi appel à des gens dans ce réseau là. »

... pour « retrouver sa dignité »

Certaines formes de mobilisations collectives se font plus rares, notamment en cas d’expulsion, car ils parviennent de plus en plus à les contourner. «  De 1996 à 2000 : les actions collectives étaient assez régulières. On a passé des journées voire des nuits pour attendre un proprio ». Mais L’APU organise plusieurs manifs dans l’année, «  cela sert à mettre une pression sur les institutions, les huissiers. Nous on n’a eu aucune expulsion par la force publique depuis 5 ou 6 ans : on évite l’expulsion ou on arrive à reloger (2). Mais après il y a les expulsions illégales... ».

 

"Avec tous les dispositifs de contrôle social, on rend les gens honteux de leur précarité"

 

Le plus compliqué c’est d’arriver « à inscrire les gens concernés dans une dynamique collective. Les formes d’engagements militants traditionnels ont été cassées et c’est dur à remonter aujourd’hui. C’est devenu complexe de mobiliser les gens de manière durable. (...) La dernière manif’, 30 familles suivies par l’APU étaient présentes : c’est donc encore possible de ramener dans la rue des gens qui n’avaient jamais manifesté, pour crier qu’on a pas de logement. Mais pour beaucoup de gens c’est honteux. Avec tous les dispositifs de contrôle social, on rend les gens honteux de leur précarité. Et le combat collectif permet de retrouver sa dignité ». Parfois, des familles qui attendent un logement social depuis 4, 6 ou 9 ans et qui sont dans un logement trop petit, trop cher ou insalubre, s’organisent dans un collectif au sein de l’APU. « La dernière fois, c’est 17 familles qui se sont réunies. Il y a eu un rassemblement devant la mairie (...). Une délégation a été reçue direct, tous ont eu un logement social dans les six mois, et une dans l’année ! ».

Les autres associations sur le logement ? « On ne fait plus rien avec le DAL depuis un an, mais en ce moment, on est en train de tisser des liens plus étroits avec les autres APU. On fait un travail élargi avec la Confédération Nationale sur le Logement et des comités de quartiers de Roubaix, sur l’organisation de manifs en commun, l’accès au logement social et le repérage de logements vacants ».


1 : Des propriétaires véreux qui louent des logements minuscules et insalubres à un loyer très élevé, avec ou sans bail.

2 : Ce n’est plus le cas. Lors de conférences de presse des APU de Lille et du DAL, le 18/09/07, les assos ont dénoncé les méthodes du préfet Canépa, qui aurait donné l’ordre à ses services sociaux de ne plus contacter les associations pour empêcher une expulsion (voir l’article sur l’APU Vieux-Lille). L’APU Moulins ne fait donc plus exception...

L’APU Moulins compte deux salariés, 25 personnes très investies et un réseau d’une trentaine de personnes qui viennent donner des coups de main. Ils suivent jusqu’à 350 familles par an. Outre l’activité logement, l’APU agit sur le cadre de vie avec le festival « Prenez place », des projections en plein air, des repas de quartier, etc. Ils éditent également un journal de quartier, « Paroles à Moulins ».

Contact : APU Moulins, 46 rue de la plaine à Lille, 03.20.97.72.94

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