La rue Courmont à Lille doit son nom à un industriel du XIXe siècle. Propriétaire d’une usine de coton, ce capitaliste a acheté les taudis d’une rue de Moulins pour y parquer ses ouvriers, immigrés flamands pour la plupart. A l’époque, cette rue mesurait quatre mètres de large et contenait en tout et pour tout trois latrines communes et insalubres. Les bouges comportaient une pièce unique de 4 m² pour une hauteur de deux mètres, avec un grenier en supplément. A peine de quoi y loger improprement deux personnes…
Or, en 1853, les autorités sanitaires ont découvert, au n°6, douze misérables entassés dans une chambre, dont trois sont morts du typhus. Le propriétaire a alors subi quelques pressions – très amicales – pour remettre ses bâtiments en état. Mais, en bon exploiteur, il a refusé de faire la moindre réparation. Courmont a été finalement condamné en 1858 à une amende dérisoire… Pis, dix ans plus tard, la ville le dédommageait de 30 000 francs pour faire abattre une rangée de maisons. Grâce à ces deniers publics, la famille Courmont a pu construire son « château » à l’entrée de la rue.
Il y a quelques temps, l’Atelier Populaire d’Urbanisme de Moulins [1] a réalisé une série de fiches sur les lieux à visiter dans le quartier, avec l’« aide » précieuse de la mairie « socialiste ». Des lieux comme l’« hôtel néoclassique » de Courmont où est actuellement installée la mairie de quartier. Le patron nous y est montré comme un mec plutôt « génial », qui a légué à sa mort « une des quinze plus grosses richesses financières de Lille » [2]. Par contre, pas un mot sur l’exploitation impunie des misérables qui a fait la fortune de cette famille… Et ça parle de « devoir de mémoire » [3].