Brèves industrielles

Tropicalia, un projet Berck Berck !

Dans le genre projet inutile, la serre gigantesque de Tropicalia se pose là. À deux pas de la station balnéaire et hospitalière de Berck sur la Côte d’Opale dans le Pas-de-Calais, le projet de la plus grande serre tropicale du monde est prévu sur les communes de Rang-du-Fliers et de Verton pour 2022 dans une zone humide protégée. L’objectif du projet lancé par un ancien vétérinaire, Cédric Guérin (qu'on connait un peu), est d’exposer au sein de la serre de nombreux végétaux et animaux exotiques dans 20.000 mètres carrés avec une température maintenue entre 26 et 28 degrés.

Au delà du coût énergétique et de l’aberration écologique induites par l’exportation de nombreuses espèces non autochtones du Nord-Pas-de-Calais, c’est aussi l’artificialisation des zones humides sur le littoral qui est vivement critiquée. La pollution est très présente sur les littoraux notamment à Calais, Dunkerque et Boulogne en raison du tourisme de masse, du transport routier, de l’agriculture intensive et des industries. Rajouter une serre attirant jusqu’à 500.000 visiteur.rices annuel.les paraît ainsi complètement inapproprié au vu de cette situation. Avec cette serre à 73 millions d’euros, C. Guérin prévoit la création d’une cinquantaine d’emplois, maigre bilan. Le projet est financé par un consortium d’acteurs privés, de banques, d’entreprises et aussi par les deniers publics : 2 millions d’euros par la région Hauts-de-France (Xavier Bertrand est décidément un héraut écologiste) et 10 millions par la Commission Européenne... Le projet a été validé grâce à un permis de construire en 2019, sans enquête publique... Quant au risque écologique d’une fuite d’animaux non autochtones, l’ex-vétérinaire répond que les animaux seront stérilisés et que les ailes des oiseaux taillés pour éviter qu’ils s’enfuient. Un vrai ami des animaux, à la sauce Hunger Games.

Pour s’opposer à ce gâchis environnemental, après plusieurs recours, un collectif d’associations locales et d’habitant.es, « Non à Tropicalia », appelle à un rassemblement sur le site le 20 décembre. Certain.es commentateur.rices commencent déjà à se demander s’il y aura une ZAD dans le Pas-de-Calais, le maire de Berck - de droite - soutenant le projet n’hésitant pas à traiter les opposant.es de « groupuscule jusqu’auboutiste ». En tout cas, une ZAD, à une quinzaine de kilomètres du Touquet, de ses bourges et de la maison de Macron, ça serait quand même drôle.

 

► Lire aussi : « Tropicalia, le plus grand zoo sous cloche du monde », La Brique n°64 « Avec les siens », printver 2021.

 

Les valeurs de la République

Les valeurs peuvent être des faits sociaux. Ainsi il y a des enquêtes sur les valeurs : on interroge les gens pour connaître les goûts majoritaires, les usages en vigueur. Mais les valeurs de la république ne sont pas des faits. Ce sont des principes : ce sont les idéaux à partir desquels on juge les faits. Ces valeurs-là ne sont jamais incarnées dans des actes. Le piège rhétorique du gouvernement, c’est de nous le faire croire. C’est de jouer sur cette confusion : de nous dire que la liberté, c’est Charlie ; que l'universel, c'est l'état actuel du nationalisme raciste. Par suite, quand on critique, avec raison, l’impérialisme et l’hypocrisie de l’universalisme républicain, attention à ne pas jeter le bébé des idéaux avec l’eau des valeurs.

 

 

Grands Moulins de Paris

À Marquette-lez-Lille, impossible de manquer la friche des Grands Moulins de Paris, un vieux bâtiment industriel construit en 1921 dans un style néo-flamand, à l’arrêt depuis 1989. Depuis quelques années, un énorme projet de la MEL s’active sur les lieux. Au programme, trois chantiers : rénovation du bâtiment principal pour faire une 142 appartGrandMoulin 1 1ements type lofts (géré par Rabot-Dutilleuil), création d’une Brooklyn Tower en bord de Deûle, une tour de béton ultra moderne qui abritera de nombreux et vastes logements (Sigla), et la construction de 6 bâtiments pour 314 logements, dont 95 sociaux, et deux magasins (Lys Habitat).

