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droit à la ville | Da So Vas : « Nos droits fondamentaux sont bafoués ! »

Publié dans Les mauvaises herbes (printemps 2024) | Par Mike, Illustration par Molotok
Mis en ligne le 08 août 2025
Femmes du collectif Da So Vas

Vendredi 12 avril 2024, plus d’une centaine de personnes s’étaient rassemblées devant le siège de la MEL à l’appel de l’association Da So Vas. Portée par un collectif de femmes, l’association réclame qu’on respecte les droits et la dignité des « gens du voyage ». C’est dans ce sens que plusieurs d’entre elles ont pris la parole devant les portes du bâtiment, pour expliquer leur situations aux personnes qui avaient répondu à leur appel. Elles espéraient aussi être reçues par le président de la MEL, Mr Castelain.

Un pasteur (également aumônier en prison) est venu, par ailleurs, dénoncer les entraves à la liberté de culte sur les terrains de la métropole où l’on interdit aux habitant.es d’installer une tonnelle pour organiser des messes. Une avocate a également pris la parole pour demander à ce que les droits des gens du voyage soient respectés, au même titre que n’importe quel.les citoyen.nes, insistant notamment sur « l’inviolabilité du domicile » garanti par la loi et qui n’est pas respecté lorsque les personnes vivent dans une caravane.

Quelques jours plus tard, sur le terrain d’Hellemmes/Ronchin, Cindy, Carmen, Sue Ellen et Bernadette acceptent de répondre à quelques questions autour d’un café. L’ambiance est détendue et elles plaisantent entre elles pour savoir qui est la cheffe : si chacune assume un rôle bien précis dans l’asso, elles m’expliquent que toutes les décisions sont prises ensemble. Après quelques minutes en leur compagnie, on comprend le travail que ça représente une asso et on se dit que les réunions doivent être animées, mais toujours dans la bonne humeur.

Comment est née l’association Da So Vas ?

Carmen : Cindy et moi, on est les anciennes, on était là quand on a créé le collectif. À la base, c’était par rapport à la santé, par rapport aux maladies qu’il y a sur le terrain d’Hellemmes/Ronchin à cause de la pollution. On le voit avec les nouveaux-nés ou les personnes agées, on est le terrain où il y a le plus d’asthme, de bronchite et de bronchiolite. L’asso, elle est venue plus tard, quand on a vu que les choses n’avançaient pas, c’était pour avoir plus de pouvoir. Avec l’association, on est plus écoutées, plus respectées, on nous prend plus au sérieux.

Dans quel but avez vous organisé cette Marche pour la Dignité des gens du voyage ?

Sue Ellen : On l’a organisée pour mettre en pratique nos droits, les droits fondamentaux français qui sont bafoués dans les aires d’accueil. Les problèmes, c’est le surpeuplement, l’environnement et surtout, les discriminations. Pour nous, il était urgent de réagir. Beaucoup de personnes sur différents terrains nous ont expliqué qu’ils recevaient des menaces de la part d’une personne qui travaille à la MEL. On trouvait ça incroyable en 2024, que quelqu’un de haut placé se permette d’intimider des familles, de leur faire peur. Alors on avait préparé une Charte des Droits pour demander au président de la MEL, Mr Castelain, de la mettre en pratique.

Donc vous l’avez rencontré ?

Sue Ellen : Non. On a rencontré son secrétaire, et Mr Delebarre (conseiller délégué aux « gens du voyage, maire de Bondues), mais c’est Mr Castelain qui a le pouvoir de signer la Charte. Il y a 4 droits essentiels qu’on veut défendre : le respect de la dignité, le respect de nos domicile et de notre habitat, la liberté de pratiquer notre culte et le respect des droits. On a quand même obtenu une réunion de conciliation en juin, et on les a prévenu que si ces quatre droits ne sont pas inscrits dans le règlement intérieur des terrains, on les attaque en justice. La réunion, c’est aussi pour que les gens du voyage ne soient pas expulsés sans pouvoir se défendre, sans pouvoir montrer des preuves de leurs droits.

Il y en a beaucoup des expulsions ?

Sue Ellen : Oui, il y a des expulsions arbitraires, mais c’est très difficile à prouver. Souvent, ce sont des personnes considérées comme illégales car accueillies sur l’emplacement d’une autre personne. Par exemple, l’emplacement ici est au nom de Carmen, mais elle a 2 enfants qui sont mariés, qui ont leur propre caravane sur l’emplacement, leur propre foyer. Ça serait facile pour la MEL de les expulser car ils n’ont pas de certificat officiel qui dit qu’ils vivent ici. On a saisi la Défenseuse des droits à cause des expulsions où les gens n’ont même pas pu se défendre alors qu'ils avaient des papiers pour prouver qu'ils vivaient bien là. On a même appris qu’il y a une association, l’APU, qui a été punie pour avoir soutenu en février des personnes expulsées au terrain de Wattignies. Ça s’est très mal passé.

Carmen : Nous a l’habitude que des gens soient punis parce qu’ils nous aident. Ça arrive constamment. C’est honteux quand même !

C’est quoi les prochains évènements à venir pour l’association ?

Cindy : On organise notre assemblée générale au mois de juin. On va essayer de réunir tous nos bénévoles. On a aussi invité une grande chanteuse gitane pour l’évènement, pour pouvoir faire la fête le soir. Et pour les prochains mois, notre priorité ça va être le logement, trouver des solutions pour aider les famille à se reloger et pour que ça avance au niveau des terrains en habitat adapté. On a aussi des nouvelles idées qu’on préfère garder pour nous pour le moment

Bernadette (qui tient une caméra) : il y a aussi notre film. On avait déjà fait un premier film il y a quelques années, ça s’appelait « Nos poumons c’est du béton ! ». On l’avait fait pour dénoncer ce qu’on vit, mais comme rien ne change, on a décidé d’en faire un 2ème. On filme ce qu’il se passe sur les terrains, les conditions réelles… Parce que l’image a plus d’impact.

Qu’est-ce que vous aimeriez dire aux habitant.es de la métropole qui ne vous connaissent pas ?

Sue Ellen : J’aimerais leur dire qu’ils arrêtent d’avoir peur de la différence. On est des gens comme tout le monde, on a juste un mode de vie différent. Le jour où ils comprendront qu’on est tous pareils, à part qu’on dort dans une caravane, peut-être qu’ils arrêteront d’avoir peur

Bernadette : Moi, j’aimerais dire que malgré la pollution, on paye énormément pour vivre ici, jusque 400 à 600€ de facture par mois pour l’électricité, l’eau et l’emplacement. Je voulais le dire parce que des fois les gens croient qu’on a tout gratuit !

Issu du numéro 69 | «Les mauvaises herbes»

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