Le préservatif les premières nuits. La pilule quand la relation est stable. Le stérilet après avoir eu des enfants. C’est la règle suivie par la plupart des femmes, apprise dès l’école et rappelée par de nombreux médecins, mais qui laisse de côté l’éventail des possibilités. Conséquences : aucun choix, trop peu de connaissances, beaucoup d’inégalités entre les sexes.
Aujourd’hui, un tiers des femmes commencent leur contraception avec un médecin généraliste, leur rôle risquant de croître d’ici 2010 du fait du risque de pénurie des gynécos. Mais la contraception, ce n’est pas vraiment leur domaine, ils ne se disent pas formés pour ça. Les stérilets par exemple : un tiers des médecins en posent, les autres disent ne pas savoir le faire [1]. D’où la prescription automatique de la pilule, du chimique, de la contraception orale. Quid de la patiente ou du couple qu’ils ont en face d’eux ? « C’est chimique, c’est sûr, et c’est si facile de la prendre à heure fixe », entend-on dans la bouche des médecins. Ils se dédouanent ainsi de leur rôle de conseillers et laissent les femmes se démerder seules avec une prise journalière quasi impossible à tenir ... et de nombreux effets secondaires possibles.
Obscurantisme du corps médical
Pourtant, rappelle Véronique Séhier, du MFPF (cf. lexique) de Lille, « une femme qui va voir son médecin pour une contraception n’est pas malade ! C’est différent, c’est pas au médecin de prescrire, c’est à vous de choisir, par rapport à votre mode de vie sexuelle... ». Dans l’idéal, certes la pilule est un contraceptif à très forte efficacité, mais elle n’est pas adaptée à toutes les situations. Selon Olive, du collectif Basta !Cf. Lexique. [2], « à partir du moment où tu as une réflexion personnelle, que tu réfléchis aux différents moyens de contraception, on te met sans cesse des barrières, parce que l’autonomie des femmes notamment à ce propos, n’est pas acceptée ». Pourtant, il y a en moyenne dix ans entre l’âge du premier rapport sexuel et celui du premier enfant. Dix ans de contraception, où plutôt que l’obéissance au corps médical, c’est une réelle éducation à la sexualité (qui ne soit pas limitée aux « campagnes d’information ») qui semblerait essentielle pour être pleinement maître-sse de son corps... Mais qui connait la totalité des moyens de contraception disponibles, qui se sont largement diversifiés en quelques décennies [3] ?
Là encore, peu sont remboursés (uniquement - et partiellement - la pilule, l’implant et le stérilet). Pour les méthodes hormonales que sont l’anneau vaginal et le patch, il faut payer plein pot (15 € par mois), alors qu’elles ont l’avantage de ne pas être une charge quotidienne ni de modifier le cycle des règles contrairement à l’implant. Les préservatifs, masculins et plus encore féminins restent chers, alors que ce sont les seuls qui protègent des infections sexuellement transmissibles.
Quant aux préjugés, ils sont encore nombreux, parfois véhiculés par les médecins eux-mêmes. Ainsi le stérilet, malgré la connotation du terme, ne rend pas stérile ! D’après Olive, « pour le stérilet, si tu ne le proposes pas, si tu n’argumentes pas, les gynécos ou les médecins très souvent, évitent le sujet ; et même quand il y a une démarche volontariste de la part des femmes, des médecins, des gynécos insistent parfois grossièrement pour en rester à la pilule en racontant des bobards, par exemple que le stérilet ne convient pas si on n’a pas encore eu d’enfants ou que le stérilet est peu fiable, qu’il peut bouger... ».
Et la contraception d’urgence ? La pilule du lendemain est remboursée à 65 %, mais sous condition d’avoir une ordonnance, donc d’avoir un médecin informé et surtout ouvert... Elle est gratuite et anonyme pour les mineures. Moins connu, le stérilet sert aussi de contraception d’urgence. Il a l’avantage d’avoir un taux d’échec nul (contre 20 % pour la pilule du lendemain) et de pouvoir être posé jusqu’à cinq jours après le rapport sexuel (trois jours pour la pilule). Enfin, la stérilisation volontaire peut être décidée, après quatre mois de réflexion, pour les femmes et les hommes majeurs (ces derniers pouvant congeler leur sperme). Mais « il a fallu attendre le XXIe siècle pour que notre pays accepte le principe du recours à la stérilisation (...) que nos médecins ont trop longtemps présentée comme une automutilation », rappelle Geneviève Cresson, sociologue de la santé à Lille 1. Malgré la loi de 2001, beaucoup de médecins aujourd’hui taisent ce droit.
