Météo sociale dégueulasse dans le Nord, comme ailleurs. Les mois de février et de mars additionnent annonces de licenciements, chômage partiel et fermeture de sites. Ce qui n’empêche pas, bien sûr, les grands groupes de faire des marges importantes.
Bénéfices et licenciements
À Calais, la compagnie de ferries Seafrance annonce mi-février la suppression de 650 emplois sur 1600. Le 18, le groupe Pinault Printemps Redoute publie un chiffre d’affaires de 20,2 milliards d’euros et un bénéfice net de 875 millions (dont 420 pour les actionnaires). On apprend aussi 40 suppressions de postes à la FNAC et 800 à Conforama. Le 3 mars, cinq à six cents manifestant-es battent le pavé roubaisien contre les « plans de relance » de La Redoute (672 postes) et des 3 Suisses (674 postes). La justice sociale attendra l’été.
Bénéfices sans partage
Le 25 février, au magasin Lapeyre d’Aubervilliers, la grève éclate pour exiger des augmentations de salaire. Dans les jours suivants, le mouvement s’étend jusqu’à Englos et sur la plateforme logistique de Lesquin. Les salarié-es réclament le partage des bénéfices, le rétablissement d’un treizième mois et de meilleures conditions de travail. Le 9 mars, les « Parisiens » obtiennent une augmentation individuelle de 1,8%, une prime de 150 euros. Dans le Nord, des salarié-es ont débrayé plusieurs fois mais n’ont toujours rien obtenu. Notez que Lapeyre fait partie du groupe St-Gobain Distribution (41 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2008).
Atteinte à la liberté du travail
À Lieu-Saint-Amand, les ouvrier-es de Valenplast (en liquidation judiciaire) apprennent la possible suppression de 66 emplois sur 232 ou la fermeture du site. La grève se déclenche le 25 février jusqu’au 9 mars, jour de la signature de l’accord : seuls 140 à 160 emplois seraient sauvegardés, les grévistes gagnent quelques garanties (prime extra-légale, le paiement intégral des jours de grève, etc.).
L’équipementier automobile Faurecia (filiale à 70% de PSA-Peugeot-Citroën ) possède plusieurs usines dans la région (Auchel, Hénin-Beaumont, Lieu St Amand, Somain). Le 5 mars, le groupe annonce la fermeture du site d’Auchel pour fin 2010. Sur 508 emplois, 179 devaient être supprimés et 329 « redéployés » sur les sites du groupe dans le Pas-de-Calais. La grève est immédiate et les portes de l’usine sont bloquées jusqu’au 24 mars. La direction joue la montre et propose 800 euros à ceux qui ré-ouvrent le site. L’intimidation se poursuit en justice quand le TGI de Béthune condamne le blocage pour "atteinte à la liberté du travail" et "abus du droit de grève". S’enchaînent tentatives d’actions avortées (blocage des voies ferrées et ouverture de péage routier) et manif’ le 17 mars dans les rues de Béthune. Le 24 mars, un « accord » est trouvé : les grévistes toucheront une avance sur intéressement de 1000 euros, puis une indemnité de préjudice de 2 000 euros, dans le cadre de la mise en œuvre du "plan de sauvegarde de l’emploi". En contrepartie, ils s’engageaient à lever le piquet de grève.
Lâcher du lest
À Annezin, le groupe Bosal a annoncé son désengagement du site. Refusant l’appel d’offre lancé par le tribunal de commerce, les grévistes occupent l’usine, bloquent la production, coupent électricité et téléphone jusqu’au lundi 23 mars. Ce jour-là, les deux multinationales Peugeot et Renault s’engagent à régler les impayés (1,5 millions d’euros). En langage dominant, on appellerait ça du chantage. Les grévistes continuent de perturber le site jusqu’au 30 mars, suite à un accord majoritairement approuvé. Les licenciements ne sont pas proscrits, en échange de 40 000 euros.
Chez Bridgestone à Béthune (1400 salarié-es), 34 intérimaires n’ont pas été renouvelés et il est prévu 46 jours de chômage partiel d’ici à la fin juin. Après la grève, les salaires augmentent de 2,5% et les ouvriers travaillant le dimanche décrochent une prime de 12,50 euros.
A Isbergues, les salarié-es d’Arcelor-Mittal se mobilisent contre le gel annoncé de leurs salaires pour 2009, alors que le groupe a fait la 2ème meilleure performance du CAC40 en 2008. L’intersyndicale exige une augmentation « d’au moins 3% de salaire pour tous ». Un plan de 43 « départs volontaires » parmi les « cols blancs » de l’usine entrait en vigueur le 11 mars, alors que la direction annonçait que les 32 contrats de professionnalisation en cours n’entraîneraient pas d’embauche. Ben voyons...
Ces quelques lignes ne suffisent pas à rendre compte de tous les fronts engagés depuis plusieurs semaines. Par exemple, les universités sont pour la plupart bloquées ou sérieusement perturbées par la fronde d’étudiant-es et professeurs. Vivement que tout ce petit monde se rencontre une bonne fois pour toute. Ce qui aurait pu se passer le 19 mars et après, alors que les centrales syndicales discutaillent à Paris pour définir le nombre de semaines à attendre avant de « remobiliser » pour une « journée test »...
Article du numéro 13 - avril 2009