Pendant l'été 2020, un ouvrier est décédé sur le chantier des Grands-Moulins de Paris (Rabot-Dutilleul). L’homme de 30 ans a été écrasé par une plaque de béton qui était déplacée par une grue. Pendant les jours suivants, le chantier est interrompu. Sur place, pas facile de recueillir des témoignages. La plupart des personnes présentes ne se dit pas concernée (« Moi je suis de CGC sur la Brooklyn Tower, rien à voir avec les Grands Moulins »). Des ouvriers parlent tout de même : l’homme qui conduisait la grue avait 25 ans d’expérience à ce poste. Sur ce chantier, le recours à l’intérim avoisine les 80% (notamment via la boîte Sovitrat) et les embauches sont rares. Un grutier s’exprime : « Les heures de boulot ? Grutier est le pire. On peut faire 11 heures de boulot d’affilée, en arrivant sur le chantier à 6h. » Selon lui, sur ce chantier, comme ailleurs, règnent des cadences excessives, où les protocoles de sécurité (par exemple, pour un grutier, de ne jamais déplacer des objets à moins de 2 mètres du sol) sont mis à mal par les demandes d'aller toujours aller plus vite. C'est peut-être ça qui a créé l'accident. Pour le profit du BTP, des ouvriers meurent en silence. Soutien à eux et à leurs proches.

Le hasard fait que Rabot-Dutilleul a subi une cyber-attaque la même semaine que le drame : on leur demande 8 millions d'euros de rançon. De plus, l'entreprise nordiste est en train de céder sa filiale immobilière Nacarat alors qu'elle représentait en 2018 plus de 40% de son chiffre d'affaires... Y aurait-il une justice en ce bas monde ?

 

GrandMoulin 1 2

 

Incendie sur la friche Saint Sauveur

Sur la friche Saint-Sauveur, cachés derrière le mur en brique qui longe la rue de Cambrai, vivent des dizaines de personnes : des demandeurs d'asiles, des SDF, adultes comme adolescents. La nuit du mercredi 9 décembre, le feu a ravagé plusieurs baraquements de fortune. Des associations (Exode, Utopia...) et des soutiens filent des coups de main pour remettre en état et surtout exigent l'hébergement d'urgence des personnes présentes là-bas. Malgré les conditions indignes, l'insalubrité et le froid dans lesquels survivent ces personnes, parions que la ville et la préfecture ne sauront que leur envoyer les flics pour seul et unique réconfort.

La solidarité ne viendra pas d'en haut, alors café ou thé chauds, nourriture, duvets, tentes, bâches, fringues plus que jamais nécessaires.

► Lire aussi : « Luttes et galères des exilé.es sur la Friche », La Brique n°64 « Avec les siens », printver 2021.

 

 

 

L'US Café de Steenwerck

Derrière ce nom qui sent le far-west se cache un bar éphémère installé sur un terrain au bord de l’A25. Des sièges et tables en palettes, un bar plein-air, des toilettes sèches : à mi-chemin entre le tiers-lieux et la ZAD, l’US Café apparaît depuis 2 ans pendant la période estivale grâce à un petit groupe de jeunes bénévoles, une bande de potes qui viennent du coin et qui se retrouvent ici l’été. Soirées à thème, concerts, et vente de bières, boissons, et sandwichs à prix libre. Rentable ? Une bénévole nous répond : « L’année passée, on s’était dit que ça avait bien marché. Cette année ça a encore mieux marché. Le prix libre fonctionne. » Au départ, les habitant.es du coin étaient « en panique » lorsqu’il fallait sortir « librement » son argent. Au final, ils s’habituent. Promouvoir la culture et les produits locaux ainsi que la solidarité et l’économie alternative est dans les clous de l’US Café depuis sa naissance : « en abordant de front la question des réfugié.es ou les problématiques écolos dans un tel village, on touche aussi des steenwerckois qui ne sont pas habitués de tels lieux ». Et un autre d’ajouter : « On plante des petites graines grâce à l’éthique du lieu, tout en étant très radical sur certains points. »