Myopie masculine
« La contraception, c’est quelque chose à démédicaliser » [4], pour que chacun soit maître de sa sexualité, mais c’est aussi un sujet où les hommes ne s’impliquent pas ou peu. « On est toujours dans une société où on considère qu’il n’y a que les femmes qui portent les enfants, et donc si elles ne veulent pas en avoir et bien elles n’ont qu’à se débrouiller... C’est avant tout une histoire de femmes », déplore Sylvia, salariée à la maison des femmes. Effectivement, G. Cresson a étudié le rapport d’un groupe d’hommes face à l’IVG [5] et remarque qu’ils « se désintéressent des questions de contraception. La plupart ne savaient pas préciser quelle contraception était utilisée par leur amie ou épouse, ils se contentaient de « lui faire confiance » c’est-à-dire très crûment, ils la laissaient se débrouiller. La préoccupation pour cette question vient après celle de la réussite de la relation sexuelle, du plaisir obtenu ». À l’inverse, nous rappelle Olive, « les femmes sont considérées avant tout comme des mères, pas comme des êtres qui peuvent avoir du plaisir. » En témoigne le silence dont est victime le clitoris, seul organe réservé uniquement au plaisir, sans fonction reproductrice [6]. En témoigne aussi la prise quotidienne d’une pilule, qui « impose aux femmes de compter les jours, d’avoir un rythme précis, de se mettre dans l’esprit qu’elles ont une horloge biologique, et donc d’être seules responsables et conditionnées à la reproduction ».
Une place, un rôle pour chacun. Des traditions bien ancrées. Et les femmes se retrouvent seules face à la contraception... Combien d’hommes participent aux frais de la contraception ? Combien réfléchissent à leur contraceptif ? Pour la sociologue G. Cresson, il ne « semble pas que les hommes soient dans une démarche de maîtrise de leur propre fécondité, et même ceux qui craignent qu’on leur « fasse un enfant dans le dos » ne changent guère ce comportement de fuite devant une responsabilité qu’ils ne sont pas nombreux à assumer ou partager au quotidien ». Quant aux moyens contraceptifs, presque aucun n’est masculin. Seuls le préservatif et la stérilisation sont disponibles. Les contraceptifs hormonaux masculins restent, depuis les années 1970, à l’état d’études. La faute au machisme ? Peut-être, mais F. Collier estime qu’« il y a un marché potentiel extraordinaire » et que les laboratoires butent face aux problèmes techniques [7].
Plus de quarante ans après la légalisation de la contraception, les insuffisances en matière d’éducation à la sexualité et d’égalité hommes-femmes sont flagrantes. G. Cresson dresse le bilan : « On n’est qu’au début de la véritable maîtrise par les personnes de leur propre reproduction ! La plupart des pays voisins ont au moins une génération d’avance sur nous à ce propos. »
[1] Propos tenus au colloque régional organisé par le MFPF du Nord : « Choisir sa contraception », le 24 avril
[2] Olive ne s’exprime pas au nom du collectif.
[3] Impossible de tout passer en revue ici. Pour plus d‘infos : www.choisirsacontraception.fr (Attention site officiel ! Mais, réalisé en collaboration avec le MFPF, il nous a semblé qu’il rassemblait la plupart des infos sur le sujet...)
[4] Véronique Séhier, du MFPF de Lille
[5] Etude publiée dans Sociétés contemporaines, N° 61, 2006 (numéro spécial « Avortement ici et ailleurs »)
[6] À voir, le documentaire « Le clitoris, ce cher inconnu », de Helen O’connel, urologue.
[7] La question mériterait d’être fouillée. Les problèmes techniques peuvent parfois être résolus rapidemment lorsqu’on y met les moyens et de la volonté...