À La Redoute, bientôt la riposte ?

L'appel à la grèvePour continuer d’engraisser Pinault et ses actionnaires en temps de crise, la direction de La Redoute veut mettre des centaines de gens à la porte. Pas sûr que les salarié-es se laissent faire... Nous sommes aller tâter le terrain le jour où les syndicats présentaient leur contre-expertise au plan social.

"On va se les faire à la grecque ! " Ce 18 décembre, devant le siège de La Redoute à Roubaix, rue Blanchemaille, certains annoncent la couleur. Habituellement, les « Roubaisiens » se mobilisent moins que leurs collègues de Wattrelos, qui ont tenu un mois de grève au printemps dernier. Mais aujourd’hui, le rassemblement compte plus de 200 personnes [1]. Pas étonnant, vu le coup de massue annoncé en septembre : 672 licenciements prévus (cf. brève ci-dessous). Retour ligne automatique
L'appel à la grèveCarole est parmi les premières arrivées. Elle travaille au service de commande par téléphone, et risque d’être mise à la porte. À 53 ans, après « 35 années de service », à quatre années de la retraite. D’après elle, «  ils veulent du chiffre au détriment de la qualité, ils nous comparent même à leurs sous-traitants de Rabat ou Tunis ». En 2007, La Redoute a délocalisé ses centres d’appel téléphonique au Maroc et en Tunisie, où les cadences sont plus élevées et les salaires proches de 350 euros par mois. Carole est convaincue : « Il y a plus de six mois qu’ils y réfléchissent, la crise c’est un petit plus pour faire passer la pilule ! »

Après la grève, le plan social !

L’assemblée générale a lieu dans le hall du bâtiment. Nous tentons de nous y introduire, mais un vigile nous barre la route. La presse est interdite. Nous croisons Fabrice, délégué CGT. Il nous suggère en rigolant de nous procurer une carte des RG pour passer. « C’est plus passe-partout que la carte de presse ! Pendant la grève du mois d’avril, il y avait des RG partout dans les bureaux... » D’ailleurs, après cette grève dure au printemps, ce licenciement collectif ne sonne-t-il pas comme un bras d’honneur à ceux et celles qui se sont mobilisés ? D’après Fabrice, « Ils ont pris des précautions en disant bien que la Martinoire ne serait pas touchée, car pendant le mouvement d’avril, c’est la Martinoire et le secteur industriel qui avaient réagi ». Diviser pour mieux démanteler, vieux remède. Quant aux rumeurs de vente de La Redoute ? « Qu’on soit exploités par Pinault, Arnault ou Dassault, ça ne change pas grand chose ». Reste que ce « dégraissage » prend tout son sens en cas de revente, car «  il faut que la mariée soit belle ».

Racket patronal

Puis tout le monde sort. L’A.G. se fera dehors. Les délégués syndicaux présentent la contre-expertise du plan social de la direction, commandée par le comité d’entreprise. Grégory, syndiqué SUD, martèle : « la situation financière de La Redoute est saine, il n’y a pas de catastrophe, on n’est pas au bord du dépôt de bilan. La Redoute est capable de passer cette tempête sans licencier, mais l’objectif de l’entreprise, c’est de nous faire payer les pertes et les mauvais résultats ». Il ajoute que «  La Redoute s’attaque aux plus anciens d’entre nous  : au courrier, à la saisie de commandes, des salariés qui ont plus de 50 ans et plus de 30 ans d’ancienneté ». Les mieux payés aussi, et des femmes en majorité.Retour ligne automatique
Selon lui, il n’y a eu « aucune anticipation » et il dénonce « des centaines de licenciements alors que des centaines de millions d’euros ont été remontés aux actionnaires ! ». Dans l’assemblée, des salarié-es lancent « voleurs ! », « escrocs ! ». Grégory appelle à multiplier les débrayages en janvier et prévient : « C’est La Redoute entière qui est concernée, si des gens ne sont pas licenciés aujourd’hui, ils le seront demain, car notre direction est en train de démanteler la boîte ».

« Sous-traitement » des salarié-es

Claude Jacquin, de l’APEX [2], a épluché le « plan d’action ». Il relève que la direction avance de multiples motifs selon les licenciements, et c’est parfois « complexe », voire « opaque ». Des salarié-es vont se voir proposer « d’être externalisés chez des sous-traitants, et pourraient refuser pour des raisons évidentes de dégradation de leur statut social et des conditions de travail ». M. Jacquin mentionne les modalités de suppression des 81 boutiques sur quatre ans : « sur un centre de trois personnes par exemple, si jamais une personne s’en va, elle déclenche la fermeture et la date de licenciement des deux autres. On a indiqué à la direction de l’entreprise que ce n’était pas concevable, que c’est même particulièrement insolite ». Même dégueulasse.Retour ligne automatique
En janvier, actions et débrayages seront à coup sûr au rendez-vous du côté de Roubaix... et Wattrelos  ?

A.D et S.G

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2 : La Redoute est sous les ordres de Redcats, la maison mère, qui comprend Vert Baudet, Avenue, Somewhere, etc. 22 000 salarié-es et plus de 3,5 milliards de chiffre d’affaires. Des usines sous-traitantes au Bengladesh, en Chine, en Inde, etc. Le tout s’intégrant dans le Groupe PPR, dont Pinault est l’actionnaire principal.

Pinault s’engraisse

Suppression de 151 postes administratifs et 91 emplois au traitement des commandes pour le siège de Roubaix, licenciements de 430 employé-es avec la fermeture des 81 boutiques en France. Pour « relancer sa compétitivité » - dixit le boss - La Redoute élimine 15 % de ses 5000 salarié-es actuels. En dix ans, six plans sociaux ont éjecté 1700 personnes. Récemment, c’est aussi des centaines d’intérimaires longue durée qui ont été remerciées, notamment sur le site de la Martinoire. Le plan social actuel permettrait d’économiser 30 millions. Pinault et ses copains du PPR engrangent plus d’un milliard chaque année... Le même Pinault, huitième fortune de France, qui expose ses collec’ au Tripostal de Lille avec les félicitations de Martine. Retour ligne automatique

Numéro 11, janvier 2009

Notes

[1Les licenciements concernent en grande partie le siège de Roubaix. Quelques salariés de la Martinoire, le site industriel de La Redoute à Wattrelos, sont tout de même venus en renfort.

[2Cabinet chargé de la contre-expertise.