Produits Chimiques de Loos existe depuis 1826 et continue aujourd’hui de produire toutes sortes de composés chimiques. Depuis, la ville s’est construite autour. Fini le bon temps où l’industrie pouvait pourrir la vie en toute liberté ? Classé Seveso, le site est « à haut risque » : la loi impose, l’industriel dispose.
PC-Loos s’étend sur 33 hectares et fait travailler plus de 200 personnes. Situé à l’extrémité nord de Loos, le site est coincé entre l’autoroute A25, la Deûle, le port fluvial et la prison, avec le quartier du Marais (Lomme), Faubourg de Béthune, Bois Blancs (Lille) et Sequedin en guise de voisins. Ça fait beaucoup de monde.
Depuis la catastrophe azf, on regarde d’un autre oeil ces installations géantes situées au coeur de la cité, on s’en méfie. Quelques signes positifs invitent à nous réconforter : les pouvoirs publics, conscients qu’un accident grave peut faire mal, votent en 2003 la « loi Bachelot » définissant une politique du risque industriel plus stricte. Qu’en est-il sur le terrain ?
Chimie amusante
PC-Loos produit des substances chimiques dont beaucoup servent d’intermédiaires dans d’autres procédés de fabrication. Au coeur du processus, on trouve le chlore, l’ammoniac, la potasse et beaucoup d’autres... La chimie est une science complexe qui fait intervenir tout un tas de produits, pas vraiment inoffensifs. La production quitte ensuite l’usine pour aller servir à la fabrication des piles, des produits de traitements des eaux, des bonbons, etc. On se tape aussi des déchets plus ou moins gênants.
Où est le problème ?
Relisez Gaston Lagaffe : le problème principal, c’est l’instabilité et la toxicité des produits. Un danger pour le personnel de l’entreprise, mais aussi pour les riverains au cas où la chimie se mettrait à défaillir. En cas de problème, les gens n’auraient qu’à cesser d’utiliser leurs poumons le temps que le nuage toxique passe.
Quant au risque d’explosion qui a déjà fait trembler la terre à Toulouse et Billy-Berclau pour ne citer que les plus récents : « impossible » nous disent en choeur la drire locale [cf. lexique] et le représentant cgt de l’entreprise. C’était aussi ce que disaient les responsables du site d’azf... n’empêche que ça a quand même bien pêté.
Ne cédons pas à la panique
Pas de psychose : vous avez quand même beaucoup plus de « chance » de mourir au volant de votre bagnole. Il n’empêche... Que nous dit le personnel de la drire, bons serviteurs de l’Etat ? « En matière de risques industriels, il n’y a aucun problème particulier sur le site du PC-Loos ». Un syndicaliste cgt du site est du même avis : « tout va bien ». Tous deux précisent que de nombreuses améliorations ont été apportées depuis 2003, principalement la suppression du stockage des produits à risque : le chlore et l’ammoniac. La production se fait en « flux tendu », c’est-à-dire en consommant immédiatement les produits. Plutôt sympa : de ce fait les camions-citernes sillonent en permanence le territoire.
Ces améliorations justifient notamment la réduction de la « zone de dangers ». Cette zone qui figure dans les documents officiels permet de localiser les populations qui seraient menacées en cas d’accident grave. Elle est aujourd’hui réduite à 1500 mètres autour du site [cf. carte]. Ça concerne encore beaucoup de monde, notamment la prison de Loos pour laquelle rien n’est prévu en cas de pépin.
Détails gênants
Cette zone est établie à partir d’une « étude de dangers » fournie par l’industriel lui-même. L’ancienne datant de 2001, l’industriel se devait d’en faire une nouvelle... qui a été déposée en 2006 et immédiatement jugée non conforme par la DRIRE. Idem en 2007 pour une seconde version. Le représentant local de la drire se veut rassurant : « Des détails sans grande importance ». Pourtant, l’arrêté préfectoral est sévère : il enjoint l’industriel à établir « la liste des phénomènes dangereux et notamment ceux susceptibles d’avoir des effets à l’extérieur de l’établissement ». C’est à se demander comment a été calculée cette zone de dangers...
