Avec le V’lille, Lille n’a jamais été aussi fière depuis la Libération et la victoire du LOSC. Sur tous les murs de la ville, en petites plaquettes couleur, en spots audio, la Métropole fait sa com’. Les V’Lille sont enfin là ! La mairie socialiste et ses alliés Verts se sont offerts un nouveau jouet. Le vélo on aime, le V’lille beaucoup moins.
Depuis Paris en passant par Lyon, chaque métropole qui se veut « attractive » doit avoir son vélo en libre service. C’est bien là que se trouve l’enjeu du V’Lille. À en croire son image dans la presse c’est plutôt réussi. L’idéologie de la mobilité - si chère aux décideurs politiques et économiques - et les industries du transport ne trembleront pas devant cet élan « vélorutionnaire ».
Copinage
Dés sa conception, le V’Lille sent bon la récupération politique du vélo et sa subordination aux industriels locaux. Tout est fait par la mairie pour favoriser les Mulliez. L’appel d’offres pour le V’lille se joue entre B’Twin, une marque d’Oxylane-Decathlon et Altermove, une engeance du groupe Norauto : deux entreprises de la famille roubaisienne. La gestion quant à elle est laissée à Transpole. Dehors les associatifs [1] ! Pour Eric Quiquet, le V’Lille est bien de gauche, car il n’est pas à la solde d’un publicitaire comme le V’lib parisien géré par JC Decaux. Travailler main dans la main avec des multinationales plutôt qu’avec les associatifs est symptomatique de la « gauche » lilloise.
Dépossession
Il y a deux ans on écrivait déjà sur le sujet : « la facilité de location à un euro nous enlèvera de notre autonomie. Il faudra exploiter des gens pour réparer les dégradations causées par d’autres gens. Personne ne se sentira responsable d’un vélo Transpole. » [2]. Les discours sur l’autonomie qu’offrirait le V’Lille en prennent un coup dans le guidon. Il n’y aura pas de transmission de savoir sur les réparations des vélos et leur fonctionnement. À l’inverse des initiatives de l’ADAV ou des ateliers vélos [3]. Désormais, entre un cycliste et son vélo, il y a une carte bleue, une carte RFID, une borne automatique et deux multinationales. Le vélo, c’est la liberté...
Aménagement et ségrégation
Malgré les « aménagements » cyclables - encore trop limités - la cohabitation entre bagnoles, bus et vélos ne peut être que dangereuse. Mais n’ayez crainte ! Aubry nous promet plus de répression pour les vélos : « La maire de Lille que je suis sera sévère envers les vélos qui montent sur les trottoirs ou prennent les sens interdits ». Pour le moment certains arceaux à vélos ont été supprimés pour faire place au V’lille. L’implantation des bornes en dit long sur le public visé. Elles sont vingt-deux dans le centre ville allant jusqu’à une concentration d’une tous les trois cents mètres. Elles sont en revanche presque absentes dans les quartiers populaires comme Lille sud où il n’y en a que trois. Elle sont néanmoins traduites en anglais. Les touristes apprécieront.
Écologie en trompe l’oeil
L’argument écologique pour la promotion du V’Lille ne tient pas bien longtemps. Les pièces du vélo sont produites en Chine et amenées sur Lille pour être assemblées. Nombre de ces pièces sont non recyclables comme les systèmes électroniques. La gestion et l’entretien des V’Lille n’aura rien d’écologique non plus. Les stations manquant de vélos seront réapprovisionnées par camion et ceux détériorés ou en panne seront transportés par le même moyen au B’Twin village pour l’entretien.
À Paris, le V’Lib a surtout capté des cyclistes habitué-es et des usager-es des transports en commun. Même si le le trafic cycliste a augmenté de 94% entre 2001 et 2007 dans la capitale, il ne représente que 2 à 3 % du trafic. De fait dans la logique de production actuelle, le vélo ne deviendra jamais un moyen de transport de masse tant que les gens doivent faire des dizaines de bornes pour se rendre sur leur lieu de travail.