La vie des salarié-es des cantines scolaires de Lille est déjà bien empoisonnée : contrats précaires, bas salaires, conditions de travail « déplorables ». Depuis plusieurs années, l’utilisation d’un produit dangereux au nettoyage des casseroles intoxique des salarié-es. La mairie a préféré fermer les yeux. La CGT nous a contactés.
Dans les cantines scolaires, ce sont désormais les mêmes personnels qui préparent la nourriture, qui font la plonge et le ménage. C’est qu’il faut être polyvalent de nos jours, pour gagner un salaire de survie. Quant aux contrats précaires (contrats aidés, intérimaires et vacataires), ils sont légion [1] ... Dans un courrier envoyé aux ressources humaines de la mairie de Lille, le 15 janvier, la CGT dresse le tableau : « Les agents de la restauration scolaire nous informent d’un redéploiement sauvage des agents intérimaires », de plus, ils « travaillent depuis le début de l’hiver dans des conditions déplorables par manque de chauffage suffisant ». Le courrier signale ensuite des manques d’effectif aux restaurants Delory, Célestine et Desroussaux, puis souligne le « délitement de leur service » et la « précarisation de leurs conditions de travail ».
Dernièrement, c’est leur santé qui est directement mise en jeu. Un produit toxique, le « Suma bac D10 » est utilisé dans toutes les cantines pour le nettoyage des fours et des plans de travail en inox. La centrale d’achat de la mairie a dû être séduite par le produit bon marché de la multinationale « Johnson Diversey », leader mondial de l’hygiène à bas prix [2]. Résultat, depuis plus d’un an, au moins dix salarié-es en ont fait les frais : des lésions cutanées avec des dermatoses infectées, soit des plaques de brûlures rouges, boutonneuses, avec des trous dans la peau, et selon les cas, au niveau des mains, des bras, du visage, de la poitrine ou des aisselles.
Deux personnes ont obtenu la reconnaissance de maladie professionnelle pour allergie chimique, et huit sont en arrêt maladie. D’autres ont sûrement été touchés, notamment parmi les précaires, qui se taisent par crainte de perdre leur boulot [3]
La mairie noie le poison
Une petite visite sur le site du fournisseur permet d’accéder très facilement à la fiche sécurité [4], dont l’affichage dans les cantines est obligatoire. Elle précise que son utilisation nécessite des lunettes ou un masque de protection, ainsi que des gants en vinyle qui remontent au-dessus de coude. Dans les cantines lilloises, rien de tout cela, uniquement des petits gants en latex...
Le 1er cas, déclaré en décembre 2007, a été reconnu en maladie professionnelle par la médecine du travail de la mairie en... mars 2008. Tous ont été signalés dans le cahier hygiène et sécurité de la mairie. Et rien. Fin janvier, la CGT a alors exercé son droit d‘alerte par courrier à Mme Aubry et à son adjoint aux ressources humaines, M. Frémeaux. Et toujours rien. Les services de la mairie ont simplement répondu que ce produit serait remplacé par un autre lors du prochain appel d’offre dans quelques mois [5]
Interpellée par Brigitte Mauroy au conseil municipal du 23 mars, Aubry, « la force tranquille », répond : « Je n’ai jamais entendu parler de ce produit... Non, ce n’est pas normal. (...) Avant de vous dire que nous allons le retirer, je vais quand même regarder ce qu’il en est, parce que je serais quand même étonnée qu’on ait pu, dans les services, être au courant du fait qu’un produit pouvait être dangereux et qu’on ait pu faire la réponse que vous dîtes ». Oh, mais prenez votre temps, la rigueur budgétaire avant tout ! En attendant, en bas de l’échelle, les salarié-es trinquent.
S.G
Dernière minute : Le produit aurait été retiré des cantines d’Hellemmes, mais pas dans les cantines de Lille, où des lunettes et des gants de protection auraient été récemment distribués...
[1] Cela vaut pour l’ensemble des services de la mairie de Lille : la CGT estime que sur 4700 salarié-es, un sur cinq est vacataire, auxquels s’ajoutent 800 à 1000 précaires.
[2] Avec 130 millions de chiffre d’affaire.
[3] Ainsi, d’après la CGT, un intérimaire a été touché aux yeux. Pour plus d’infos, un tract est en ligne sur le site de la CGT - mairie de Lille : http://home.nordnet.fr/ nhugot/index.htm.
[4] Le produit est classé dangereux et les risques mentionnés sont : « irritant pour la peau », « risque de lésions oculaires graves », « très toxique pour les organismes aquatiques ».
[5] D’après Brigitte Mauroy, élue UMP, au conseil municipal du 23/03/09.