Suite au refus de notre projet de réforme de la langue francophone envoyé à l’académie française, nous lançons notre brique dans cette grande marre patriarcale. La place des femmes dans le langage est un sujet qui nous tient à coeur. Ainsi, La Brique s’est posé un certain nombre de questions tant sur le fond que sur la forme des textes. Le collectif de rédaction de La Brique est conscient que le langage – particulièrement dans les médias - est l’un des véhicules du pouvoir et qu’on ne peut continuer à prétendre que le masculin, genre supposé neutre, rend aussi bien compte des femmes que des hommes.
Ainsi, comment doit-on rendre visible à l’écrit les femmes au sein d’un groupe humain composé des deux sexes, donc mixte ? Comment parvenir à ne pas donner plus de pouvoir à un genre, à un sexe ? Comment tenter de ne pas reproduire dans La Brique la hiérarchisation entre les femmes et les hommes ? Pouvons-nous jouer avec la langue française ? Qui sommes-nous pour le faire ? Au nom de quoi se l’interdirait-on ? Un mot est une « histoire, une découverte, une transformation, une identité, un combat, une victoire, une défaite.... Certains mots expriment le pouvoir d’exclure, et d’autres la volonté d’inclure. » (1) Les mots construisent et reflètent la culture et le vécu de toutes les sociétés. Certaines personnes pensent que la langue est fixée dans les dictionnaires et les grammaires. Or elle n’est pas statique, elle n’est qu’une convention, un ensemble de règles qui peuvent évoluer. Elle marque de nouvelles réalités, des changements sociaux et politiques ; elle reflète des changements ayant trait à la représentation de soi et à l’identité sociale. Chaque année, les dictionnaires ajoutent de nouveaux mots, reflètant ainsi de nouvelles évolutions sociales, des changements de moeurs. La langue joue un rôle important dans la construction de l’identité sociale des individues, individus. Le sexisme dont est empreint le langage en usage fait prévaloir le masculin sur le féminin. Il constitue une entrave à l’égalité entre les femmes et les hommes. Cette reconnaissance de l’égalité des sexes passe par l’utilisation d’une expression qui la prend en compte. C’est un bien beau discours, mais concrètement, que faisons nous ? Avant même de travailler sur le contenu de La Brique, il a fallu de longues heures de discussions et de prises de tête, pour tenter de trouver un juste milieu là où il n’y en a peut être pas.Retour ligne automatique Nous avons choisi de nous constituer en association avec un fonctionnement horizontal, excluant toute forme de hiérarchie statutaire (2). Cependant, dans la réalité et la vie du chantier de La Brique, nous ne pouvons nous prétendre totalement libres de tout rapport de domination (sociale, culturelle, raciale, de sexe...) Représenter les femmes autant que les hommes est un positionnement politique. La Brique tentera de donner toute sa place au genre féminin en recherchant des mots, des solutions « génériques » qui mettent en valeur les deux sexes. Même si, par ce choix, nous n’allons pas contre la règle grammaticale voulant que le masculin l’emporte sur le féminin, nous l’assumons complètement. Quand il s’agira de désigner des groupes de personnes, à priori, composés de femmes et d’hommes, nous adopterons à titre exeptionnel une féminisation comme nous pouvons le rencontrer dans certains écrits, c’est à dire d’ajouter aux accords des : -e-s, éEs, é(e)s. Voici quelques exemples de solutions pour féminiser un texte : Retour ligne automatique “Les habitantEs des quartiers populaires de Lille se sont vuEs expropriéEs « en douceur » à la périphérie de la métropole.Les habitant-e-s serait heureux-euses de participer réellement au projet urbain de leur ville. Les gen(te)s qui nous gouvernent, élu(e)s, patron(ne)s sont de plus en plus gourmand(e)s de profits.” Mais nous préférons doubler les mots désignant des groupes de personnes. Par exemple : « les habitantes et habitants ». Ce choix est guidé par un souci d’accessibilité et de confort de lecture. Si dans un texte il n’y a pas de prise en compte des femmes, l’auteur du texte devra l’argumenter. Mais il est clair que nous ne modifierons en rien les propos ou citations de personnes interviewées. Enfin, la place du féminisme et des luttes de libération des femmes doivent également ressortir dans nos choix et sujets d’articles : nous ne pouvons et ne devons pas nous limiter à une « pseudo-éthique-féministe et proféministe » de facade. Le collectif de rédaction, d’après des lectures d’articles, d’essais, de conférences ainsi que des discussions, débats... 1. Article : « Le sexisme à fleur de mots », de la revue Manière de voir n°44 Mars avril 1999 Femmes, le mauvais genre ?Retour ligne automatique 2. Cf feuille de lancement.