Célestin Freinet, pédagogue révolutionnaire

Durant la première moitié du XXè siècle, Célestin Freinet bouleverse l’enseignement et la pédagogie française. Au nom d’une certaine vision de la liberté et de l’idéal révolutionnaire, il forge des outils pédagogiques largement réutilisés aujourd’hui.

Celestin Freinet né en octobre 1896. En 1914, la « grande guerre » éclate. Enrôlé en 1915, il est grièvement touché au poumon deux ans plus tard. Il a 21 ans. Après une longue période de convalescence, Freinet est nommé à l’école de Bar-sur-Loup au début de l’année 1920. C’est le début de son parcours d’enseignant-éducateur-pédagogue.
Freinet devient pacifiste convaincu. Pour lui, c’est par l’éducation que l’on pourra éviter d’autres guerres.

Sa démarche pédagogique s’intègre dans une vision plus globale de la société. Portés par les mouvements ouvriers réformistes et révolutionnaires de l’époque, Freinet et son mouvement s’inscrivent pleinement dans la volonté d’émancipation du prolétariat par l’instauration du socialisme. Avec sa femme Elise, il adhère au Parti communiste en 1926.

Des pratiques alternatives.

Durant huit années à Bar-sur-Loup, expérimentations et innovations seront les maîtres mots de son enseignement. Freinet, diminué physiquement par ses blessures, va mettre en place, dans « une classe de 35 petits " sous-prolétaires " » [1], des méthodes et des pratiques totalement innovantes. Théoricien dans de nombreux écrits [2], il est avant tout un praticien : inventeur et diffuseur dans les classes des textes et dessins libres, de l’imprimerie, de la confection d’un journal scolaire, de la correspondance, de l’utilisation des technologies modernes [3].

Ces outils sont au service d’une idée centrale : l’apprentissage est une démarche naturelle chez l’enfant. Le rôle de l’enseignant est donc de lui permettre d’avancer de façon la plus autonome possible vers son épanouissement personnel. La méthode du « tâtonnement expérimental » restera parmi les concepts phares de l’apprentissage naturel. Pour Freinet, c’est par l’intermédiaire d’opérations mentales, basées sur la forme « essais-erreurs » et suivant le même processus « naturel » que les mécanismes vitaux, que l’individu évolue dans son apprentissage. Cette pédagogie est le fruit d’un travail commun. Élise Freinet joue un rôle prépondérant dans le développement des activités artistiques en classe.

Attaques

Freinet dérange. Il subit de nombreuses attaques. De la part de l’extrême droite, d’abord, au début des années 30 en pleine montée des fascismes européens : Charles Maurras lance une vaste campagne contre lui dans son journal l’Action Française. L’enseignant est mis en accusation à propos d’un texte libre d’enfant imaginant une révolte de la classe contre le maire du village et son assassinat. Freinet est déplacé. Il refuse et fonde, avec Élise, une école privée « prolétarienne » à Vence.

Le couple participe à sa manière au front populaire en proposant un « Front de l’Enfance ». À l’aube de la seconde guerre, la pédagogie Freinet est bien vivante. Mais la dynamique s’interrompt. Freinet est interné dans divers camps de concentration puis libéré.Retour ligne automatique
En 1945, l’école Freinet se remet en route. Les attaques tombent alors d’un autre côté : le Parti communiste stalinien, à la fin des années 40. Dans la revue La nouvelle critique, plusieurs articles fustigent des idées « anarchisantes » et « une idéologie petite-bourgeoise du type proudhonien » [http://cira.marseille.free.fr/" id="nh4">4]. Trop de laisser-aller et trop peu de discipline pour la morale « populaire » stalinienne. En cela au moins, elle rejoint la morale bourgeoise. Freinet quitte le Part communiste en 1948.

Depuis 1947, le mouvement Freinet est porté par l’Institut Coopératif de l’École Moderne (ICEM). Il est représenté dans une quarantaine de pays par la Fédération Internationale des Mouvements d’Ecole Moderne (FIMEM). Plus globalement, les innovations pédagogiques de Freinet se sont fondues dans les pratiques de nombreux enseignant-es ne se revendiquant pas directement des « méthodes Freinet ».


Une pédagogie alternative en milieu populaire

Une journée classe dans une école Freinet

A propos du travail de l’équipe de recherche qui a suivi le projet

Francisco Ferrer

Notes

[1Selon l’expression de Michel Barré, proche collaborateur de Celestin Freinet. http://www.icem-pedagogie-freinet.org/

[2Il collabore et dirige de multiples ouvrages et revues parmi lesquelles « l’Imprimerie à l’école » ou encore « L’Ecole émancipée », la revue de la Fédération de l’enseignement unitaire (CGTU).

[3Dès 1927 Freinet utilise la caméra pour filmer ses élèves, dans le cadre de correspondance. http://www.youtube.com/

[4« Freinet et le P.C. », Henri Portier, http://cira.marseille.free.fr/