Bonnet d'Âne pour La Voix du Mors

Voix du Mors dessinAlors que la mairie de Lille et la préfecture ont formé un recours devant le Conseil d'Etat, vexées d'avoir été condamnées àinstaller des toilettes et un accès à l'eau dans le squat le « 5 étoiles » par le Tribunal administratif en novembre dernier, la Voix du Nord, fidèle à sa vocation, assure le service de presse de la Préfecture et de la mairie en relayant les dires de leursavocats, sans aucune vérification. Retour sur un mensonge organisé et les réponses qui lui ont fait suite.

 

Amalgame sur l’âge et l’origine des personnes présentes dans le squat ; stigmatisation de « l’étranger » qui viendrait profiter des aides sociales ; choix des personnes de vivre dans le squat plutôt qu’à la rue ; confusion sur le nombre de personnes… Dans l’article de la VDN1 daté du 11 janvier, les exemples de contre-informations sont nombreux. Ce papier est signé par l’Agence locale de presse (ALP), organisme parisien qui fournit des articles « clés en main » pour la presse quotidienne régionale.

Ce que la VdN n’a pas cherché à savoir

La Voix du Nord s’est donc contentée derelayer les mensonges de l’ALP. Ce que les journalistes de la VdN n’ont pas cherché à savoir est pourtant accessible en allant au squat discuter avec les personnes présentes sur place ou à la lecture du communiqué n°59 du Collectif des Olieux2. Ainsi, depuis novembre 2017, le « 5 étoiles » accueille de nombreux.ses mineur.es non accompagné.es, des exilé.es en demande d’asile venant de différentes régions du monde et des personnes sans logement qui vivent à la rue. Sur place, on prend vite conscience de la diversité des personnes présentes. Contrairement à ce que prétend la VdN, de nombreux habitant.es vivent au « 5 étoiles » depuis des mois. Il n’y a pas un « turn over incessant » mais une situation qui s’installe dans la durée et qui empire à cause de la surpopulation due a l’envoi permanent de nouvelles personnes par les pouvoirs publics qui n’assument pas leurs responsabilités.

 Depuis des mois, le département et l’État, via la préfecture et EMA (Evaluation et mise à l’abri) orientent les personnes, dont de nombreux.ses mineur.es, au « 5 étoiles », ce qui est parfaitement illégal. EMA, censée héberger les jeunes pendant l’évaluation, ne respecte presque jamais son obligation. Il en va de même pour les demandeur.ses d’asile qui devraient se voir proposer un hébergement lors de leur passage devant l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ce qui n’est presque jamais le cas. Si ce squat existe aujourd’hui, c’est à cause de l’État, du département et de la mairie qui ne proposent pas de solution d’hébergement et multiplient les expulsions depuis des années3.

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Incompétence volontaire

Contrairement à l’unité affichée en salle d’audience, l’État et la mairie ne se sont pas unis pour contester la décision du juge. Ils s’attaquent mutuellement et se renvoient la balle pour ne pas assumer leurs responsabilités et traiter dignement les personnes exilé.es. Concrètement, ils et elles se battent pour retirer un accès à l’eau et aux sanitaires, qui par ailleurs ne sont jamais vidés, ni entretenus. Dès qu’elle en a l’occasion, la mairie clame son incompétence en matière d’hébergement et plus généralement sur tout ce qui touche à l’accueil des exilé.es. En revanche, face caméra, la ville de Lille se targue de son hospitalité, comme lors du grand barnum médiatique autour de l’accueil des éxilé.es de l’Aquarius4. Une mairie qui ne cesse de mettre en avant par la voix de son avocate que « nous avions là affaire à l’occupation irrégulière d’un bâtiment privé ». Faut-il rappeler que l’occupation illégale d’un bâtiment ne fait pas de ses occupant.es des illégaux ? D’ailleurs, au mois de mai dernier, le Tribunal administratif interdisait l’expulsion de ce bâtiment pour une durée de six mois tant que des solutions n’étaient pas trouvées. Ces dernières ne risquent pas d’arriver puisque la représentante de l’État a encore affirmé à la barre que « dans le cas présent, l’État a rempli [ses obligations]  […] et qu’ils ne peuvent pas exiger de l’État d’autres obligations ».

Question de principe !

