Comment censurer ces blogs qui dérangent La Voix du Nord ? En faisant pression sur l’hébergeur...

Début 2010, de L’Error et ses potes « néogonzos » [1] de "Lille43000" reçoivent un mail de leur hébergeur internet, OVH. Cette société les somme de retirer l’article « La Voix du Nord : les Identitaires sont nos amis ! » de leur blog dans les quarante-huit heures, sous peine d’une suspension de ses services. A l’origine de cette censure ? Le service juridique de La Voix, bien entendu, et ses gros sabots encrottés… La Brique a voulu en savoir plus. En vain… ou presque.

 

La Voix, sans contacter Lille43000, envoie une lettre recommandée à OVH. La juriste du quotidien fait part de « propos injurieux et diffamatoires », « portant atteinte à l’honneur de nos journalistes et de La Voix du Nord », et enjoint le « directeur de la publication » de « retirer l’article concerné ». Bien sûr, La Voix se réserve « la faculté d’engager toute procédure juridique ». C’est ce qui s’appelle une « mise en demeure ».

La Voix tu ne critiqueras pas

Voici presque deux ans, Jack avait écrit un billet critique à l’encontre d’Isabelle Ellender, « journaliste pour du beurre », qui avait interviewé – fort benoîtement – les gros bras de la maison flamande de Lambersart. A lui seul, le titre de son papier aurait pu se passer du reste : « Maison du peuple flamand à Lambersart : “Non, nous ne sommes pas de vilains nazillons” ». Si la prose de Jack était ironique, il dénonçait à raison une journaliste tellement embobinée par les adorateurs de la carbonade identitaire qu’elle concluait son papier par : « ils proposent à leurs opposants de " passer le portail et de discuter avec nous ". L’invitation est lancée. » [2]

Cela en serait resté là si Internet n’avait pas ce défaut de mémoire publique. Une mémoire qui se consulte facilement mais qui ne peut s’effacer d’un seul clic. Voilà comment notre candide journaliste s’est vu « googlée » en tête de page. Injustice ! Atteinte à l’honneur ! La Voix se devait de menacer.

Mettre la pression sur l’hébergeur

OVH est une start-up roubaisienne devenue numéro un français en matière d’hébergement. L’activité de son service juridique est sans doute remplie de litiges sur les copyrights, la diffamation, l’injure ou encore le téléchargement [3]. Et les recommandés de La Voix du Nord doivent s’empiler dans ses bureaux. Mais pourquoi suivre si promptement les « ordres » de ce journal ?Retour ligne automatique
Sollicitée par nos soins, OVH nous envoie une fin de non-recevoir, considérant l’affaire de Lille43000 « classée ». En fait, avec ses articles révérencieux, La Voix se charge régulièrement de la promotion de cette « start-up-qui-monte » : pour celle-ci, il vaut mieux étouffer tout dommage collatéral… Le hic, c’est que la menace « juridique » était purement illégale, ce qu’OVH n’a pas daigné vérifier.

La Voix reste muette

Voyons du côté du service juridique de La Voix… Une dizaine d’appels, évidemment, des messages et un mail, et toujours rien. Nous ne recevons aucune réponse.

Pourtant, nous aimerions savoir pourquoi ce service, si juridique soit-il, ignore-t-il la « prescription ». En effet : « Aucune poursuite ne peut être intentée pour injure ou diffamation trois mois après la publication. Seul peut interrompre cette prescription un acte de poursuite judiciaire : assignation au civil, citation au pénal, tenue d’une audience où comparaît le plaignant. » [4]

Savoir également pourquoi ce service prend-il le risque de braver cette loi qui « punit d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 [aux hébergeurs…] un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte. »4 Notre compère aurait-il intérêt à porter plainte ?

Et pourquoi enfin cette lettre adressée à OVH parle-t-elle de propos « injurieux et diffamatoires », alors qu’on ne peut attaquer un article qu’au titre d’un des deux chefs d’accusation ? Pourtant inventive, l’avocate du journal n’est pas parvenue à se décider entre injure et diffamation pour qualifier la simple critique d’un journalisme néfaste.

Il reste une chose certaine, c’est que La Voix du Nord y a été au bluff, ce qui a marché, puisqu’OVH lui a emboîté le pas et que notre ami a dépublié son article. Le con !

Face aux identitaires, La Voix retourne-t-elle sa veste ?

Une autre chose nous tarabuste : le jour où de L’Error reçoit le mail d’OVH (deux jours après la lettre de La Voix, du 27/01), le-quotidien-issu-de-la-Résistance publie une enquête sur les néonazis de la région. Cette fois les journalistes citent la Vlaams Huis en reprenant des interrogations qu’on aurait aimé voir posées depuis longtemps : «  la maison flamande, ouverte depuis deux ans à Lambersart, est observée de près par les autorités. La structure réfute toute idéologie raciste mais est clairement marquée à l’extrême extrême droite. »

La Voix se réveille enfin, donc, et tente de tirer un trait sur les conneries qu’elle a publiées par le passé. Au final, dans ce combat qu’est la mémoire, certains rêveraient doucement qu’elle puisse s’effacer d’une simple menace. Pas de chance, averti et rassuré par notre avocate, notre ami a republié une seconde version de l’article [5]. La suite au prochain numéro...

Notes

[1Pour le journalisme « gonzo », voir William Mckeen, Hunter S. Thompson, journaliste et hors-la-loi, Tristam éditions.

[2A l’époque, La Brique avait essayé d’interroger Ellender. Sa réponse, expéditive, nous renvoyait à la lecture « entre les lignes » de son article. Mais même entre ses lignes, l’on y trouvait toujours un obscur néant…

[3OVH a été pionnière dans l’art de supprimer les hébergements suspectés de téléchargement illégal (certes) mais aussi avec des nazillons de tous bords.

[4Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique.

[5Il a trouvé bon de donner l’oubli à cette journaliste en retirant son nom de famille du billet, estimant que c’est La Voix qui compte, pas elle… c’est son avis.