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VilogiaaaaAAAH ! !

Publié dans Carnages urbains (hiver 2025) | Par Wildkat, Illustration par Kendra
Mis en ligne le 22 août 2025
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Sur le territoire de la MEL, une petite vingtaine de bailleurs se partage le marché des logements sociaux, mais dans cette mare (aux crevard.es), deux gros poissons se font remarquer. L’un des deux, Lille Métropole Habitat (LMH), est bien connu de votre journal préféré, puisqu’il a déjà fait l’objet d’un article rien que pour lui, Lille Nécropole Habitat. Après qu’une décennie se soit écoulée, il est temps de s’attaquer à son concurrent et néanmoins partenaire : Vilogia.

Selon un document publié par l’organisme lui-même en juillet 2022, la société endossant à la fois les rôles de bailleur, aménageur et constructeur, assurerait une mission d’intérêt général de solutions-logements auprès des familles les plus modestes. Mais qu’en est-il vraiment ? Le requin social gère plus de 85.000 logements en France, dont 43 100 uniquement sur le territoire de la MEL, son lieu de naissance1. Dans la soupe de chiffres, on ajoute les 2000 logements neufs livrés annuellement, les 5 sociétés spécialisées suivant le public auxquelles elles s’adressent, groupées autour de Vilogia S.A (avec une multiplication des intermédiaires et un surcroît d’opacité) et les 431 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Ce qui fait de la firme villeneuvoise le plus gros bailleur social local se positionnant en (fausse) concurrence avec LMH.

Vilogia a le bras long

Récemment, décision publiée en septembre 2024, il y a eu du changement dans la gestion du groupe Vilogia, puisque de nouveaux partenariats se sont créés, épaississant ainsi encore plus la sauce immobilière sociale avec des acteurs que nous connaissons déjà sous d’autres noms. Pour résumer, la société Ceetrus participe à hauteur de 5% au le capital de Vilogia et NHood s’y associe. Et donc ? Ceetrus et NHood sont tout simplement les sociétés qui gèrent les activités immobilières du groupe Elo. Elo c’est qui ? Elo c’est Auchan, Auchan c’est Mulliez. Mulliez qui, non satisfait de déjà posséder une quantité de bâtiments et de fonciers conséquente, continue d’étendre son empire sur le parc social.

La nouvelle collaboration entre les Mulliez et Vilogia se manifeste donc par l’entrée à une très bonne place d’Antoine Grolin, directeur général de Auchan Retail, au conseil de surveillance de Vilogia S.A. Siègent alors à la tête de Vilogia des membres de la mafia Mulliez, des membres du conseil administratif de la MEL, et les socialistes qui cadenassent LMH2.

La concurrence, c’est pour les pauvres

En 2022, dans son dossier de presse, Vilogia réaffirme son engagement dans le Nouveau Programme National pour le Renouvellement Urbain (NPNRU, à vos souhaits). En gros, grâce à cet outil financé par l’État, Vilogia peut recevoir des subventions, étant l’un des seuls bailleurs dotés d’un agrément national, et cela jusqu’à 2030. Ces sous-sous devraient logiquement être injectés dans les espaces publics et le bâti pour rénover la ville. En réalité, ce nouveau plan s’applique par la démolition de nombreux logements existants, et l’expulsion de leurs habitant·es. De la poudre aux yeux de réhabilitation, puisque ce sont majoritairement des espaces dits communs qui sont impactés et non les lieux de vie. Pendant ce temps, les logements restent des passoires thermiques. Pour mettre en application tout ça, Vilogia décide de s’associer à LMH (tiens, comme c’est bizarre) en créant « LA META » (Mutualisation des Énergies pour Transformer et Aménager) dont le nom n’est pas sans nous rappeler un autre groupe qui fait dans le « social ». Une collaboration qui a pour but, selon les intéressé∙es, de « mutualiser leurs moyens et leurs savoir-faire au service des quartiers prioritaires »3 . Fini la concurrence entre les organismes pour s’accaparer le marché, les retards liés à la compétition, tous les œufs sont désormais dans le même panier. Le groupement Méta possède à lui seul 80% du patrimoine concerné par le NPNRU, ce qui signifie que la MEL donneuse d’ordre de l’aménagement, a la mainmise sur la quasi-totalité du logement social. Ainsi, Méta participe activement à la recomposition des quartiers selon les bons vouloirs de la MEL et sa politique de soi-disant mixité sociale. La mifa Aubry est ravie.

