Il y a cent cinquante ans, un préfet s’étonnait que les patrons lillois fassent « fortune avec de la chair humaine ». Aujourd’hui, ce constat pourrait être étendu à toute la région, mais surtout pas par un homme comme Pierre de Saintignon.
Pour ce vicomte, indécent au point de se prétendre socialiste, « si le monde entier avait les chefs d’entreprise du NPDC, nous n’aurions jamais connu la crise », car « ils placent l’homme au cœur du processus ». C’est entendu, voyons comment ils s’engraissent.
Pendant le mois de mars, plus de 35 mouvements de grève ont été menés dans la région. Vous ne rêvez pas, on parle bien d’au moins un débrayage par jour. Les revendications ? Salaires, licenciements, conditions de travail… C’est le revers des ignobles fortunes que se bâtissent les possédants. Ceux qui n’ont qu’un mot à la bouche pour nous bourrer le mou : « c’est à cause de la crise ».
Chez Bonduelle, le travail mutile
Le 4 mars, première grève depuis trente ans sur le site d’Atos Origin à Seclin. Aux commandes du groupe, l’ancien ministre de l’Économie Thierry Breton qui, pour augmenter ses bénéfices de 10 millions en 2009 (32 millions), force le mépris en gelant les salaires. Débrayage aussi à l’usine Renault-Douai, qui sort une « Mégane cabriolet » pour nantis. En cause les 10 000 euros de primes accordés aux cadres : c’est juste vingt fois ce que l’on donne aux cols bleus.
Le 5 mars, arrêt des activités à l’usine Crown d’Outreau qui produit des boîtes métalliques pour Bonduelle. D’ailleurs, celle-ci est traînée devant la justice, le 9 mars, par un employé mutilé sur son poste. La boîte de conserve est coupable et condamnée à verser 80 000 euros. Ce jour restera dans les annales du site Arc International d’Arques, quand 1700 travailleurs manifestent leur colère contre leurs salaires de misère et la reconfiguration des plannings. Du jamais vu.
Les 11 et 12 mars, des luttes naissent dans les transports, Stibus à Maubeuge et Transpole à Lille, dans le médical, infirmières et kinés, dans les crèches et dans la collecte des ordures, activité pour laquelle six hommes sont morts en 2008, Coved à Valenciennes, Flamme Environnement à Maubeuge, Esterra à Lille, Veolia à Loos, Somain et Seclin…
Chez Mulliez, on arnaque et on vire les récalcitrants
Le 17 mars, les caleurs d’ISS Abilis (sous-traitant d’Eurotunnel) à Calais débrayent : les bénéfices augmentent mais les exploiteurs parlent de « nécessaire adaptation » pour justifier 33 licenciements. Le 18, révolte dans l’usine Arpadis à Gondecourt : les profiteurs se débarrassent de 16 salariés après avoir fermé une usine bruxelloise pour investir 3 millions d’euros en Chine. Le 22, les travailleurs de l’équipementier automobile Vistéon se soulèvent contre un plan social inhumain : dégraissage de 50%, 250 licenciements sur le site de Gondecourt et salaires au seuil de la misère… malgré un bénéfice gras de 128 millions de dollars en 2009.
Le 25 mars, à Linselles, l’annonce de la fermeture du site SCA (papetier suédois) en 2011 met le feu aux poudres : il s’agit de 280 êtres humains. Le 29, à RKW Rémy Saultain, lutte pour une hausse des salaires, ce que le chef qualifie d’« ubuesque » ; le 30, chez AFR Douai ; le 2 avril, dans les agences du Crédit Mutuel Nord présidé par l’exploiteur Philippe Vasseur, et chez SeaFrance à Calais.
Rappelons simplement, pour finir, la grève nationale des salariés de Surcouf, machine à fric de Hugues Mulliez, qui protestent le 30 mars contre le licenciement abusif de 179 d’entre eux. Virés pour avoir refusé une réduction de leurs salaires. Or le 2 avril, un millier de salariés d’Auchan attaquent leur exploiteur devant les prud’hommes : Mulliez est accusé d’arnaques aux salaires.
T.B.
Nous aurions pu aussi rappeler les luttes nombreuses dans l’Éducation nationale, chez Bridgestone Béthune fin février, à l’usine West Pharmaceutical du Nouvion-en-Thiérache (02) le 3 mars, à Faurecia Auchel le 4, à l’URSSAF Lille le 5, chez Danone Bailleul le 9, chez JSPM (filiale d’Areva) à Jeumont le 10, à Dunlop Amiens le 11, chez Cofely (filiale de GDF-Suez) à Lesquin le 16, des ambulanciers du CHR Lille le 20, chez Blédina Steenvoorde et chez Fruchart à Noeux-les-Mines le 22, des facteurs calaisiens, chez Transpole, Tadao (Béthune) et la SNCF le 23, chez Norbert Dentressangle Fretin le 25, à AFFIVAL Solesmes (sous-traitant d’Arcelor) le 26, chez CMD Cambrai le 31, dans les déchetteries de l’Artois le 2 avril, chez Meryl Fiber à Saint-Laurent-Blangy le 6, chez Maximo à Hesdin-l’Abbé le 8, au foyer Interval Lille le 12, etc.bond