A Lille Grand Palais, le racisme respectable se donne en spectacle

Ces derniers jours, les déclarations gouvernementales se multiplient pour gommer l’image droitière du candidat Sarkozy. Intriguée par cette nouvelle orientation et à l’occasion de la venue de Sarko à Lille le 23 février, La Brique a enfourché sa motocrotte et s’en est allée ramasser l’avis des militants.

 

« Y’a le feu !  » constate, ravi, le président des Jeunes populaires, Benjamin Lancar. Il faut convenir que pour la venue de Sarko à Lille, ce jeudi 23 février, l’ambiance est tropicale - chaleureuse même, si l’on considère qu’il n’y a aucune espèce de contrôle à l’entrée du meeting.

Devant une foule en ébullition, le bleu de chauffe est enfilé par le local de l’étape, Marc-Philippe Daubresse. Sur fond de bande-son guerrière, Sarko ne tarde pas à surgir de la foule. C’est parti pour une heure du refrain remixé sur la « France qui travaille ».

A l’ombre de l’hystérie collective, un homme aux yeux vifs et froids observe la scène. Geoffroy Didier est membre du staff de Brice Hortefeux à l’UMP. Il nous éclaire sur la stratégie du Président : « Nicolas Sarkozy se pose vraiment en candidat du peuple, contre le système, contre les élites, contre tous ceux qui, par intérêt personnel ou par intérêt catégoriel, ont tendance à confisquer le pouvoir  ». Benjamin Lancar précise : « Sarkozy est Président de la République, donc ce n’est ni un homme de droite ni un homme de gauche. C’est un homme du peuple !  »

Sarko est-il de droite ?

Que Sarko ne soit pas un homme de gauche, il n’y a certes pas là de quoi se taper le cul par terre. Qu’il ne soit plus un homme de droite a par contre de quoi susciter la perplexité. Les militants UMP seraient-ils les victimes abusées d’une manœuvre électoraliste fomentée par quelques dirigeants opportunistes ? Le correspondant de La Brique s’en est allé demander leur avis aux principaux intéressés.

Les premières personnes interrogées entonnent un couplet familier : « On ne peut pas tout laisser faire, il faut des règles ». « Il faut augmenter la sécurité », ajuste une sympathisante. La sécurité, un thème de campagne pour l’UMP ?

Pas vraiment, estime Jean, lui aussi sympathisant UMP, qui observe qu’heureusement, « la sécurité est une valeur transversale  ». Pour cet « homme d’entreprise  », ancien du MEDEF, le sens de la candidature Sarkozy est simple : « Alléger les charges sur le travail  ». Chantal, cheffe d’entreprise à la retraite, aime les slogans lapidaires : « Trop de social tue le social  ».

Pendant que Sarkozy terrorise la foule à l’évocation du souvenir d’un Ministère du Temps Libre, Françoise, elle aussi gérante d’entreprise, témoigne de son calvaire. « On s’aperçoit qu’on a des salariés, ils veulent faire 35h, pas beaucoup plus !  » se récrie cette nouvelle adhérente. Avant de poursuivre : « On est riche, on va pas le nier, mais à quel prix ! On travaille énormément, hein. - Votre revenu est la juste récompense de votre investissement dans le travail ? - Tout-à-fait, tout-à-fait !  » En fait d’effort, Françoise précisera plus tard qu’elle est surtout propriétaire, en sus de ses responsabilités patronales, de plusieurs logements locatifs.

« L’immigration, on en parle pas assez »

L’occasion pour elle de faire le lien entre question sociale et question raciale : « J’ai un de mes locataires qui est marocain, il s’est marié avec une Algérienne. Lorsqu’ils viennent au bureau payer leur loyer, ils me disent « mais vous êtes encore en train de travailler » ! Ben oui, hein, et eux quand il fait du soleil ils s’en vont promener le bébé au parc !  » – absurde, n’est-ce pas ?

Mais alors, pourquoi ne pas évacuer l’indolent tire-au-flanc ? « Attendez, moi quand j’ai loué ces appartements, c’est la sous-préfecture qui m’a téléphoné pour que je leur donne le logement parce que je voulais pas ! Ils m’ont fait comprendre que si je refusais je faisais du racisme ».

Misère de la bien-pensance droit-de-l’hommiste... Cette censure de l’expérience traumatisée d’honnêtes citoyens fera dire à cette Françoise de Souche, après une dernière diatribe contre le mariage blanc, qu’« il y a des choses sur lesquelles je suis d’accord avec Marine Le Pen  ».

Rachel, militante UMP, pointe elle aussi cette insupportable omerta et regrette qu’en dépit des apparences, « l’immigration, on n’en parle pas assez  ». Pourtant, « les gens pensent tout bas que les étrangers, il y en a assez  ». Son mari Jean-Marie avance lui une thèse plus chamarrée : « Il faut des mélanges, mais pas trop  ».

Quand les délinquants créent les bavures

« Ils touchent tout, ils ont droit à tous les trucs », insiste une autre Françoise. Rachel déplore qu’aujourd’hui les jeunes maghrébins « éduquent les français de souche ». Un comble, qui rend Rachel un peu amère au moment de juger le bilan présidentiel. Elle regrette que celui-ci soit finalement « encore assez timide. Moi, il m’a beaucoup déçu, quand il m’a dit qu’il allait nettoyer les banlieues, je m’attendais à autre chose  ».

Evelyne est du même avis : « Tout-à-fait, c’est sûr ! Il avait dit qu’ils allaient faire des avions pour renvoyer les étrangers chez eux, mais... » « On se fait vraiment maltraiter par eux... - Par qui ? - Ben par... les étrangers, hein ! Ne citons pas des races », rigole Évelyne.

Interrogée sur les bavures policières, cette sympathisante s’emporte : « Les délinquants n’ont qu’à pas faire de conneries, la police commettrait pas de bavures  ». Et son amie Martine de faire étalage de sa perspicacité : « Je pense que quelquefois ils créent aussi la bavure, hein ». « Oui, ils le font exprès !  » plussoie Evelyne. « Donc c’est les délinquants qui créent la bavure ? - Ah bien sûr, bien sûr ! C’est ce que nous on ressent quand même ».

Satisfaite de sa démonstration, Evelyne se frotte les mains : « Vous allez nous faire une beau petit article ? »

C’est bien le moins que l’on puisse faire.