La mixité sociale, s’il faut encore le préciser, est une vaste blague. Les familles les plus modestes ont toujours autant de difficulté à se loger et se retrouvent à lutter pour avoir un toit au-dessus de la tête. En 2021, 19 546 demandes d’attributions ont été recensées chez Vilogia et un accueil de seulement 5 516 nouvelles personnes. Les logements sociaux sont de moins en moins nombreux en centre-ville, et les plus accessibles sont parqués dans des quartiers dits « prioritaires » ou « sensibles ». La disparité entre les offres de logements et les besoins réels est importante. En effet, on note sur la MEL une forte demande pour des logements de T1 ou T2 (60% des demandes) alors que ceux-ci ne représentent même pas un tiers de l’offre, ce qui a pour effet de réduire l’accessibilité aux familles monoparentales. Ainsi, une concurrence importante entre les familles ayant besoin de se loger se développe, ce sera à qui aura le pire dossier ou qui répondra le mieux aux critères très flous de sélection, nourrissant la fausse mixité de Vilogia pour regrouper les populations selon les besoins de la MEL.

À l’inverse des locataires, Vilogia ne s’en fait pas pour la concurrence. Lors des marchés pour choisir ses prestataires, le groupe ne met pas en concurrence les entreprises, alors que c’est une obligation. Du coup, le bailleur fonctionne toujours avec les mêmes entreprises qui travaillent au rabais, et par la même occasion ne fournit pas les documents sur les contrats passés ni les missions réalisées. Environ 350.000e auraient été versés à FG Management avec pour seules justifications, des factures très légères4. Dans la suite de son enquête, l’organisme avance que la personne représentante de l’entreprise aurait tout simplement disparu des radars. Il est donc difficile de savoir pourquoi elle n’avait pas de contrats de travail lorsqu’elle travaillait avec Vilogia.

Un bailleur pas très social

Vilogia est une entreprise dont l’objectif est de faire du profit. Ses locataires ne sont que des client·es qui utilisent leurs produits et en aucun cas des personnes avec des situations différentes et des parcours de vie uniques, et parfois accidentés. Nous ne sommes pas dupes, le bailleur s’en met plein les poches sur le dos des locataires de plusieurs façons.

D’abord, la question des loyers. Malgré des tarifs relativement modérés exercés sur les logements (par rapport au marché classique), environ 390e pour 66m2 en 2022, Vilogia ne respecte pas toujours les conditions de logements sociaux. À savoir que le parc immobilier est assez vieux : 38 ans en moyenne, avec un quart des logements construits dans les années 70’, souvent très énergivores (un tiers du parc est en classe E, F ou G) et peu de travaux d’isolation thermique réalisés ou prévus… À plusieurs reprises, le montant du loyer maximum n’est pas mentionné sur les avis d’échéances alors qu’il s’agit là encore d’une obligation. Cette absence d’information ne permet pas aux locataires de vérifier si le loyer acquitté correspond à la convention APL. Vilogia peut ainsi empocher une somme d’argent sur le dos de ses habitant·es qui devront entreprendre de nombreuses démarches pour obtenir les informations et remboursements le cas échéant.

Dans son rapport de contrôle de 2018, l’Ancols (L’Agence nationale de contrôle du logement social) a mené une enquête aléatoire sur 1 845 loyers en se basant sur les conventions APL. Celle-ci a permis de mettre à jour 95 dépassements des loyers allant de 2% à 15% du montant maximum fixé par la convention APL. Aucune justification n’a été apportée par le groupe ni pendant ni après l’enquête menée par Ancols jusqu’en 2020. Pour ces dépassements, des sanctions à l’encontre de Vilogia ont été rendues publiques début 2024 avec une amende à hauteur de 108.000e, amende revue à la baisse de quasiment un quart en comparaison à celle initialement prévue. Le groupe s’en sort bien, une fois de plus. Vilogia n’est pas le seul bailleur épinglé par ces sanctions puisque LMH a aussi fait l’objet d’une amende de 480.000e, en étant rendu responsable de retards de paiement des fournisseurs. Ceci rend le partenariat LMH Vilogia toujours plus scandaleux.

