Des femmes à l’écoute des femmes

Depuis 1995, " Parcours de femmes " est une association qui travaille avec des détenues ou anciennes détenues essentiellement sur les " prisons " de Sequedin et le centre de détention de Bapaume. La Brique a rencontré Arlette Biard et Karine Kajac. L’une, chargée du suivi d’insertion des femmes, intervient en " milieu fermé ", l’autre est secrétaire générale de l’association.

 

Le nombre de personnes suivies par l’association n’a cessé d’augmenter, passant de 19 en 1996 à 189 en 2006. Au 31 décembre 2006, 652 personnes ont bénéficié des services de l’association. Selon son rapport annuel, cet accroissement résulte de la notoriété de l’association auprès des incarcérées. Le bouche à oreille fonctionne : 63,5 % des femmes prennent connaissance de l’association par le biais d’une co-détenue. Les " bons rapports " avec les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) jouent également un rôle. Enfin, la politique d’incarcération massive en vigueur depuis quelques années n’y est pas étrangère.

" Parcours de femmes " essaie de comprendre les attentes des détenues pour mieux préparer les sorties. L’association fait également le relai avec d’autres structures qui interviendront à leurs sorties. C’est une nécessité, " comme un plus qu’on peut apporter aux femmes incarcérées, pendant et après leur détention. " Cette association a été créée par une ancienne visiteuse de prison, dans le souci évident de " pallier à un manque". Karine précise que " les visites, c’est important car Arlette représente l’extérieur qui rentre en prison, la société civile. L’important est de maintenir un lien avec l’extérieur."Retour ligne automatique
Avec à sa disposition quatre appartements à bail glissant [1], l’association met en place des projets pour les femmes qui sortent. Le premier projet, " c’est d’avoir un toit en sortant, un hébergement en foyer ou par la famille. " Ce problème, commun aux femmes et aux hommes, touche particulièrement les femmes. " La différence, c’est qu’un homme est moins souvent seul à la sortie ou dans les visites. Quand il y avait encore les femmes à Loos, elles recevaient très peu de visites par rapport aux hommes, notamment de la famille. Elles étaient déjà isolées à l’intérieur avant de l’être à l’extérieur. De plus, la femme passée par la case prison est toujours plus stigmatisée, c’est plus " honteux " (perte d’enfant, cassure avec la famille). C’est moins fréquent chez les hommes. "

L’inégalité inhérente à la prison est redoublée d’une inégalité devant le travail, ainsi " il y a peu de travail chez les femmes, et en plus on reproduit la division sexuelle : pour elles, c’est la blanchisserie, la buanderie et le ménage. Comme c’est le privé qui gère le travail en prison, et que les hommes sont plus nombreux, il est plus rentable de mettre en place des formations - plus qualifiantes qui plus est - chez les hommes. " En outre, la construction de la maison d’arrêt de Sequedin a enlevé aux femmes des formations professionnalisantes, comme le bâtiment et le CAP café -brasserie, qui existaient à Loos. En revanche, comme les hommes, " les femmes sont payées une misère : un tiers du SMIC. " [2]

Ouverte en décembre 2004, la maison d’arrêt de Sequedin est une prison pour femmes où, " les quartiers sont faits exactement de la même façon que les prisons pour hommes, mais elles y ont moins d’accès [à des activités] que les hommes, qui ont à disposition un stade et une salle de sport. " Si Arlette et Karine constatent un mieux, " car il y a des cellules individuelles, avec des douches ", elles ne se font guère d’illusion sur la philosophie des nouvelles enceintes pénitentaires. " Les promenades sont bétonnées, il y a un quartier " mère enfant " avec la cour bétonnée. S’il y a donc un mieux dans les conditions de détention ; le moins, c’est que la prison est très axée sur la sécurité. Les femmes qui ont connu la maison d’arrêt de Loos regrettent cet endroit, alors que c’était sale, qu’elles étaient trois ou quatre par cellule. "Retour ligne automatique
"Parcours de femmes" fait son possible pour pallier au manque de l’Etat : " C’est une réalité. Le SPIP le reconnaît d’ailleurs. " Enfin, l’association est dépendante financièrement des collectivités locales [3]. Le Conseil Général du Pas-de-Calais répondait récemment à une demande de subvention dans ces termes : "Vous faites un travail formidable mais on ne veut pas cautionner le désengagement de l’Etat en vous financant. " En filigrane, cela signifie " ’Si vous n’existiez plus, ça bougerait’ : donc ils ne nous financent pas. " Est-ce vraiment aux associations de subir les conséquences des conflits entre les différents pouvoirs publics ?

Notes

[1Une association, œuvrant dans le domaine de l’insertion par le logement, loue des logements et va les sous-louer temporairement à un locataire ou une famille tout en réalisant un accompagnement social. Le système du "bail glissant" peut être réalisé dans le parc immobilier public ou dans le parc privé. Cette formule n’a pas vraiment de cadre réglementaire

[2En France, les détenues perçoivent un tiers du SMIC en détention pendant qu’un autre tiers va pour les parties civiles et un troisième tiers est réservé pour leur sortie.

[3Le Conseil Régional est le principal financeur de l’association. et se retrouve coincée dans des logiques politiques autour de la décentralisation