L'US Café, Steenwerck (59)

Ce fonctionnement utopiste repose quand même sur du bénévolat. Personne n’est payé dans cette aventure. Le lieu n’ayant pas de modèle économique normal, les artistes sont payé.es plutôt en don qu’en cachet. Cette année, le lieu a eu tellement de propositions (étant ouvert tous les soirs pendant l’été) qu’il a dû en refuser. « Quand les habitant.es ont demandé d’utiliser le lieu pour faire une assemblée contre l’agrandissement de la ferme-usine de poulets, on venait de terminer la saison, c’était très naturel de le prêter. »

Mais alors, pourquoi ce nom très mainstream ? L’Union sportive (US) Canettes est une équipe initialement créée pour un tournoi de foot du village. Quelques années plus tard, ça devient une association qui organise des cours gratuits, des ciné-débats, et des tournois de futsal. Puis ce bar alternatif a pris un nom qui y fait référence. Rien à voir avec les États-Unis, donc.

 

Pour l'été 2021, l'US Café ouvre le samedi 3 juillet à partir de 17h, puis de chaque vendredi au dimanche, au bout de la rue de l'impasse Notre-Dame des Victoires à Steenwerck. Aussi, il s'invitera à la Médiathèque de La Croix-du-Bac tous les mercredis, de 15h à 21h. La programmation est à retrouver sur leur site uscanettes.com.

Lire aussi : notre article sur la ferme-usine de poulets de batterie située à quelques km de l'US Café (à vol d'oiseau...).

Le bruit et l'odeur de l'industrie

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L'été 2020 avec La Brique, on a fait un tour de la région pour observer ceux qu’on assimilait au monde d’avant : les ouvrier.es ! On ne finit pas de les enterrer et pourtant ils existent. Baladez-vous le long de L’Aa, la Lys, la Deûle, la Scarpe, l’Escaut (dans cet ordre-là), pour faire un grand tour de l’industrie du Nord. Vous croiserez peut-être, dans l’ordre, Lesieur, Astra Zeneca, Arcelor Mittal, la brasserie Goudale, la Cartonnerie de Gondardenne, Clarebout, Lesaffre, Thalès, Cargill, Bridgestone, PSA, Amazon, Nestlé, GSK, Ascoval, Toyota, encore PSA, SKF, Tereos, Stoelzle, Royal Canin… autant d’entreprises implantées très stratégiquement en bord de rivière, car l’eau est une denrée précieuse pour l’industrie.

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Cargill : fleuron de l'industrie française ?

Chronique de grèveCargill, premier producteur agro-alimentaire mondial a une usine d’amidon à Haubourdin. Pour rappel, en automne 2019, la direction annonce une importante vague de licenciement (ou Plan de sauvegarde de l’emploi, PSE), au moins 180 emplois sur 330 sont concernés. Dès janvier, les ouvrier.es se mettent en grève dans un rapport de force très tendu, qui joue la stratégie du pourrissement face à une CGT plus que déter’ (blocages, piquets de grèves, interruptions de la production...)* ! Juste avant le confinement, les Cargill se rendent à de nombreuses reprises au Tribunal de Grande Instance de Lille pour invalider le PSE. Ils et elles sont assisté.es de Me Fiodor Rilov, connu pour avoir défendu les Goodyear pendant 13 ans (qui viennent de gagner, après une longue lutte), mais aussi les Samsonites, les Continental... Les audiences sont reportées à plusieurs reprises, mais la fin des négociations du PSE aussi.

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En brèves

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    « Salut les copains-pines de la Brique. Encore un livre ! Et oué, entre deux journées d'usine je m'emmerde. J'espère que cet envoi gracieux me vaudra une putain de pub ! Je sais, je suis un crevard. -Éric- » C'est donc par ces mots de crevard qu'Éric Louis nous a gentiment dédicacé son nouveau livre...

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