Pour l’OMS, une personne sur cinq sera victime de viol au cours de sa vie. Il est difficile de chiffrer des violences sexistes. Prendre en compte les données de la police n’est pas satisfaisant : la plupart des viols n’aboutissent pas à des plaintes. Tentative de clarification.
En 2000 l’enquête nationale contre les violences faites aux femmes en France (ENFEVV) essaye de palier cette lacune. 6970 femmes sont interrogées par téléphone avec un questionnaire « conçu pour faire émerger progressivement les situations de violence et favoriser la remémoration d’événements parfois très anciens. La violence n’était jamais nommée » [1]. Les chiffres recueillis sont ensuite rapportés au nombre de femmes en France. Selon cette enquête il y aurait entre 50 000 et 75 000 viols par an sur des femmes majeures (soit entre 137 et 205 par jour), et seuls 5 % déboucheraient sur des plaintes. Par ailleurs 11 % des femmes ont déclaré avoir subi au moins une agression à caractère sexuel au cours de leur vie (attouchement, tentative de rapport sexuel forcé, rapport contraint). Il y a aussi des statistiques fournies par la permanence téléphonique nationale Viols Femmes Informations qui permettent de lever les préjugés habituels que l’on peut avoir sur le viol. Selon ces statistiques : 74 % des viols sont commis par une personne connue de la victime ; 25 % des viols sont commis par un membre de la famille ; 49 % des viols sont commis sans aucune violence physique ; 67 % des viols ont lieu au domicile (de la victime ou de l’agresseur).
Récemment une autre enquête a dépouillé 425 affaires jugées en Cour d’assises [2] : près de la moitié des viols jugés sont commis à l’intérieur de la famille (alors que 5% seulement sont des viols conjugaux, ce qui s’explique par la difficulté à porter plainte dans ce cas de figure) et « 90 % des auteurs de viols jugés sont issus des milieux populaires. En d’autres termes, les viols demeurent surtout dissimulés dans les classes sociales les plus favorisées. » Les initiatives sont louables. Connaître la réalité du viol – au-delà des fantasmes et mises en scènes médiatiques – pour comprendre ce qui se joue et agir dessus. Face au déni, « l’objectivité » des chiffres est parlante. Mais le terrain est glissant. Des chiffres sortis de leur contexte ne garantissent rien de l’utilisation qui va en être faite. Par exemple dire qu’en Cour d’assises 90% des violeurs viennent des milieux populaires montre que les mécanismes d’occultation sont plus forts chez les riches. Sauf que ça pourrait aussi laisser entendre qu’être pauvre prédispose à être violeur...