De plus, les régularisations de charges ne sont pas faites à la fin de chaque année, il faut parfois attendre deux ans pour avoir la notification, ce qui entraîne des paiements rapides et non prévus pour les locataires et donc des retards de paiement peu tolérés par le bailleur conduisant au tribunal, parfois pour des sommes relativement minimes (160e cite une habitante) pour une entreprise multimillionnaire. Bref, si tu ne peux pas payer, débrouille-toi, ou change de logement.

Ensuite, il y a un problème conséquent dans le suivi des travaux à réaliser et des conditions de vie des locataires qui se retrouvent à vivre dans des logements insalubres, remplis d’humidité et de moisissures, mettant en danger leurs occupant∙es. C’est le cas de la famille Doumbia, dont les conditions de vie à Lesquin sont déplorables depuis 2022. Sur des vidéos publiées par les locataires, on peut voir de l’eau couler le long des murs, autour des prises électriques non protégées, le long du compteur (Linky pas bien bouh l’État), des toilettes qui recrachent le contenu des canalisations bouchées. Les habitants, un père et son fils ont sollicité le Vilogia Premium et sont restés sans intervention pendant 17 longs mois, dont un hiver sans chauffage.

Le cas de cette famille n’est pas isolé, seulement plus médiatisé. Ancols, toujours, a cité dès le début du rapport une défaillance dans le suivi des demandes d’intervention technique des locataires : « À partir du moment où une commande de travaux est passée, Vilogia SA ne vérifie pas de manière rigoureuse si elle est bien exécutée, et dans les délais contractuels. Ce n’est que si le locataire rappelle plusieurs fois pour une même affaire que Vilogia SA s’en préoccupe. Dans l’outil informatique, de nombreuses commandes apparaissent toujours en cours alors qu’elles sont achevées. À l’inverse, des interventions y apparaissent réalisées alors que l’entreprise n’est pas intervenue. ». Bref, si tu as un souci, débrouille-toi, ou change de logement.

Pour justifier l’absence des travaux demandés, la firme accuse les locataires de ne pas s’acquitter de leur devoir de base, c’est-à-dire payer leur loyer. Une fois de plus, ce sont les « mauvais payeurs », comprendre dans le langage bailleur « les mauvais pauvres », qui sont responsables de leur situation et de la dégradation de leurs locaux. Une réponse difficile à entendre lorsqu’on épluche le rapport Ancols. Il y apparaît que l’ensemble du budget alloué à l’entretien courant, au gros entretien et au remplacement n’est pas utilisé entièrement puisque 18 millions d’euros sont restés au fond de la poche de la firme entre 2013 et 2017. Il faut aussi citer plusieurs cas d’immeubles encore habités dans lesquels les entretiens sont mis à l’arrêt lorsque la démolition est en discussion. Il faudra attendre le prochain rapport pour confirmer ou non la tendance à l’abandon du groupe.

L’Empire Vilogia n’a donc pas fini de s’étendre. Sa prochaine cible ? La friche Québecor à Hellemmes. Le chantier en lui-même n’a pas encore commencé, mais on peut déjà noter que le projet malgré son « image verte » qui fait vendre, le groupe ne respecte déjà pas les règles environnementales sur son site. Dès cet hiver, des coupes d’arbres illégales ont été faites. Permis de construire déposé, carnage en cours. Affaire à suivre.

Un bailleur qui déconstruit

En charge du projet du Nouveau Mons, Vilogia démontre une fois de plus ses talents :

  • 358 logements démolis
  • 473 résidentialisations5
  • 400 logements en accession libre ou sociale qui écartent encore les populations les plus pauvres

Issu du numéro 71 | «Carnages urbains»