Paroles de détenus, non retouchées.
« Je trouve que personnellement, ces établissements sont des pompes à fric. Ils font de l’argent sur les détenus et il faut remplir ces endroits pour renflouer les poches des gens qui les construisent mais on ne pense jamais aux gens que l’on enferme à l’intérieur de ces bâtiments, on y fabrique pour ma part des monstres et il y a de plus en plus de récidivistes qui en sortent. [...] Il y a vraiment un gros problème et l’on ferme les yeux là-dessus. Mais que veut la justice : que l’on se réinsert ou que l’on devienne pire qu’avant ? Je me le demande... » Annoeullin, octobre 2012.
« Concernant la sphère du travail pénal, elle relève de l’arbitraire de l’administration pénitentiaire. Pour y accéder, il faut faire partie de la catégorie des bons détenus. Ce qui t’explique pourquoi j’en suis écarté. Il faut aussi accepter une certaine dépersonnalisation, j’entends par là de porter une blouse ou un uniforme de couleur frisant bien souvent le grotesque. Tant et si bien que la prison est irisée dès le matin de toutes les nuances du prisme de l’exploitation. »
« Les cantines n’en parlons même pas : des prix exorbitants avec des salaires de misère. La société X en profite et elle nous taxe de 10% sur tout, une honte pour des nouveaux centres pénitentiaires, de toute façon, je vous fais parvenir les prix, à vous de juger. » Annoeullin, octobre 2012.
« L’immixtion du privé est croissante et d’autant plus dérangeante que le partenaire s’approprie une parcelle d’existence du comparant alors que cela ne fait pas partie de ses attributions. Peu à peu, le détenu se voit phagocyté par la gestion en place, il en devient la co-propriété bien malgré lui. Il fera là également l’objet de comptes-rendus approximatifs, captieux, basés sur on ne sait quels critères mais qui n’en resteront pas moins valides sur la durée du parcours personnel ! Aucune instance de jugement n’est pour l’instant sponsorisée mais l’empiètement est bien réel. » Annoeullin octobre 2012.
« Cet endroit repose sur le concept de punition industrielle, régit par un partenariat malsain, aux frontières obscures, d’où découle une gestion perverse des matériels humains. Le détenu est pensé entant que rentabilité immédiate, élément d’un stock éternellement recomposé, exploité tel une matière première. En pénétrant ce lieu, plus que dans toute autre prison, vous ne vous appartenez plus, pris en charge dans un laboratoire d’expérimentation carcéral dans lequel différents intervenants privés et administratifs se chargeront de vous disséquer progressivement jusqu’à vous lobotomiser s’ils parviennent. » Lettre reçue au journal, novembre 2012.
« Il y a ici des détenus qui ont renoncé à tout, n’effectuant aucun déplacement, ne se rendant dans aucune pseudo activité, patientant un transfert ou au mieux une libération, ce qui résume leur quotidien à 9 m2 avec le courrier, le parloir, voire la télé pour toute embellie. » Annoeullin, août 2012.
« Des surveillants, pour certains, essayent de nous amener à la faute, en nous précisant qu’il y a de la place au mitard. Je ne suis pas une personne qui est réfractaire à la détention, mais vraiment, il y en a, ils mettent les détenus à bout, mais je ne comprends toujours pas leur comportement. Je veux essayer de me battre pour mes droits car je reste avant tout un humain, du moins je le pense car je ne sais plus quoi penser avec ces gens-là. » Annoeullin, septembre 2012.
« De tels établissements sont des usines de crimes, des fabriques de la récidive au regard de ce qu’elles instillent en chacun. Il n’est pas plusieurs options à ce stade. Ou l’on en ressort brisé, ou bien pétri de haine. Sachant que cette option est socialement dangereuse dès lors que l’intéressé régurgitera sur l’extérieur ce qu’il a enduré intra-muros, du fait qu’il ne saura relativiser ce qui doit l’être par un travail opportun sur lui-même. Mais, à vrai dire, n’est-ce là le dessein inavoué de certain(e)s lorsque l’on constate le nombre de sorties sèches ? » Annoeullin, octobre 2012.
« J’aimerais parler de cette merde que le système carcéral vous inflige pour ne pas être auprès des vôtres. Cela fait près de cinq années que je suis écroué dans divers endroits du Nord de la France car les administrations fonctionnent par ce qu’on appelle communément des directions inter régionales et celle dont je fais partie pour le moment est la direction inter régionale de Lille. Ma famille habite sur la région parisienne, il m’est quasiment impossible d’accéder à la direction inter régionale de Paris. Sauf dans le cas où vous auriez un ami ou proche travaillant au ministère de la justice pour pousser votre dossier ce qui n’est vraisemblablement pas mon cas. Faut le reconnaitre ! »