Gestion compressive du personnel
Notre syndicaliste est confiant : la sécurité du site est correcte. Il n’aime pas qu’on présente le PC-Loos comme une bombe à retardement. On le comprend : une manière de protéger le personnel. Pourtant, notre interlocuteur nous signale la suppression d’un des deux services de maintenance. Il précise : « en exagérant un peu, on multiplie les risques par deux ». Quant à la réduction du personnel et l’utilisation de la sous-traitance, elles sont effectives : l’embauche de jeunes recrues est très loin de compenser les départs en retraite.
Une autre stratégie de la direction vise à accentuer la polyvalence du personnel en le faisant travailler simultanément sur plusieurs postes, voire sur plusieurs sites. Un seul exemple : le « responsable sécurité » ne travaille qu’à mi-temps à PC-Loos. Il occupe l’autre moitié de son temps à Mazingarbe, soeur jumelle d’AZF. Nous l’avons contacté à trois reprises. Il n’a pas daigné nous répondre - trop occupé sans doute... Sous pression ?
Silence ! On informe...
La loi Bachelot fait grand cas de l’information du grand public. Quatre ans plus tard ? PC-Loos a produit une belle brochure informant les riverains que tout était sous contrôle. Ça manquait [cf.encadré]. Deux exercices d’alerte grandeur nature ont été organisés (2002 et 2006). Sauf qu’on a « oublié » d’informer la population environnante et qu’on a pris soin de mettre la sirène d’alerte en sourdine. Le maire a refusé de faire participer les écoles. Tandis que les services concernés par la mise en alerte ont été informés plusieurs jours à l’avance, le temps de constater leur incompétence. C’était « le bordel » affirme un participant.
Nous avons discuté avec les riverains : certaines personnes ne connaissent même pas le nom de l’usine. La brochure d’info ? Sur la dizaine interrogée, personne ne s’en souvient. Sur la nature des risques ? Rien. Ça pourrait être une fabrique de chocolat, ce serait pareil.
Concernant la commune de Loos, le maire semble attaché à la politique de l’autruche. Son travail se résume a évincer des débats une asso écolo (« EcolOOs ») et à retarder la mise en route de la concertation - la fameuse clic, [cf. lexique]. Le maire a ses méthodes : il préfère autoriser la construction d’habitations bourgeoises ainsi qu’une belle « maison des jeunes » en plein dans la zone risque plutôt que de jouer la concertation. L’immobilier c’est beaucoup d’argent, faut choisir ses priorités.
Questions « périphériques » ?
D’après la DRIRE, le vrai problème à PC-Loos, c’est la pollution : principalement les 11kg de mercure annuel jetés à la flotte... une substance giga-toxique qui a la fâcheuse tendance à s’accumuler dans l’organisme ; tout comme les métaux lourds, notamment le Zinc (28 tonnes rejetées en 2006). De quoi s’inquiéter sachant qu’une nappe d’eau potable est située à 3km du site. Concernant les odeurs de chlore (surtout la nuit et le week-end d’après les témoignages), le syndicaliste explique : « lorsqu’on ouvre les portes » des machines, des produits peuvent s’échappper...
Pour finir : les 500 000 m3 de déchets stockés sur le site et bourrés de métaux lourds en plus d’être légèrement radioactifs (présence d’uranium et de thorium), semblent indisposer les actionnaires du groupe Tessenderlo propriétaire de PC-Loos. On s’achemine vers un scénario classique : attendre la fermeture du site voué tôt ou tard à s’installer en Asie ou ailleurs... et laisser le soin à la collectivité de régler la note en matière de dépollution [cf. Charte cudl]. En attendant, parait que les enfants trouvent ce terrain de jeu fantastique. Paraitrait qu’un affichage précise les dangers. Nous n’avons rien vu de tel, si ce n’est une cloture trouée cachant une sorte de dépotoir de bidons rouillés aux reflets louches et multicolores.
En guise de remerciements
Le personnel du PC-Loos jugera cet article sévèrement. Pourtant le site pourrait faire figure de bon élève. Notre approche, plutôt que de dénoncer « les méchants », voudrait montrer les limites d’un système dont les logiques restent avant tout celles de l’argent et du pouvoir, dans l’indifférence générale, faute d’avoir les moyens politiques de lutter contre.