Nano Brother. La carte RFID dans les transports de la métropole lilloise

Au nom de la lutte contre les dérèglements climatiques, c’est une véritable révolution sécuritaire qu’Eric Quiquet a fait voter au Conseil Communautaire du 17 avril 2009. On le savait fan de la vidéo-surveillance, désormais il se surpasse et prépare la ville totalitaire. Nous porterons bientôt des cartes munies de puces RFID pour nous faciliter la vie. On ne lui avait rien demandé.

« Radio Frequency Identification en anglais. La traduction sur quelques millimètres carrés d’un désir de tout suivre, pister, détecter, contrôler, surveiller électroniquement » selon le collectif grenoblois Pièces et Main d’Oeuvre (PMO). Il s’agit de puces qui emmagasinent un tas d’informations sur nous et communiquent par fréquence radio avec des récepteurs. Voilà ce qui nous attend.

Du berceau au tombeau en passant par le métro

Dans sa délibération sur la mobilité, Eric Quiquet inscrit l’utilisation de la billétique sans contact. Laissons-le baver sa rhétorique politicarde : « La billétique fera entrer notre réseau de transports collectifs dans le 21ème siècle. Utiliser le même titre de transport pour prendre le TER, le bus, le métro, emprunter un vélo ou une voiture en libre accès ou encore payer son stationnement à l’horodateur signifie changer les termes et les conditions mêmes de la mobilité ». Nous faciliter la ville vaut bien un délateur potentiel.

Ensuite, E. Quiquet persiste dans le cynisme : «  Précisons que cette carte aura la possibilité d’héberger des services municipaux comme la cantine, les bibliothèques, l’accès à la piscine. Bien plus qu ’une carte de mobilité, c’est un véritable passeport pour la vie quotidienne que les métropolitains pourront utiliser dès la fin 2011. Les téléphones portables pourront aussi être les supports de cette révolution technologique ». Ce n’est pas une mauvaise blague ou un excellent roman d’anticipation. Une seule et même carte comportera toutes les infos sur notre vie publique et privée. Il deviendra possible de savoir à quelle heure et où nous nous sommes déplacé-es, ce que nous avons mangé, le livre que nous avons lu, voire avec qui nous avons eu une conversation téléphonique.

D’après les membres de PMO, aucune ville française n’est allée aussi loin dans le traçage de ses administré-es. Pour eux, ce n’est pas étonnant que ce « technototalitarisme » soit porté par un élu Vert. À Grenoble, ville PS-Verts, les écolos ne sont pas plus garants des libertés individuelles que les industriels. Comme le disent Riesel et Semprun dans Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, l’eco-totalitarisme dispose de cet argument qu’il oeuvre à notre survie. Quiquet nous prépare « la ville de l’après-pétrole ». La vidéosurveillance et les cartes RFID rendent le métro « attractif » face au tout-bagnole.

Tout est sous contrôle

Les RFID sont une technologie militaire. Pendant la seconde guerre mondiale, les avions en portaient pour reconnaître les ennemis. Avec la miniaturisation, les industriels et les collectivités se prennent à délirer sur la traçabilité et le contrôle total : les arbres de Paris sont pucés, les animaux domestiques, les patrons mexicains, des enfants, des malades, des cadres étatsuniens sont eux aussi pucés. À la pointe se trouve la grande distrib’ : « Si vous achetez à Carrefour un chili con carne en boîte, dont la viande est née en Allemagne, a grandi en Hollande nourrie par des rations importées d’Amérique Latine, et dont les haricots ont poussé en Italie pour être préparés en Espagne, le tout assaisonné de conservateurs en Belgique, comment retrouver l’origine du germe infectieux ? Grâce à la puce. Ainsi mangeons-nous de la daube authentifiée » ironise PMO dans sa brochure.

En ce qui concerne le cheptel humain, sa traçabilité commence dans le métro. À Paris avec le pass Navigo, plus besoin de ticket à composter, les voyageurs sont détectés automatiquement. À Grenoble, c’est l’Avan’Tag qui piste les client-es du tram. Potentiellement, tous nos trajets peuvent être reconstitués. À Paris pour voyager incognito, il faut payer 5 € par an. L’anonymat et la liberté, ça se paye.

LMCU aime les nanos

À Pont de Bois, le pôle « d’excellence » spécialisé dans les Technologies de l’Information et de la Communicatin hébergera de joyeux animateurs de la société totale. Outre l’arrivée de Microsoft, les élu-es de la Communauté urbaine applaudissent de leurs deux neurones le travail de la société Digiport. Chargée d’animer Euratechnologies, elle accompagne la société EURARFID. LMCU met 1,4 millions d’euros de nos impôts sur la table. Et la Région, 782 000.

Le Pôle des Industries du COMmerce (PICOM) développe des projets de « recherche » comme des études comportementales des client-es de supermarchés à partir de la video-surveillance. Ou sur des « étiquettes intelligentes » qui prendront le boulot des caissières pour ne laisser que des vigiles. PICOM est dirigé par Arnaud Mulliez, président d’Auchan [1], Philippe Rollet, président de Lille 1, Bernard Toursel, vice-président de Lille 1, et Nicolas Roucou, directeur industriel de Decathlon-Mulliez. En tout, l’Etat, la Région et LMCU ont mis 340 000 € en 2008. Une grande sauterie patronale, institutionnelle et universitaire que PMO appelle «  Le triptyque classique du pouvoir ».

Le 13 février 2009, LMCU a lancé un appel d’offre pour faire courir la fibre optique sur le réseau de métro et de tram. Ce nouveau câblage gèrera les infos récoltées par les cartes RFID des voyageurs. LMCU met 5,1 millions d’euros. La délibération précise que « cette fibre optique ne bénéficie pas de redondance géographique et, en cas de coupure de celle-ci, l’ensemble du réseau serait inutilisable ». Espérons que ça n’offre pas de mauvaises intentions de bloquer les flux...

Notes

[1Arnaud Mulliez inaugurera l’International Contactless Technologies Forum. À Marseille les 16 et 17 juin prochains, c’est un grand salon des RFID. Il s’était tenu à Lille Grand Palais en 2008.
Sur l’éco-totalitarisme : « Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable » de René Riesel et Jaime Semprun, éd. L’Encyclopédie des Nuisances, 2008.

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