Assez peu connue, l’autodéfense féministe est une pratique qui se révèle avant tout préventive plutôt que défensive. Le Wendo en est un exemple* et Marina**, qui le pratique depuis quelques années, nous fournit quelques explications sur cette forme de résistance féministe.
* Wen pour « women » (femmes) et Do pour « voie », ou « parcours de femmes ».
** L’interviewée a voulu garder l’anonymat.
L’apparition de l’autodéfense dite féministe remonte aux années 70. Sa particularité ? Une défense pensée par et pour des femmes, qui va bien au-delà du coup de pied dans les couilles et d’une droite, gauche, droite. En effet, s’affirmer et se protèger psychologiquement sont les bases pour qui veut se lancer dans le combat contre le patriarcat, le sexisme et autres humiliations en -isme que les femmes vivent au quotidien.
« Penser Non » et frapper Si... [1]
La non-mixité et auto-gestion féminine sont les conditions indérogeables. « La non mixité nous permet de nous confier plus facilement et de développer une plus grande solidarité entre nous » précise Marina. Et pour celles qui se demanderaient encore qu’elle peut bien être la différence avec un cours d’autodéfense classique, Marina nous répond qu’il faut « le vivre pour le comprendre, car c’est très fort en émotion. Et c’est en le pratiquant que tu comprends la différence entre un sport de combat et le Wendo ». En effet, chaque femme arrive avec sa propre histoire. Femmes battues, femmes qui n’osent pas s’imposer dans le quotidien...
Exemples ? Vous êtes chez le médecin qui vous demande d’ôter votre soutien-gorge pour une simple visite et vous n’osez pas lui dire non. Un homme vous klaxonne en voiture en disant : « comme toutes les femmes, tu sais pas conduire ! », votre conjoint vous fait remarquer amoureusement que vous ne seriez rien sans lui, car « vraiment, t’as un peu du mal à te gérer » (oui chéri, t’as raison !). Les exemples suffisent, non ? Et pourtant beaucoup de femmes éprouvent encore des difficultés pour détecter ces formes de violences quotidiennes devenues, malheureusement, tellement anodines et intégrées dès notre jeune éducation [2]. Sans oublier les multiples violences physiques...
Quant à son accessibilité, Marina précise que « toutes peuvent le pratiquer aisément car le Wendo s’appuie sur des geste de karaté simples mais efficaces », et surtout une partie importante des cours consiste à « partager les différentes expériences de violence masculine et d’élaborer des mises en situation afin de développer des stratégies de défense », renchérit Marina. Aucune condition physique particulière n’est requise, il suffit seulement d’avoir au moins quinze ans.
A ma mère, à ma voisine, à mes copines... [3]
La pratique du Wendo semble rester assez isolée, voire quasi secrète. Le « bouche à oreille » sert de communication et d’information. Après chaque stage, l’objectif est de voir se développer d’autres groupes autogérés et ainsi de suite. L’importance est de préserver cette auto-gestion féminine car trop souvent les sports de défense sont coachés par des hommes. Autrement dit, les femmes doivent encore se livrer à l’action secrète pour des raisons que l’on soupçonne bien : quolibets, discrédit...
Il y a bien des réseaux Wendo, mais quel pourcentage de femmes en connaissent l’existence ? Il semblerait surtout que, pour le moment, ce genre de rendez-vous reste restreint au cercle de militantes déjà sensibilisées au rapport de domination, ou à des femmes ayant déjà été victimes d’agressions. Par ailleurs, la France est loin de figurer parmi les pays les plus actifs en ce qui concerne les campagnes pour l’autodéfense des femmes. Chercher des cours d’autodéfense féministe décourage parfois ; fouiner sur Internet, trouver quelque blogs... S’il y a bien une chose que l’on se doit de conquérir, telles des amazones, c’est bien notre autonomie et notre protection. Alors, prêtes ?
Soula Sainture
[1] Non c’est non, Irene Zelleger, Zones. Le texte se télécharge sur Internet.
[2] Du côté des petites filles, Elena Gianini Belotti, 1973, Ed. Des femmes.
[3] À ma mère, à ma mère. À ma mère, à ma voisine, 1979, Ed. Remue ménage. Reprise d’une partie du titre de cette pièce de théâtre féministe canadien. Des femmes y reprennent même des mouvements de Wendo pour mettre en scène quelques formes des violences sexuelles