S’il y a des éléments récurrents sur le boss de lille3000, c’est d’abord son image, au travers d’une véritable mise en scène médiatique de sa personnalité, qui ne laisse place qu’à une réalité toute relative... Ensuite c’est le silence qui entoure ce personnage, rendu quasiment intouchable par sa position et ses connections. Mais dès que l’on promet l’anonymat, les langues se délient, les anecdotes pleuvent.
Le véritable patron de lille3000 attache une importance toute particulière à son image, dans ses rapports de séduction au pouvoir politique, et auprès des journalistes. À propos de ces premiers, il déclare en off lors d’une interview : « J’embobine les élus avec mon air de jeune homme de bonne famille ». Un poil vantard, un brin hautain. Comme le rappelle un proche de l’association, ses liens politiques montent haut, ainsi « si Ségolène Royal était passée [à la dernière élection présidentielle] Fusillier aurait certainement été son ministre de la culture ». A l’aise donc, avec les dirigeants du PS, Aubry l’ayant personnellement reconduit après Lille 2004, mais également chez lui, dans le milieu culturel, où on ne peut rien lui refuser. Il peut s’octroyer des privilèges, et se réserver la Maison folie de Moulins pendant trois heures, pour une visite privée, sur un simple coup de fil.
Charmeur de serpents
Sa relation aux médias est toute caractéristique de son époque : Didier Fusillier, c’est le « bon client », « le » beau parleur. Alors les journalistes le lui rendent bien ; ils en sont littéralement « amoureux ». Que ce soit dans la presse régionale ou nationale, les superlatifs ne manquent pas quand il s’agit de décrire sa personnalité... ou son physique : « bel homme », « irrésistible », « curieux », « efficace », « dénicheur de talents et agitateur persuasif », « un homme de concepts », « visionnaire ». Nous arrêtons ici la liste des complaisances. En fait, aucun journaliste n’a été fichu de questionner l’entourage de Fusillier. Ou aucun ne s’y intéresse, car tout le monde y trouve son compte (cf. ci-contre). Il y a pourtant pléthore d’informations qui contrastent avec le personnage poli et charmeur qu’on nous présente ; à commencer par le mutisme effrayé qui règne dans les rangs de ses salarié-es. « Dans le milieu tout le monde ferme sa gueule », nous dira-t-on. Pour ne pas se griller, ou pour ne pas perdre son travail, de nombreuses personnes se taisent, et encaissent l’efficacité du prince.
Patron tyran en terre socialiste
Ce qui revient le plus, pour ceux et celles qui parlent, ce sont ses caprices. Un professionnel de son entourage nous rapporte : « Fusillier c’est un mec qui est destructeur pour ses collaborateurs. Il a des bonnes idées en tant que directeur. Il a très souvent raison, mais il a des désirs de diva […], ça a forcément un coût, matériel, humain. » Des attitudes qui tranchent avec le personnage qu’il aime promener devant les micros et les caméras : « Quand Fusillier veut, on doit. » Occupé à d’autres projets sur Maubeuge et Créteil, à Lille : « Il est là deux trois jours par semaine [...], il s’assoie sur une chaise, il claque des doigts, jamais il ne dit "s’il te plaît" ou "merci". S’il te dit de venir, tu dois le faire dans l’instant. Il formule sa demande et tu t’exécutes, t’es vraiment un valet. » Un vrai « fils de bonne famille »... « L’humain, il s’en fout. » Et si ça ne se passe pas comme il le souhaite, « un coup de fil à la mairie » qui fait alors tout son possible pour lui... La mairie va-t-elle jusqu’à fermer les yeux sur ses comportements de patron tyran ? On nous affirme qu’Aubry ne sait rien de ses agissements : « Elle ne voit pas l’envers du décor. Elle vit dans un monde de princesse où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Fusillier va pas lui dire qu’il fait bosser des gens comme des tarés, à profiter de stagiaires payés 300 euros par mois pour 12 heures de travail par jour. » Les professionnel-les qui l’entourent ont la vie dure (cf. p.8) : « Quand Fusillier demande, ça doit être fait dans l’instant, pour lui, rien n’est impossible. Faire et défaire, ça ne le dérange pas, pour lui ça ne change rien. » Un syndrome « typique de lille3000 » pour certains.
Miroir, mon beau miroir
Son égo l’amène parfois à mordre la main qui le nourrit, car là où Fusillier ne rigole pas, c’est à propos de sa gloire personnelle... Une personne qui a travaillé avec lui explique qu’Aubry et lui « sont un peu en conflit pour la gloriole ; c’est à celui qui va s’attirer le plus de photographes. » Il leur importe peu que leur asso’ soit un foyer de dépressifs en puissance, pourvu que photographes et petits rapporteurs soient là pour l’encenser. Fusillier, c’est aussi l’homme qui se vante de « privatiser l’espace public » à Lille, qui appelle le ministère de la Culture à connecter « les artistes et les entreprises ». Et à voir la liste des partenaires privés de lille3000, on peut dire que cet objectif est largement atteint. A coup de dépenses faramineuses, il développe son credo : faire entrer les nouvelles technologies dans l’art contemporain. S’il « sait s’entourer d’une équipe de bosseurs [...] les vrais amateurs d’art disent qu’il promeut un peu ce qui lui plaît ». Sa vision de la culture ? Le gigantisme... Ainsi, c’est à lui que l’on doit les bébés anges - démons de la rue Faidherbe. À 48 000 euros pièce, ça valait le coup. Merci Didier.