Le pire mensonge de cet article concerne certainement « l’aide spéciale d’environ 700 euros par mois justement pour pouvoir se loger » que toucherait « chaque demandeur.ses [d’asile] présent.es dans le squat ». On se dit alors que la représentante de l’État touche le fond. Elle continue pourtant de creuser en affirmant que « la seule chose qui nous intéresse aujourd’hui, c’est une question de principe […] si on admet que ces personnes qui ont une indemnité n’utilisent pas cet argent pour se loger et attaquent ensuite l’État pour qu’il les loge, il y a un problème ». Il y a effectivement un gros problème : rendre responsables de leur situation les personnes qui subissent les conséquences de la politique de non-accueil de l’État, c’est d’une indignité abjecte. Le problème est aussi d’affirmer des propos mensongers quand une grande partie des habitant.es du « 5 étoiles » ne touche aucune aide et encore moins spéciale, notamment les mineur.es. Il suffit d’avoir une connexion Internet, une calculatrice et pas de préjugés envers les exilé.es pour apprendre qu’un.e demandeur.se d’asile qui n’est pas hébergé.e touche 426 euros par mois (bonne chance pour trouver un logement avec des ressources aussi considérables, a fortiori quand on est étranger.e...). L’État, la mairie et leurs complices médiatiques ne ratent jamais une occasion d’entretenir le mythe de l’étranger qui profite du système, faisant ainsi le jeu des racistes et de celles et ceux qui veulent monter les pauvres les un.es contre les autres.

Devoir de réponse

Le Collectif des Olieux n’est pas le seul à s’être mobilisé pour démentir les propos publiés par la VdN. Ainsi une dizaine d’associations5 ont demandé à publier un droit de réponse dans lequel étaient soulignées les mêmes hérésies. Ce droit de réponse ne sera pas publié. Au contraire, quelques jours plus tard, la VdN persiste dans l’ignominie et le mensonge en publiant un nouveau papier6 rendant compte du verdict. La requête est rejetée pour la simple raison de non-respect des délais de recours ! Le journaliste de la VdN, Lakhdar, spécialiste des comptes rendus d’audience, profite même de cette nouvelle pour rappeler et donc également justifier les propos mensongers de l’avocate à propos des fameux 700 €. Aucune allusion n’est faite à la demande de droit de réponse des assos dont seulement deux courts paragraphes sont cités.

Le collectif des Olieux et leurs acolytes n’en restent pas là ! Rétablir la vérité à travers des communiqués en utilisant leurs propres moyens de communication n’a pas suffi cette fois-ci à les faire décolérer. Une réponse est impérative. Armés de leurs casseroles, de leurs slogans, de leurs communiqués et de leur faux billets de 700 €, le collectif rend une petite visite à nos ami.es de la VdN. Après une entrée des plus faciles dans le bâtiment donnant sur la Grand-Place, la troupe découvre qu’elle est dans le secteur publicité. Heureusement des valeureux.ses salarié.es du groupe n’hésitent pas à dénoncer leurs collègues de la rédaction situé.es non loin, rue Saint Nicolas. Le petit groupe joyeux et inorganisé s'y rend donc, mais ne peut entrer dans la rédaction, la faute à un geste héroïque d’une salariée courant pour fermer la porte d’entrée et empêcher le passage. Au final, une distribution et lecture du communiqué se font dans la rue devant des passant.es, des flics et des commerçant.es circonspect.es.

Alors que la trêve hivernale arrive bientôt à son terme, que le commandement de quitter les lieux est déposé depuis le 8 novembre 2018 et que la mairie et l’État semblent vexés par cette condamnation, l’appel à la vigilance est de mise car l’expulsion approche. Il est nécessaire que le plus grand nombre soit informé afin d’imposer des relogements et d’éviter que de nombreuses personnes se retrouvent de nouveau à la rue. Pour s’entraider, résister, lutter, chanter, danser, vivre et s’organiser collectivement, n’hésitez pas à passer lors de l’assemblée ouverte du collectif des Olieux chaque dimanche à partir de 14h au 5 étoiles (15 rue jean Jaurès).

RoSeau

1. « Lille Squat de la rue de Valenciennes, la ville de Lille et l’État contestent leurs astreintes », La Voix du Nord, 11/01/2019.

2. Communiqués et infos disponible sur olieux.herbesfolles.org. Le Collectif des Olieux est un collectif composé de personnes exilées, de soutiens, d’habitant.es du quartier.Le collectif s’organise pour accompagner les personnes exilées dans leurs luttes quotidiennes. Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

3. Parc des Olieux en novembre 2016, Maison rue de Fontenoy le 21 décembre 2016, campement de St Sauveur fin octobre 2017.

4, « Welcome coup de com », La Brique, Automne 2018, « Interdit au public », n°56.

5, La Fondation Abbée Pierre, Cimade Lille, Pastorale des migrants, Centre de la réconciliation, ABEJ Solidarité, Secours Catholique Nord Lille, Mitrajectoires, Wambrechies Entraide Réfugiés, Conseil œcuménique de solidarité du doyenné Ville de Lille.

6, « Lille : Au squat « 5 étoiles » la ville et l’État doivent maintenir les équipements d’urgence », La Voix du Nord, 23/01/2019.

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